Comparé aux autres pays de l’Uemoa, le Bénin a la maîtrise de son inflation. Cependant, le niveau et la qualité de vie révèlent sa vulnérabilité en tant qu’agent économique. Il s’agit de réalités partagées entre les Béninois, qui établissent un réel contraste entre trois facteurs de la dynamique économique que sont l’inflation, la pauvreté et la croissance économique.
Jean-Claude KOUAGOU
Les statistiques macroéconomiques béninoises affichent des chiffres satisfaisants. Courant l’année 2022, le taux d’inflation disséminé par les institutions habilitées a oscillé entre le négatif de -1,3% et le positif de +2% contre une moyenne régionale de près de +7%. Pendant ce temps, le taux de croissance économique au Bénin au cours de l’année 2022 a été déclaré soutenu à 6,1%. Pour mieux apprécier ces trois facteurs, il est important de savoir ce que c’est que l’inflation. Elle est la perte du pouvoir d’achat de la monnaie qui se traduit par une augmentation générale et durable des prix sur le marché. Elle correspond à une augmentation générale des prix des biens et services dans une économie. Lorsque le niveau général des prix augmente, une quantité donnée de monnaie permet d’acheter moins de biens et services. La mesure courante de l’inflation est le taux d’inflation, c’est-à-dire la variation en pourcentage annualisée d’un indice général des prix. Il s’agit d’un phénomène qui, une fois installé, peut devenir persistant. La monnaie étant l’étalon des valeurs, la variation de sa propre valeur n’est pas directement mesurable ; on l’évalue à partir des variations des prix à la consommation des biens et services, mesurée à quantité et qualité égales. L’inflation doit donc être distinguée de l’augmentation du coût de la vie car elle ne prend pas en compte la variation des quantités achetées en réponse à l’évolution des prix. Avant l’augmentation des salaires des fonctionnaires de l’Etat, le sentiment général des Béninois est que la vie coûte plus cher qu’elle ne l’était deux ans plus tôt. Nonobstant ce sentiment, le Bénin a su s’imposer en tant que premier de la classe dans l’Union économique et monétaire ouest-africaine (Uemoa) en termes de niveau d’inflation, grâce à son taux qui se maintient aux alentours de -1,3 % ces quatre derniers mois, contre une moyenne régionale à +6,8 %, selon les données de la Banque centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO). D’après le rapport du FMI datant du 3 novembre 2022, la performance béninoise est le résultat d’« une bonne campagne agricole et des subventions par l’État des prix de certains produits importés », notamment les carburants, les engrais et les denrées alimentaires. Plus précisément, et conformément au compte-rendu ministériel datant du 23 mars dernier, les prix de vente des produits de grande consommation sont fixés par le gouvernement.
La croissance économique
La croissance économique désigne la variation positive de la production de biens et de services dans une économie sur une période donnée. En pratique, l’indicateur le plus utilisé pour la mesurer est le produit intérieur brut (PIB). Il est mesuré « en volume » ou « à prix constants » pour corriger les effets de l’inflation. Le taux de croissance, lui, est le taux de variation du PIB. On utilise souvent la croissance du PIB par habitant comme indication de l’augmentation de la richesse individuelle, assimilée au niveau de vie (à distinguer de la qualité de vie). Dans tous les cas, la croissance est un processus fondamental des économies contemporaines, reposant sur le développement des facteurs de production, lié notamment à la révolution industrielle, à l’accès à de nouvelles ressources minérales (mines profondes) et énergétiques (charbon, pétrole, gaz, énergie nucléaire, etc.) ainsi qu’au progrès technique. Elle transforme la vie des populations dans la mesure où elle crée davantage de biens et de services. A long terme, la croissance a un impact important sur la démographie et le niveau de vie des sociétés qui en sont le cadre. De même, l’enrichissement qui résulte de la croissance économique peut permettre de faire reculer la pauvreté, à condition que les richesses créées soient redistribuées vers les plus bas revenus. Certaines conséquences de la croissance économique comme la pollution et les atteintes à l’environnement, l’accentuation des inégalités sociales ou l’épuisement des ressources naturelles (pétrole, métaux notamment) sont souvent considérés comme des effets pervers qui obligent à distinguer croissance et progrès. Le Bénin présente cependant l’une des croissances économiques les plus fortes au sein de la zone UEMOA avec un taux de croissance estimé à +7,2 % en 2021 en progression de +3,4 points de pourcentage par rapport à 2020. Malgré les chocs exogènes liés à la COVID-19 ayant affecté certains secteurs clés de l’économie béninoise, le pays a pu compter sur les bonnes performances des sous-secteurs d’activités tels que les activités portuaires, la production agricole et le tourisme. En dépit des tensions inflationnistes que connaissent les pays de l’Union, le Bénin a su contenir la hausse des prix à la consommation avec un taux d’inflation qui est ressorti à +1,7 % en 2021, le plus faible taux de la zone UEMOA. Par ailleurs, les perspectives économiques demeurent encourageantes pour le Bénin, notamment grâce à la poursuite des investissements dans le cadre du programme d’action du gouvernement qui devraient permettre au pays d’atteindre un taux de croissance de +5,7 % en 2022 puis +6,2 % en 2023.
Contraste entre les chiffres et le vécu
La croissance devrait atteindre 6,1 % en 2022 et 6,4 % en 2023. Ces prévisions reposent sur des réformes de la gouvernance du secteur agricole, ainsi que sur l’amélioration de la gestion des finances publiques et du climat des affaires. L’augmentation de l’offre alimentaire devrait permettre à l’inflation de continuer à diminuer pour atteindre environ 2,8 % en 2023. Le déficit budgétaire devrait se réduire à 4,3 % du PIB en 2022 et 3,7 % en 2023, mais ces chiffres restent supérieurs au critère de l’UEMOA de 3 % du PIB. Après avoir augmenté à 48,9 % du PIB en 2022, la dette publique devrait diminuer à 46,3 % en 2023, grâce à une croissance robuste et à une meilleure structuration de la dette durant cette période. Le déficit des comptes courants devrait se creuser pour atteindre 5,4 % du PIB en 2022 avant de se réduire à 4,6 % en 2023, cette dernière année en raison d’une réduction de la balance commerciale. Les réserves de change devraient augmenter pour atteindre 6 mois de couverture des importations en moyenne en 2022–23. Les principaux risques sont la résurgence de la crise sanitaire, les fluctuations des prix du coton et du pétrole, les impacts de la crise ukrainienne, les intempéries et la détérioration de la sécurité dans les régions du nord.
Une économie encline à la résiliente
En dépit de la poursuite de la pandémie de la COVID-19 avec l’apparition du variant Omicron, l’activité économique au Bénin en 2021 a été dynamique. L’économie du pays a bénéficié de la forte hausse du trafic portuaire en lien avec l’ouverture des frontières avec le Nigéria ainsi que de la disponibilité de ressources à travers les émissions obligataires internationales et les allocations de Droits de Tirage Spéciaux (DTS) du Fonds Monétaire International (FMI). L’économie béninoise a profité du dynamisme des branches liées au tourisme et de l’amélioration de la production agricole de coton au cours de la campagne 2020-2021. En rapport avec ce dynamisme, la croissance s’est établie à +7,2 % en 2021 contre +3,8 % un an plus tôt. Toutefois, les effets de la guerre en Ukraine couplés à une conjoncture internationale peu favorable devraient ralentir le rythme de croissance en 2022. Selon les prévisions, l’économie béninoise devrait progresser de +5,7% en 2022 avant un regain annoncé en 2023, année à laquelle la croissance de l’économie béninoise devrait atteindre +6,2 %. Conscient de la nécessité de renforcer le système de planification du développement en vue de l’atteinte de la Vision Bénin-2025 Alafia, des Objectifs de Développement Durable (ODD) et de l’agenda 2063 de l’Union Africaine (UA), le Bénin s’est doté d’un Plan National de Développement (PND) pour la période 2018-2025. La mise en œuvre de ce plan devra contribuer à conforter les réalisations du Programme d’Actions du Gouvernement (2016-2021) tout en assurant la continuité de l’action de développement d’un gouvernement à un autre. Organisé autour des thématiques majeures que sont le développement du capital humain et du bien-être de la population, la productivité et la compétitivité de l’économie nationale, l’environnement et les changements climatiques, le PND a été élaboré selon une approche participative et inclusive. Ainsi, l’option stratégique retenue est de faire de l’agro-industrie, du tourisme et des services, le moteur de la croissance économique inclusive et durable dans le cadre d’une gouvernance nationale et locale plus efficace tout en misant sur le développement du capital humain et des infrastructures. Cela devrait permettre au Bénin d’atteindre des résultats satisfaisants à la fin de la mise en œuvre du PND dont : un taux de croissance économique de 10,2 % en 2025, contre 5,7 % en 2017 ; un taux d’investissement qui passerait de 26,4 % en 2018 à 33,2 % pour la période 2022-2025 ; un taux d’emploi précaire qui serait inférieur à 60 % en 2025, contre 83,7% en 2015 et une réduction de l’incidence de la pauvreté à hauteur de 23,2 % en 2025 contre 40,1 % en 2015.