Elu le 20 novembre 2017 en remplacement du maire Alasane Zoumarou destitué le 30 octobre de la même année, qui lui aussi, a remplacé Micaël Bassabi Djara, Abischaï Abraham Akpalla, actuel premier citoyen de la ville de Djougou, à quelques semaines de la fin de son mandat, s’est prêté aux interrogations du journal « L’économiste ». Portant ses réquisitoires sur la décentralisation au Bénin, son bilan, il l’assume et rêve d’une ville viable. Interview.
L’économiste : Presqu’en fin de mandat à la tête du Conseil communal de Djougou, que peut-on retenir de votre bilan ?
Abischaï Abraham Akpalla :
Merci beaucoup. Il faut dire que j’ai pris ce mandat à mi-chemin, il y a de cela deux ans, mais, avec une mission bien claire et déterminée en trois (03) points. Le premier point, c’est d’améliorer la gouvernance au niveau de la commune parce qu’il y avait un certain nombre de dysfonctionnement que le Conseil n’a pas apprécié, et que, les populations et mêmes les cadres de la mairie n’appréciaient pas. Il fallait rassurer le contribuable et les élus sur les bonnes pratiques de gestion. Et pour ça, nous sommes arrivés à asseoir une bonne dynamique, de bons outils pour qu’il n’y ait pas de fraude, ni d’évasion de notre fiscalité, de nos taxes. Et nous avons renforcé tout récemment avec la mise en place du Guichet Unique grâce à l’accompagnement du programme COPACOLD financé par l’Union Européenne et avec l’accompagnement de l’ANCB. Donc au niveau de la gouvernance, aujourd’hui, la confiance se rétablit davantage avec le contribuable. Le deuxième point était la crise sociale dûe aux mésententes au niveau du Conseil communal avec la chefferie traditionnelle, et avec même les populations. Et ça aussi, nous sommes arrivés à asseoir un climat de paix, de compréhension et même de confiance avec les élus. La preuve, durant tous les deux (02) ans, les sessions que nous avons tenues, qu’elles soient extraordinaires ou ordinaires, les conseillers m’ont accompagné à pratiquement 100% pour les décisions que nous prenons. C’est grâce à la dynamique que nous avons mise en place, de discuter d’abord sur les questions avant qu’elles ne viennent en question. Parce que nous avons des commissions permanentes qui constituent de bons cadres d’échanges. Cela nous a aidés à prendre les décisions qui sont utiles pour le développement de la commune de Djougou. Le troisième point est relatif à la consommation des ressources. Nous avions cumulé plus de 1 milliard 500 millions pendant les premières années de cette mandature. Il fallait en une année et demie, consommer tout cela avec les limites, l’insuffisance de cadres que nous avons. Nous avons quand-même mis en place une dynamique qui a permis de faire des engagements jusqu’à hauteur de 80%. Ce qui a reçu l’assentiment des élus et, nous avons aussi été encouragés par rapport à cela. Voilà le mandat que j’avais. Mais il ne fallait pas s’en tenir uniquement à ça. Il fallait préparer le terrain pour les années à venir. Et pour ça, je me suis employé à travailler de manière à asseoir les bases du décollage de l’économie locale. Cela, à travers un certain nombre de projets. Il y a le projet de la gare du nord, c’est un projet d’infrastructures marchandes et de transport qui devait nous permet de faire de Djougou une escale pour tous ceux qui y passent. Et nous sommes accompagnés par l’Agence Nationale d’Aménagement du Territoire (ANAT) du ministère du cadre de vie. C’est un projet qui est prêt maintenant à être lancé. Nous sommes au point de mobilisations de ressources pour que ce projet soit. La commune de Djougou a aussi une vocation industrielle. Vous savez, c’est aussi une commune rurale qui a assez de productions au niveau de l’agriculture. Notre dynamique, c’est que nos produits ne sortent pas à l’état brut, mais, de soutenir l’industrie artisanale et les petites industries pour faire de la commune, une commune industrielle.
Quelles sont donc les filières que vous priorisez ?
Nous avons, du côté de l’industrie bien sûr, trois (03) filières que sont, l’anacarde, le Karité et le soja, en plus d’autres oléagineux. Ce sont nos priorités. Et grâce à ça, la commune devra jouer sa partition pour booster aussi la production agricole. Parce que si on a le marché, on produit mieux. Et puisque nous ne pouvons pas y arriver seuls, la femme est au cœur de ces filières que nous promouvons.
Les réformes globales au niveau de la décentralisation, comment les appréciez-vous ?
Il faut dire aujourd’hui que la réforme de la gestion des finances au niveau local, c’est une bonne dynamique. Les cadrages qui sont sortis, ce sont de bonnes choses qui doivent aider les maires à travailler pour mobiliser davantage les ressources mais aussi, en assurer une bonne gestion. La décentralisation de façon globale commence par plomber, j’ai l’impression. Parce que la population attend davantage de nos collectivités, de nos mairies. Mais, nous n’avons pas suffisamment les moyens d’assurer le service public et, l’Etat devrait nous aider davantage en transférant suffisamment de ressources. Quand je parle de ressources, la priorité, ce sont les ressources humaines et, les ressources financières. Parce que nous n’avons pas suffisamment de personnel pour assurer le service public. L’Etat en a à foison, d’autres ne travaillent même pas. Donc l’Etat peut nous envoyer le reste qu’il n’utilise pas.
D’aucuns estiment que l’Etat est le gros problème des collectivités locales. Qu’est-ce que vous en pensez ?
Oui ! Quelque part, il faut dire que dans la prise de décision au niveau des réformes, nous, collectivités, on s’attend à ce que ça soit concerté. Parfois ce sont des décisions qui vous tombent dessus et comme ça, vous êtes obligés de vous y conformer. Vous comprenez que l’application et la mise en œuvre prend du temps parce qu’il faut s’adapter avant de les faire. Je pense que c’est là qu’il faut changer la dynamique. Si non aujourd’hui, la perspective de l’Etat, c’est de permettre aux communes de s’autosuffir et moi, j’approuve cela. C’est une bonne dynamique.
Alors, si l’Etat vous impose les réformes sans vous avoir concerté, quel est finalement le rôle de l’ANCB ?
Il faut d’abord dire que l’Etat n’impose pas. L’Etat est dans son rôle d’orientation. Ce n’est pas de mauvaises réformes non plus, mais c’est la mise en œuvre qui parfois est difficile. Lorsque vous n’êtes pas préparé à quelque chose, vous avez du mal à l’accepter et à l’appliquer. Cela freine un certain nombre de choses. L’ANCB continue par jouer son rôle de plaidoyer auprès de l’Etat. D’ailleurs, l’ANCB est aussi le plus souvent impliqué dans les échanges avec l’Etat. Mais quel est son pouvoir de faire changer les choses ? Cà, c’est un problème auquel je n’ai pas encore de réponse. Mais, le président de l’ANCB, vous le savez, c’est un monsieur très engagé, très dynamique qui a une très bonne expérience de la vie des collectivités locales. Je suis convaincu que de plus en plus, l’ANCB est entrain de prendre sa place d’organisation des maires qui assure des plaidoyers en faveur des collectivités locales.
Si vous étiez réélu pour les prochaines communales, quelles seront vos priorités pour la ville de Djougou ?
Ma priorité au niveau de la commune de Djougou, c’est de créer une bonne dynamique pour que l’économie locale se développe. C’est mon leitmotiv, pour que la commune puisse se prendre en charge. Mais je suis très regardant sur les changements climatiques, parce que nous sommes dans une ville qui est menacée par ce phénomène. C’est aussi une priorité pour nous.