Bien culturel et intellectuel, le livre constitue également une denrée comestible. Entant que telle, face au dégoût du public pour la lecture, les écoles et universités du Benin constituent une cible privilégiée de certains auteurs béninois, acteurs du système éducatifs qui n’hésitent pas à user de certaines astuces pour imposer leurs ouvrages.
Bidossessi WANOU
Publier un livre aujourd’hui au Bénin, tient beaucoup plus d’une passion que du désir de faire profit. Face au dégoût du public scolaire pour la lecture, certains auteurs n’écrivent plus que par conformisme ou par passion pour cet art qu’est l’écriture ou la littérature. Dans cet environnement, les écoles et universités sont devenues les seules issues favorables trouvées par certains auteurs pour écouler leurs livres. Un tour dans les universités et le constat est frappant. Entre imposition et politique déguisée d’institution au programme de leurs ouvrages qui à la limite deviennent des guides de cours, les enseignants des universités publiques comme privées du Bénin disposent de plusieurs astuces pour atteindre leurs objectifs dans l’écoulement des ouvrages. Des étudiants témoignent : « Des prédécesseurs nous l’ont dit et au premier cours, le professeur lui-même nous l’a notifié à savoir que ceux qui ne vont pas se procurer le document au programme n’auront par l’Unité d’enseignement (UE) » a laissé entendre Paulette Adjo, étudiante en Chimie-Biologie-Géologie à l’Université d’Abomey-Calavi. Ces propos de Paulette ont été confirmés par Johanne Amoussou, étudiant au département de philosophie : « Il y a de ces enseignants qui sont connus pour le fait : la seule assurance pour valider leur matière, c’est de payer leurs documents de cours » dont ils sont eux mêmes auteurs. Profitant de cette influence sur leurs étudiants, certains enseignants aident des auteurs externes à écouler leurs ouvrages en l’instituant au programme dans leur enseignement. C’est du moins ce que rapporte Awo Bienvenu, responsable d’amphithéâtre dans un département de l’UAC : « Ce n’est pas toujours des documents de nos enseignants. Il y a des ouvrages d’auteurs externes qu’on vous exige de payer ». Le mal, explique Bienvenu, « nous n’avons pas souvent le choix car, votre réussite est suspendue à l’achat du document ». Selon les explications, le profit à affaire préoccupe même plus certains enseignants que les la maîtrise qui est attendue de l’apprenant du contenu du document.
Du rejet systématique des documents hérités
Dans cette course au profit, certains enseignants s’opposent à la possibilité pour leurs étudiants que bénéficier des ouvrages déjà payés et utilisés par des prédécesseurs dans une filière. C’est ce que confie Christophe Aguiadaho, étudiant en lettres modernes à l’Université d’Abomey-Calavi : j’ai mon grand frère qui avait fait les lettres modernes et qui a mis certains ouvrages dont il s’était servi à ma disposition. Mais grande fut mon illusion quand arrivé ici, on exige à voir mon nom dans les ouvrages et donc, je n’ai pas le choix que de repayer. Selon cet étudiant, posséder l’ouvrage est primordiale et peu importe la maîtrise que vous avez du contenu. En faisant la même remarque, Ginette Alakpata étudiante en linguistique explique qu’il y a des enseignants qui inscrivent systématiquement tous ceux qui se procurent le document, ce qui ne laisse aucune marge de manœuvre à ceux qui tentent de trouver d’autres issues. Tout ceci poursuit-elle, vous empêche d’emblée de vous servir d’un document qu’aurait mis à votre disposition un aîné. Dans tout ça, l’argent s’avère la première préoccupation croit savoir cette étudiante qui ajoute qu’il y a de ces ouvrages qu’on vous exige d’avoir sachant pertinemment que vous n’aurez qu’à aborder qu’une ou deux pages. Mais les enseignants concernées ne voient pas la chose de cette manière et accuse en retour l’Etat.
L’Etat au banc des accusés
Dans cette situation qui pourrit la vie à certains élèves et étudiants, certains enseignants pointent d’un doigt accusateur l’Etat et les décideurs du système éducatifs. En effet, Georges Awounou, enseignant dans une université privée confie qu’un livre, c’est plusieurs efforts et en retour, l’Etat doit envisager par rotation la mise au programme de certains ouvrages d’auteurs locaux afin de les accompagner. Cet avis est partagé par Yanick Montcho, auteur et éditeur. Au fait, « l’Etat doit développer des politiques d’accompagnement de certains auteurs dont le contenu des œuvres est vraiment pertinent en les instituant au programme » a expliqué celui-ci.
En tirant à boulet rouge sur les critères pour mettre au programme, qu’il juge purement politique et fallacieux, il a formulé le vœu de voir des débats vraiment intellectuels se mener autour de l’opportunité des œuvres au programme » car, une œuvre au programme est une mine pour son auteur. Pour l’éditeur, l’institution au programme d’une œuvre est décidée par des tierces et mêlée de considérations politiques, ce qui éloigne les frontières de l’objectivité. Le système à l’université est davantage complexe, sachant que chaque enseignant a la largesse d’étudier l’ouvrage qui lui convient. Mais si l’Etat venait à accompagner les initiatives d’édition d’ouvrages scolaires ou susceptibles d’être étudiés à l’université, cela reviendrait moins cher aux acteurs de la chaîne et soulagerait surtout les apprenants sommés sans concession de s’en procurer. Quant aux ouvrages à mettre au programme, certains ont également préconisé un système transparent d’appel à candidatures, au terme duquel, chaque soumissionnaire viendrait défendre les atouts que représente l’étude de son œuvre pour l’école béninoise et ses acteurs. Aussi ont-ils insisté sur des productions d’auteurs locaux, ce qui constituerait non seulement une promotion de ces derniers mais aussi une manière pour l’Etat de les accompagner dans cette aventure souvent ambigüe où ils s’engagent.