(10 députés n’ont toujours pas déclarés leurs biens)
A l’orée de cette nouvelle année, le Président de l’Autorité nationale de lutte contre la corruption (ANLC), Jean-Baptiste Elias fait le bilan de l’année écroulée et présente les perspectives pour 2019. A ce titre, il annonce dans cette interview le processus de lutte contre la corruption sera renforcer. Pour les prochaines élections législatives d’avril 2019, en collaboration avec les organisations de la société civile, le contrôle sera rigoureux.
L’Economiste : Nous venons de boucler l’année 2018, quel bilan pouvez-vous faire sur la lutte contre la corruption au Bénin à ce titre ?
Jean-Baptiste Elias : Le phénomène de la corruption est mondial n’épargne pas le Bénin. C’est pourquoi, au niveau de la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO), les chefs d’Etats et de gouvernements membres ont signé et appliqué le protocole du 21 décembre 2001 à Dakar. Les 55 Etats de l’Union africaine ont décidé le 11 juillet 2003 à Maputo de signer la convention de l’Union africaine sur la prévention et la lutte contre la corruption. De plus, le monde entier à travers les Nations Unies a signé au Mexique en décembre 2003 la convention des Nations Unies contre la corruption. Le Bénin a signé et ratifié tous ces textes et donc le Bénin les applique. Le phénomène de la corruption est un phénomène planétaire et il faudrait faire en sorte qu’à défaut de cesser complètement puisse diminuer sensiblement. Au Bénin, puis que c’est de ça qu’il s’agit, nous avons la loi 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en république du Bénin. Cette loi qui comporte 156 articles a prévu la création de l’ANLC qui est chargée de gérer la lutte contre la corruption dans notre pays. Alors en 2018, d’abord un plan d’action a été mis en place parce que la loi 2011-20 a prévu que l’ANLC s’investisse dans la prévention. Donc toutes les dispositions que nous pouvons prendre pour prévenir la corruption constituent les éléments de l’ANLC. Ensuite, la loi a prévu que l’Autorité puisse faire des investigations pour détecter les cas de fraudes, de détournements de deniers publics, les cas de corruption en général. La loi a prévu que nous puissions faire des formations pour permettre que la population puisse comprendre la nécessité de préserver le bien public. La loi a prévu de faire l’information et la sensibilisation de la population et qu’en cas de nécessité l’ANLC puisse envoyer des cas au procureur de la république pour que des poursuites puissent être engagées contre les contrevenants. Au niveau de la prévention, l’ANLC a travaillé avec tous les ministères pour mettre en place les spécificités pour permettre qu’à défaut de cesser la corruption puisse diminuer sensiblement.
D’abord nous avons travaillé avec les ministères pour faire en sorte que la loi puisse être appliquée et faire connaitre aux agents des ministères le contenue de la loi. Tous les 22 ministères ont reçu des délégations de l’ANLC pour leur parler de la loi 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en république du Bénin. Ensuite, toutes les 77 communes du Bénin ont reçu la délégation de l’ANLC pour vulgariser le contenue de cette loi. Au niveau de la sensibilisation et de la prévention, l’ANLC a organisé en juin 2018, les journées nationales de la gouvernance. Ces journées ont pour principal objectif de réunir tous les quatre pouvoirs et la société civil, les universitaires, les têtes couronnées, la chefferie traditionnelle, les chefs religieux et partenaires techniques et financiers pour réfléchir aux actions à mener pour faire reculer la corruption au Bénin. Ainsi, pendant les 48 heures, on a passé en revue tous les problèmes sur la corruption au Bénin et des recommandations ont été faites à l’endroit des dirigeants, du parlement, de l’autorité de régulation des marchés public, à l’endroit de la HAAC, de la Cour suprême et bien entendu à l’endroit de la société civile pour qu’ensemble on puisse voir comment faire pour que la mise en œuvre de ces recommandations soient faites dans de bonnes conditions. Au niveau du transfert des dossiers, nous avons reçu beaucoup de plaintes allant dans tous les sens dans tous les domaines. Au total 120 plaintes. La Commission des plaintes a étudié ces dossiers et a donné des réponses qu’il faut au plaignants et au cours des investigations, nous avons dû faire appel à toutes les personnes concernées afin de clarifier les sujets et de savoir quelle suite donner à cela.
Aussi, l’ANLC s’est préoccupée de l’application de la loi qui porte déclaration du patrimoine des agents publics du Bénin. Il s’agit du président de la république, de tous les ministres, des présidents de toutes les institutions de la république, de tous les députés, de tous les membres de la Cour suprême, de tous les membres de la Haute Cours de Justice, du Conseil Economique et Social, de la Haute autorité de l’audio visuel et de la communication (HAAC), des directeurs de cabinets, directeurs adjoints de cabinets, directeurs généraux, tous les préfets, maires et membres des conseils communaux sur toute l’étendue du territoire national. Il est à souligner que l’ANLC a demandé à ce que la loi soit appliquée pour ceux là qui ne se sont mis en règle. De ce point de vue, il est question que le président de la Cour suprême à travers la cour des comptes puisse prendre une ordonnance pour que l’on puisse retirer 6 mois des traitements auxquels ceux là ont droit à leurs postes respectifs. L’ANLC a transmis le dossier au président de la cour suprême. Donc la balle est dans le camp de la justice actuellement.
Qui sont ceux-là qui n’ont pas pu se conformer à la loi sur la déclaration de leurs biens ?
A travers notre travail, nous avons pu convaincre le président de la République et tous les ministres à l’exception de Fortuné Nouatin, qui jusqu’au 1er octobre 2018 n’avait pas encore fait sa déclaration de patrimoine. Ainsi, jusqu’à ce 1er octobre 2018, sur les 82 députés, 72 ont fait leur déclaration de patrimoine. Les 10 qui n’ont pas fait sont : Rosine Dagniho, Degbey Jocelyn, Essou Pascal, Atao Hinnouho, Valentin Aditi Houdé, Eric Houndété, Lucien Houngnibo, Issoufou Amadou, Rosine Viera Soglo, Zoumanou Mamoudou. Au niveau du Conseil économique et social (CES), sur les 30 membres, 25 ont fait leur déclaration de patrimoine. Il y a que cinq qui ne l’ont pas fait. À savoir : Dominique Atchawé, Christophe Dovonon, Magloire Essou, Daniel Fangbédji, Bénoît Sakou. Au plan international, l’ANLC a apporté sa contribution aux grands rendez-vous internationaux. Les chefs d’Etats et de gouvernement de l’Union africaine ont déclaré 2018 comme année de lutte contre la corruption. Et l’ANLC a participé à toutes les activités qui ont été menées dans ce sens. Nous avons aussi participé aux travaux de l’organisation des Nations Unies contre la drogue et le crime.
Quelles sont les perspectives de l’ANLC pour 2019 ?
Pour 2019, un plan d’action a été prévu et tourne autour de la prévention, la sensibilisation, la formation et la sanction. D’abord au niveau de la prévention, nous allons continuer de travailler au niveau de tous les ministères, de tous les services pour faire comprendre à tous ceux qui travaillent au niveau de l’Etat que le bien public doit être respecté. Deuxièmement nous travaillons à faire en sorte que le code des marchés publics soit respecté et que les cas de corruption que nous constatons dans l’attribution des marchés au Bénin à défaut de cesser complètement puissent diminuer sensiblement. Nous travaillerons au niveau de la jeunesse, des écoles primaires, secondaires, universitaires, autant publique que privé pour la sensibilisation des élèves, des étudiants, parents d’élèves et membres de l’administration. Nous avons prévu également de faire des sorties dans les 77 communes pour aller parler à nos frères et sœurs analphabètes qui ne comprennent pas le français. Nous avons déjà récencé deux locuteurs des différentes langues nationales dominantes de chacune des 77 communes. Cela veut dire que nous avons 154 personnes qui seront formées sur le contenu des 156 articles de la loi 2011-20 du 12 octobre 2011 portant lutte contre la corruption et autres infractions connexes en république du Bénin. Et ceux-ci feront des communications dans chacune de leur commune pour informer en langues nationale les frères et sœurs de ces communes sur leurs droits et surtout les amenés à avoir le comportement citoyen qu’il faut pour faire face aux problèmes de corruption. Il y aura bien sûr les journées nationales de la gouvernance, édition 2019, les participations aux rencontres internationales. Il y aura aussi un travail continu avec tous les ministères pour que l’application des textes soit une réalité.
Les élections législatives sont fixées pour avril 2019. Quelle est la stratégie que l’Autorité met en place pour garantir la transparence ?
Les élections constituent un rendez-vous important et sensible dans chaque pays en général et au Bénin en particulier. Mais le génie béninois a toujours guidé à ce que les choses se passent sans violence. C’est cette option que nous prenons au niveau de l’ANLC pour que les choses se passent dans de bonnes conditions. Nous avons déjà faire une première réunion avec les Organisations de la société civile pour prendre à bras le corps le sujet et jouer notre partition. Nous prévoyons de suivre les élections, mais de façon concrète d’informer et de former les populations sur le contenu du code électoral et sur le contenu de la loi portant charte des partis politiques. D’autre part, sensibiliser les populations sur le danger de la corruption en période électorale. Ensuite observer la production et la distribution des cartes d’électeurs pour ceux de nos citoyens qui n’en avaient pas. Surveiller le jour du scrutin, les postes de vote sur toute l’étendu du territoire national afin de sécuriser les élections et éviter le drame. Nous allons aussi voir comment gérer l’après élection pour qu’il n’y ait pas des troubles dans le pays. Toutes ces dispositions, nous sommes déjà en train de les mettre en application au cours de plusieurs réunions que nous avons tenu et d’autres réunions serons également tenues avant avril 2019.
Quel est le challenge principal de l’ANLC pour 2019 ?
Tout est challenge pour nous. Tout ce que nous pouvons faire pour que la corruption à défaut de cesser puisse diminuer.
Votre mot de la fin
Je demande à tous les Béninois et toutes les Béninoises, de contribuer à ce que la corruption recule dans le pays. La corruption est un frein au développement. Qu’on soit béninois ou non, nous voulons le développement du pays dans lequel nous nous trouvons. C’est pour cela que chacun doit contribuer efficacement à la lutte contre la corruption.
Interview réalisée par Félicienne HOUESSOU