La nouvelle vision de développement du secteur des transports vise à faire évoluer le Bénin vers une véritable plate-forme de services logistiques et de transport. A cet effet, le président du Syndicat des transporteurs et des importateurs nouveaux associés du Bénin (Syntra-Inab), El hadj Garba Rabiou expose les défis que doit relever le secteur des transports afin de soutenir la croissance économique et le bien-être social des Béninois. Lors de cet entretien, l’homme n’a pas manqué d’analyser les implications de l’application du Programme de vérification des importations (PVI).
L’Economiste : Le secteur des transporteurs au Bénin, comment elle se porte El hadj Garbiou ?
El hadj Garba : Il faut avouer que le secteur des transports se porte bien.Il a de beaux jours devant lui. Que veut le transporteur ? Il veut la sérénité dans ses affaires, il veut travailler et gagner comme tout autre travailleur. Aujourd’hui le port de Cotonou attire beaucoup plus d’opérateurs économiques. Parallèlement au port, le secteur coton, exploite beaucoup de camion. Il y a des transporteurs qui travaillent sur le corridor du Niger. Environ 70% des transporteurs ont choisi le transport local, c’est-à-dire le secteur coton composé de la distribution de l’intrant du port de Cotonou vers l’intérieur du pays, duconvoiement du coton des champs vers les usines, du transport de coton fibre vers le port de Cotonou ou d’Allada. Aujourd’hui, seul le transporteur qui n’a pas un bon matériel chôme. Depuis 4 mois nous avons de l’affluence. C’est ce que nous avons toujours souhaité.C’est ce que nous souhaitons pour les autres filières. L’expertise que le président Talon a mise dans le secteur coton nous arrange. Nous souhaitons que le chef de l’Etat mette cet expertise dans les cultures comme le maïs, l’anacarde et autres pour que décolle l’économie du pays.
Quelles sont les réformes déjà entreprises,en cours ou annoncées par le gouvernement, qui pourraient booster le secteur des transports ?
Parmi les réformes enclenchées par le gouvernement, il ya l’enregistrement des transporteurs. Le transport est un secteur qui était délaissé, comme une maison sans porte. N’importe qui y rentre, quand ça ne marche pas, il se replie. Dans quelques années, on pourra connaitre les vrais transporteurs du Bénin. Ainsi, on pourra distinguer le transporteur du camionneur.
Le port de Cotonou confié au Belges.Quels sont les avantages et inconvénients de cette décision sur le secteur des transports ?
Je suis béninois et je suis un patriote.Ayant la chance de connaitre d’autres ports, mon grand souci est de voir notre port ressembleraux grands ports comme le port d’Anvers. Si aujourd’hui le président Talon a jugé bon de confier le port de Cotonou aux Belges, c’est qu’ils ont certainement quelque chose à vendre. Et c’est une opportunité pour nous Béninois, d’apprendre beaucoup d’eux. Ce n’est pas un contrat à durée indéterminée. Ainsi, dès que le contrat fini, nous pouvons dire : oui, nous avons compris beaucoup de chose, vous pouvez nous laisser la main et on va gérer. Bien avant ce contrat, il faut avouer que ceux qui ont eu la gestion du port de Cotonou ont fait ce qu’ils pouvaient mais ce n’est pas encore ça. Même nous en tant que transporteurs, il y a eu des moments où on nous inflige des pénalités tous azimuts, qui ne sont pas justifiées. Alors que des transporteurs viennent de plusieurs pays autres que le Bénin.Si ceux-là doivent tout le temps être confrontés à des pénalités non justifiées, ils risquent d’un jour à l’autre déserter le port de Cotonou et ce ne serait pas bien pour notre économie.
Vous venez de soulever la question de pénalité, quelles sont en réalités les taxes auxquelles votre secteur est assujetti ?
Il y a des pénalités bien justifiées. Lorsqu’on va au port, c’est pour une durée déterminée, le temps de charger votre camion et de sortir. Mais lorsque vous entrez et vous y passez plus de temps qu’il ne fallait, on va vous infliger une pénalité, c’est normal. Si en plus de cela, on vous demande d’autres frais injustifiés, là, c’est une anomalie que l’administration doit réfléchir à corriger.
Monsieur le président du Syntra-Inab, parlez-nous du règlement 14 de l’UEMOA
Le règlement 14 n’est pas un texte élaboré par le Bénin. C’est un texte de l’UEMOA. Le Bénin étant signataire est tenu de le respecter et de l’appliquer. En tant que transporteur, je ne peux que faciliter le respect de ce textepar mon pays. Au même moment, je souhaite que son application soit concomitante.Si le Bénin décide d’être le seul bon élève de l’UEMOA, les conséquences s’imposeront à nous. Puisque l’opérateur économique ne va pas dans un pays au hasard, il y va pour son intérêt. Si le Bénin applique ce règlement sans tolérance tandis que les pays voisins ne l’appliquent pas, je crois qu’en quelques mois beaucoup d’opérateurs vont virer leurs marchandises vers ces ports qui tardent à appliquer ce règlement. Donc avant d’imposer ce texte, il faut d’abord s’assurer que les autres ports le feront aussi. Nous nous étions lancés dans l’application effective. Mais notre dynamisme nous a permis de constater que dans les autres ports, cela se fait avec un seuil de tolérance pendant que le Bénin l’appliquait sans tolérance, ce qui risque d’être fatal pour le Bénin. Nous avons alerté nos autorités.Après des investigations elles nous ont données raison.
En quoi ce texte n’arrange-t-il pas les opérateurs économiques ?
L’opérateur économique naturellement travaille pour gagner. Il investit pour gagner. Il cherche toujours des facilités. Maintenant s’il trouve ces facilités ailleurs, il y va. Le règlement 14, ce n’est rien d’autre que la préservation des voies construites à gros frais.On suppose que ce sont les camions qui détruisent de façon précoce les voies et il faille limiter le poids que transportent ces camions. Alors que les transporteurs ne sont pas entièrement responsables de cette dégradation précoce. En exemple, la voie Cotonou-Bohicon est terminée il n’y a pas longtemps. Mais empruntez et vous allez voir. La voie Parakou-Boroukpe n’était même pas encore réceptionnée et en moins de 3 mois, tout était gâté et a été repris. Ce n’était pas la faute des transporteurs. Le problème se trouve aussi au niveau du dimensionnement des routes. Je ne nous dédouane pas. Nous sommes en partieresponsables. Mais le problème de pourcentage réclamé par ceux qui ont le droit de surveiller le chantier se pose aussi. Chacun est responsable de cela. Si tout le monde est prêt à garantir une longue durée de vie à ces voies, je crois que le transporteur jouera sa partition.
Un camion acquis à 80 millions FCFA dont le poids peut supporter 80 tonnes, le règlement 14 lui impose 50 tonnes. Sachant qu’il pouvait transporter à 40.000 FCFA la tonne à 80 tonnes, à 50 tonnes il est obligé d’augmenter le prix pour faire bénéfice puisque le camion est appelé à être amorti. Vous voyez un peu la différence. Et quand ce coût vient à s’augmenter, c’est le dernier consommateur qui paye.
Entre temps, il a circulé que ce règlement était appliqué en douce, qu’en est-il aujourd’hui ?
Le mot approprié, c’est qu’il y a des seuils de tolérance. Des seuils de 10% à 20%. Nous avons déjà franchi ces étapes. Maintenant c’est l’application avec zéro tolérance qui est en jeu. Le Bénin l’avait expérimenté mais comme les autres pays ne le faisaient pas, nous étions obligés de prendre de recule. Actuellement, si tous les pays pouvaient en tenir compte, l’application serait une réalité. Là, il faudra faire une sensibilisation pour dire ‘’à telle date, l’application effective va démarrer’’. Ainsi, tout le monde prendra les précautions nécessaires.
Venons à la question du PVI. En son temps, les transporteurs avaient applaudi le retour du processus…
Oui, nous avons applaudi et nous continuons d’applaudir. Cela n’engage que le président du Syntra-Inab. L’expérience du passé nous amène à accepter et à applaudir. Nous avons vécu le PVI-première génération. En son temps, cela avait boosté l’économie des transporteurs. Puisque le donneur d’ordre qu’est l’opérateur économique pouvait charger les camions et les abandonner. Or, avec le PVI, les camions aussitôt chargés sont balisés et ont un temps pour arriver à destination. Passé ce délai, il y a une pénalité qui est infligée au transporteur qui n’accepte pas charger ou abandonne. C’est ce qui a fait que nous avons applaudi pour dire oui, le PVI que nous avons connu les années antérieurs, si c’est ça qui est revenu avec une amélioration, il y a de quoi accepter et applaudir.
Il y a eu quelle amélioration selon vous ?
Au jour d’aujourd’hui, il faut avouer que les camions sont aussitôt chargés, aussitôt balisés. Il y a le traking qui suit le camion dans son itinéraire. La seule chose qui reste à faire aujourd’hui, c’est la pression sur l’opérateur économique. Puisque les transporteurs généralement ont des moyens limités. Ils attendent toujours les avances de leurs donneurs d’ordre pour bouger. Donc le transporteur attend des opérateurs une partie des sous avant de décoller et si vous tardezà lui donner l’avance, il ne peut rien, il attend.
Quels sont les défis à relever pour moderniser le secteur?
Je l’ai toujours dit, le secteur des transports est un vecteur du développement. On ne peut pas abandonner un secteur aussi vital. Il faut le structurer en posant des garde-fous. Tout comme, ‘’ne va pas dans le journalisme qui veut’’, pour entrer dans le secteur des transports aussi il faut des prédispositions, remplir des conditions données. C’est le lieu de saluer le travaille qu’abat l’Agence nationale de transport terrestre (ANAT). Mais ça tarde à prendre. Si ça prend, on pourra connaitre le registre des transporteurs. Ainsi, lorsqu’il y aura des marchés, ce n’est que ceux qui sont dans ce registre qui pourront souscrire.
Le gouvernement a exonéré les camions neuf de tout taxe, c’est pour le renouvèlementdu parking béninois. Si vous regardez les camions du Bénin, comparativement à ceux du Ghana, vous allez voir qu’il n’y a pas de comparaison. Le Ghana possède des camions neufs alors que nous avons le même titre de transporteurs. Ils sont structurés là-bas. Lorsque vous voyez les citernes des maliens, c’est neufs, c’est parce qu’ils sont bien structurés. Lorsqu’un secteur est bien structuré, il a l’appui du gouvernement. Ici, tel que nous évoluons, nous ne pouvons pas avoir l’appui du gouvernement.
Votre mot de fin
Pour conclure, je vais dire un mot à l’endroit de tous mes compatriotes béninois. Le Bénin est à nous, le Bénin, c’est nous, le Bénin repose sur la jeunesse. Il faut que la jeunesse se lève. Il faut que la jeunesse se départît de la paresse. Il faut que notre jeunesse ressemble à celle des pays anglophones où on voit des jeunes nantis de grands diplômes mais ils se lancent dans des activités d’entreprenariat. Sinon, chez nous, généralement dans les pays francophones, on attend tout de l’Etat. Et ceux qui prennent le risque de créer des emplois, il faudra les accompagner, les soutenir parce que ce n’est pas chose facile. Au Bénin, quelqu’un qui crée d’emplois, on voit qu’il est déjà bien, qu’il faut le détruire pour créer pour soi même. Ailleurs, ce n’est pas comme cela ça se passe. Il y a des gens qui ont des projets mais ils ont peur des employés. Et donc,je souhaite que l’Etat prenne des textes pour protéger les investisseurs.
Réalisé par Félicienne HOUESSOU