Bien que certaines régions d’Afrique bénéficient d’améliorations grâce à de meilleures récoltes, la majorité des pays du continent reste piégée dans une spirale de crises alimentaires, exacerbée par des facteurs tels que le changement climatique, les conflits armés et l’inflation alimentaire.
Aké MIDA
Les crises alimentaires sont une menace croissante à l’échelle mondiale, mais leur impact en Afrique est particulièrement sévère. D’après la mise à jour semestrielle du Rapport mondial sur les crises alimentaires 2024 (Grfc, septembre 2024) publié par le Réseau mondial contre les crises alimentaires (Food Security Information Network, Fsin), l’Afrique fait face à une intensification de l’insécurité alimentaire aiguë. Environ 346 millions de personnes sont touchées par des crises alimentaires sur le continent, un chiffre en hausse, en particulier en Afrique de l’Est et dans la région du Sahel.
L’Afrique demeure la région ayant la plus forte proportion de population touchée par la faim avec 20,4 % de la population, soit une personne sur cinq, selon le rapport sur L’Etat de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2024 titré : « Des financements pour éliminer la faim, l’insécurité alimentaire et toutes les formes de malnutrition » (Fao, Fida, Oms, Pam et Unicef, 2024). La faim aurait touché 298,4 millions de personnes en 2023, selon les estimations. La même source indique que le nombre de personnes n’ayant pas les moyens de s’alimenter sainement s’est accru pour atteindre 924,8 millions en 2022 en Afrique, soit une hausse de 24,6 millions par rapport à 2021. La prévalence de l’insécurité alimentaire modérée ou grave sur le continent est établie à 58,0 %, soit le double de la moyenne mondiale. Ces statistiques alarmantes ne sont que la partie visible d’une situation complexe et persistante aux causes multiples.
Un mal aux racines profondes
Selon le rapport de Fsin, l’insécurité alimentaire atteint des niveaux critiques dans les pays africains. C’est le cas au Soudan où 25,6 millions de personnes sont confrontées à des niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë, marquant une augmentation de 26 % par rapport à 2023. Le conflit prolongé a entraîné des déplacements massifs, notamment vers des pays voisins comme le Tchad et le Soudan du Sud.
Les pays comme le Nigeria, le Mali et le Zimbabwe voient leur situation se détériorer en raison de l’inflation, des sécheresses exacerbées par des phénomènes climatiques. Il en est de même de l’Afrique de l’Est où les sécheresses combinées aux conflits en Ethiopie, au Kenya et en Somalie aggravent la crise, laissant des millions de personnes dans une situation critique.
Le Comité international de la Croix-Rouge (Cicr) rapporte que la situation en Somalie est particulièrement critique en raison des sécheresses prolongées et de la perte de bétail. En effet, 90 % du territoire somalien est touché par la sécheresse, avec environ 1,4 million d’enfants menacés de malnutrition aiguë.
Les crises alimentaires en Afrique sont causées par un enchevêtrement de facteurs, dont les conflits armés demeurent la principale cause de la famine dans plusieurs pays, notamment au Soudan, au Mali et en Somalie. Les événements climatiques extrêmes, notamment des sécheresses, ont gravement affecté la production agricole dans des pays comme le Malawi, le Zimbabwe, et la Zambie, provoquant la perte de récoltes et de bétail. A cela s’ajoutent l’inflation et les pénuries des denrées alimentaires et des intrants agricoles, exacerbée par la guerre russo-ukrainienne, ce qui limite l’accès des populations vulnérables à la nourriture.
Agir de manière concertée !
Face à ces défis, l’Afrique se trouve à un carrefour critique, avec près de 129 000 personnes risquant de sombrer dans la famine au Burkina Faso, au Mali, en Somalie et au Soudan du Sud, selon le Programme alimentaire mondial (Pam).
La malnutrition aiguë, en particulier chez les enfants et les femmes, continue de se détériorer dans des zones de conflit. Au Soudan par exemple, la malnutrition dépasse 30 % dans certains camps de déplacés.
L’atteinte de l’objectif de développement durable (Odd 2) relatif à l’élimination de la faim semble compromise en Afrique, d’où la nécessité d’une réponse internationale pour atténuer cette crise. Une action concertée de la communauté internationale s’avère nécessaire, en complément des initiatives locales visant à renforcer la résilience des systèmes alimentaires, préconise le Pam. L’avenir de la sécurité alimentaire en Afrique dépendra de la capacité à stabiliser rapidement les conflits et à s’adapter aux changements climatiques.
Le rapport sur l’état de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans le monde 2024 souligne la mise en place des solutions innovantes, inclusives et équitables pour accroître les financements au service de la sécurité alimentaire et de la nutrition dans les pays où la faim et la malnutrition sévissent. Une approche plus globale de l’architecture du financement en la matière est recommandée, avec un accent particulier sur les dons et les prêts concessionnels.
Outre la stabilisation des conflits, l’utilisation judicieuse des financements existants et la transformation des systèmes agroalimentaires sont nécessaires pour renforcer la résilience des pays face aux principaux facteurs et remédier aux inégalités.