Lors de la rencontre des chefs d’Etat Talon et Macron, à Paris en mars dernier, cinq projets d’envergure ont été lancés. Il y a donc de l’espoir pour le renforcement des compétences du capital humain en perspective.
Outre le rapatriement des œuvres artistiques béninoises, si on observe les autres projets, on constate qu’il y a la construction du futur centre de santé universitaire d’Abomey-Calavi, la reconstruction touristique de la cité lacustre de Ganvié, le PAVICC pour l’amélioration écologique des environnements urbains et la Cité Internationale de l’Innovation et du Savoir. Ce dernier projet (CIIS) création du gouvernement béninois, où la France placera quelques-unes de ses équipes éducatives, est le seul des projets qu’elle ne soutiendra pas financièrement, c’est également le seul projet de création d’activités et de valeurs innovantes. Comment faut-il comprendre ce choix de la République Française ? On peut tout d’abord s’interroger sur la confiance que la France prête aux efforts du gouvernement béninois et à la capacité de ses institutions commerciales et universitaires à pouvoir proposer des cursus équivalents aux cursus occidentaux. En effet, ce projet est le plus générateur de valeurs, car il est définitivement tourné vers les activités créatives et entrepreneuriales des nouvelles technologies. Nous ne savons pas encore si un dispositif de soutien aux biotechnologies sera mis en place mais il y a fort à parier que nous y trouverons des filières robotiques, informatiques, hi-tec. On sait déjà que ces filières sont des filières génératrices d’emplois et de richesses, que les formations, diplomantes ou non, requièrent la collaboration de professionnels compétents et rares ainsi que de matériels récents et de grandes valeurs. Aussi la France aurait été mieux inspirée de proposer un financement que des enseignants issus des grandes écoles de l’hexagone, rompus aux techniques managériales, mais inadaptés aux contextes africains.
On peut ensuite se demander si la France souhaite réellement que le Bénin se développe dans les secteurs innovants. En effet, la France a elle-même des difficultés à convertir ses grandes écoles aux attentes du marché des compétences des nouvelles industries. Ses formations aux métiers hi-tec sont dispensées par des professeurs de grandes valeurs, savants et experts mais seule une poignée d’entre elles propose des cursus transversaux, innovants et originaux. La formation d’une élite béninoise serait une concurrence directe aux ingénieurs et entreprises françaises de ce secteur porteur. Ces ingénieurs béninois ne trouveraient pas forcément de débouchés à l’étranger ni de société en attente de leurs compétences.
On peut aussi se demander si la France croit en la capacité du Bénin à générer une activité liée aux nouvelles industries suffisamment importante pour absorber la production de professionnels issus de la Cité Internationale de l’Innovation et du Savoir. A quoi servirait de former une élite compétente s’il n’existe pas de postes pour absorber les nouvelles promotions d’élèves ? Des générations d’ingénieurs, futurs créateurs d’entreprises ou cadres du secteur, se retrouveraient désœuvrés à l’issu de leur formation par manque de fonds pour créer leurs entreprises ou par manque d’entreprises pour postuler. Ils seraient, comme leurs prédécesseurs français le sont encore trop souvent dans leur pays, obligés d’accepter des postes pour lesquels ils sont surqualifiés ou pour lesquels ils ne sont pas formés.
En définitive, pourquoi ne pas simplement se questionner sur les capacités de la France à répondre aux attentes du Bénin en matière de moyen et de compétences adaptées à la conception de cette Cité Internationale de l’Innovation et du Savoir ? En effet, à l’image des universités anglo-saxonnes, mutant en fonction des innovations et des technologies, le Bénin a certainement su concevoir ce grand projet avec l’audace dont il doit faire preuve pour affronter les défis du futur. Pour optimiser son efficacité, la CIIS a certainement été conçue sur le modèle du laboratoire permanent, intégrant le marketing et le prototypage. A l’image de ces « Fab Lab », où le designer produit, chef d’orchestre des équipes, les ingénieurs, les sémiologues et les artisans, mettent au point des solutions innovantes et responsables. La CIIS sera alors un formidable outil de production de compétences et de solutions originales. Elle répondra aux attentes béninoises dans un premier temps et bientôt aux attentes de toute l’Afrique subsaharienne.
Franck Vital/ Paris