De 4% en 2016, 5,6% en 2017, 6% en 2018, l’économie béninoise est prévue de croitre à 6,7% en 2019, selon le FMI. Si le gouvernement en est satisfait, l’homme de la rue s’en moque car les fruits de cette croissance constante n’améliorent pas sa vie quotidienne. Que faire ?
Issa SIKITI DA SILVA
La pauvreté est avant tout un phénomène économique qui devrait normalement être combattue par une économie stable qui accroit d’année en année. C’est ce qui devrait être le cas au Bénin dont l’économie n’a cessé de défier tous les pronostics pendant ces trois dernières années.
Mais cette croissance, qui crée peu d’emplois, n’arrive pas à impacter la vie de la majorité de la population. Le coût de la vie augmente et la crise dévore les ménages, alors que la pauvreté est passée de 36,2% en 2011 à 40,1% en 2015.
Trois familles sur cinq qui se sont confiées à ce journal parlent de ne plus être en mesure de nouer les deux bouts du mois, tandis que d’autres confessent de s’être endettées jusqu’au cou pour faire face à l’insécurité alimentaire. Selon le Programme alimentaire mondial (PAM), 9,6% de la population béninoise est en insécurité alimentaire, dont 0,7% en insécurité alimentaire grave. Cela correspond à 1,1 million de personnes en insécurité alimentaire, dont environ 80 000 personnes gravement touchées.
La croissance, mot magique ?
Non, répond la Banque mondiale parce qu’elle a ses limites malgré son rôle primordial de réduire la pauvreté. « Il est peu probable que la croissance seule mette fin à l’extrême pauvreté. Les pays doivent compléter les efforts visant à renforcer la croissance par des politiques qui allouent davantage de ressources aux personnes extrêmement pauvres. Ces ressources peuvent être distribuées tout au long du processus de croissance, en promouvant une croissance plus inclusive, ou par le biais de programmes gouvernementaux, tels que les transferts monétaires conditionnels et directs », conseille la Banque mondiale.
Pour un groupe de quatre artisans de bois opérant à Cotonou, leur pauvreté est plutôt liée au manque d’accès à une sorte de financement qui pourrait les aider à acheter du nouveau matériel de base tel que des scies et des rabots dont ils ont besoin pour fabriquer des tabourets, des fauteuils, des bancs et de lits.
Il est impératif non seulement de sortir les gens de la pauvreté extrême, il est également important de s’assurer qu’à long terme, ils ne restent pas coincés juste au-dessus du seuil de pauvreté extrême en raison du manque de possibilités qui pourraient entraver les progrès vers de meilleurs moyens de subsistance, ajoute l’institution de Bretton Woods basée a Washington DC.
Baisse de la pauvreté
Celle-ci dépend mécaniquement de deux facteurs, renseignent Jean-Pierre Cling, Phillipe de Vreyer, Mireille Razafindrakoto et François Roubaud dans la Revue Française d’Economie. « D’une part », affirment-t-ils, « l’augmentation du revenu moyen de la population, à distribution relative des revenus inchangés, conduit à une réduction de la pauvreté et d’autre part, à revenu moyen inchangé, toute redistribution des revenus en direction des pauvres produit le même effet. De plus, si potentiellement la croissance et la baisse des inégalités peuvent jouer sur la réduction de la pauvreté, il semble que le premier facteur l’emporte largement sur le second ».
Comme la relation entre croissance, inégalités et pauvreté existe bel et bien en économie, un autre économiste Jean-Luc Dubois souligne ceci dans ‘’Cairn Info’’ : « Si la poursuite de la lutte contre la pauvreté sous toutes ses formes reste indispensable, elle ne peut être menée de manière efficace que si l’on raisonne en même temps en termes de durabilité sociale, en examinant les structures d’inégalités sociales et la vulnérabilité des populations. Dans un monde ou les contraintes écologiques peuvent jouer un rôle de catalyseurs de crise, il faut pouvoir raisonner en termes de durabilité sociale et d’économie solidaire si l’on veut éviter que lors de l’émergence de nouvelles crises, tout dysfonctionnement social ne mène a de violents conflits ».