(Une nouvelle réforme agraire s’impose)
La variation du prix du maïs observée sur les marchés du Sud Bénin, est due au fait que la production de la céréale est menacée par plusieurs facteurs.
Par Marius Kpoguè
« La cherté du prix du maïs connue sur le marché l’année dernière et celle-ci, n’est plus jamais vécue depuis deux décennies », regrette Elie Fonton Tafê, la soixantaine ; conducteur de taxi minibus, rencontré mardi dernier sur le parc automobile de Glo-Djigbé. « Jamais le prix de la mesure du maïs n’a atteint 400 FCFA dans mon village », a-t-il martelé. Pendant plus de huit mois, le prix a varié entre 400 FCFA, 375 FCFA et 350 FCFA dans le marché de Glo-Djigbé, selon les confirmations des revendeuses. Ce constat est le même dans les marchés voisins : Pahou, Zè-parc, Dantokpa, Cococodji, etc. Dans la ville de Cotonou et environs, les populations ont décrié la situation. « Le maïs nous fait trop courir depuis plusieurs mois. Son prix est encore instable sur le marché. Chacun vend selon son prix d’achat. Il faut attendre, je crois jusqu’à trois semaines encore le temps que la campagne en cours déverse suffisamment sur le marché, avant que le prix ne revienne à la normale et uniforme chez tous les revendeurs », a confié Claudine Houessou épouse TANGNI assise dans son magasin au pied d’un stock de sac touchant le plafond, à Dantokpa. Sur les marchés du Littoral et environs voire ceux de l’Atlantique dont Godomey, Calavi Pahou, le prix normal commun pratiqué oscille entre 160 f et 200 FCFA. Il a fallu le dernier temps de soudure pour qu’intervienne, cette hausse du prix du maïs.
Heureusement, la dernière campagne démarrée depuis trois mois a permis l’approvisionnement du marché ; ce qui a fait baisser le prix. Mais il varie pourtant d’un marché à un autre. Il varie de 200 à 250 FCFA au marché de Dantokpa, de 175 à 200 FCFA au marché de Glo-Djigbé et de 160 à 175 FCFA à Zè.
La situation est la même à Cotonou et ses environs. Elle n’est pas alarmante mais la variation des prix explique la hausse constatée par endroits.
« Le maïs est cher ces temps-ci. Ça pourrait être plus cher et on n’en trouvera pas du tout sur le marché », a indiqué Zacharie Alia, revendeur de céréale, surveillant le déversement de sa marchandise à Dantokpa.
Trois zones agricoles alimentent Cotonou et ses environs en céréales notamment en maïs. Il s’agit des villages de l’Atlantique, ceux d’Adja dans le Couffo et le septentrion. Au Nord, la culture encouragée, le Soja, aurait réduit l’immensité de l’espace emblavée. Au Sud, le développement du commerce des terres avec la prolifération des agences immobilières réduisent considérablement les espaces cultivables. Seule la région Adja reste le seul grenier qui puisse donner de l’espoir pour l’approvisionnement en maïs des populations de Cotonou.
Pression sur le foncier
« Il est vrai que la campagne de cette année a amélioré la situation donnant l’impression que nous sommes au bout de la difficulté. C’est archifaux. Il y a des raisons évidentes plus profondes ; c’est le commerce des terres », s’indigne Razak Balogoun, professeur des sciences de la vie et de la terre au Collège d’enseignement général de Tori Bossito. Toutes les localités voisines de la ville de Cotonou sont touchées par le commerce. Il s’agit des villages de la commune d’Abomey-Calavi et autres de l’Atlantique. On peut citer celles qui sont devenues populaires Glo, Gbétagbo, Zè, Tori, Ouidah, Kpomassè, Zinvié etc. Le professeur Balogoun poursuit : « Tout Tori presque est en chantier par l’œuvre des acquéreurs de parcelles venus de Cotonou. Observez un peu l’environnement en partant de Pahou en passant par Kpovié, Adjara jusqu’à Bossito. C’est de grands chantiers. Or, auparavant ces espaces aujourd’hui en chantier étaient de vastes champs de maïs et de céréales en général ». Le fort désir de devenir propriétaire, de vendre et de devenir millionnaire comme tel autre ; expliquent la pression exercée sur les terres dans ces localités. Il y a aussi l’engouement suscité par la prise de valeur des terres ces dernières années à la faveur du développement économique et des agences immobilières.
Remy Djomako, zémidjan, assit sur sa moto sur le parc en face de la mairie de Ouidah exprime son indignation face au commerce des terres : « Depuis mon enfance, je cultive la terre. C’est ce que mon père m’a appris. Mais il y a deux ans je suis obligé de conduire le taxi moto, parce que le chef de notre famille a vendu dix des dix-sept hectares dont dispose notre famille dans mon village situé dans la commune de Kpomassè. Comme à l’accoutumé à la venue de la saison tout le monde commence par défricher les terres, je me suis rendu dans mon champ que je cultivais du vivant de mon père, et un homme est venu me menacer de quitter le champ, en disant qu’il a acheté déjà le domaine, que je ne peux plus cultiver là-dessus. Obligé, j’ai dû quitter après l’échec des tentatives pour me faire rétablir dans mes droits ». Le domaine aurait été acheté par une agence immobilière.
Les cultures comme celle de l’ananas, de la pastèque etc. fortement sollicités par les industriels aussi encouragent le commerce des terres. Dans les villages de Zinvié, Zè, Sékou, Allada, Houègbo, Toffo, les héritiers vendent les terres de leurs parents aux producteurs. Conséquence ; quand la saison arrive ces villageois manquent d’espace suffisante pour la culture vivrière. Au marché de Glo- Djigbé le mardi dernier, le maïs disponible est celui venu du Nord Bénin et de la région Adja située dans le département du Couffo. Le conducteur de taxi-ville, Fonton Tafè confie : « La culture de l’ananas domine dans les champs mais nos frères aiment se livrer aux manœuvres des producteurs d’ananas pour avoir de l’argent rapidement et en espèces ».
La terre des grands parents est considérée par les enfants d’aujourd’hui comme leur propriété personnelle. Ils ignorent même la postérité, et l’héritage à léguer à leurs enfants. Cécile Wètohossou, native de Zinvié indique : « Aucun de mes enfants n’est là. Je vends tous les quatre hectares que j’ai hérités à cause de l’attitude de mon grand frère de vouloir tout s’approprier. C’est à l’issue d’un long procès que j’ai pu l’arracher. Je vends tout ».
Ce n’est pas une infraction que d’avoir sa maison ; il n’est aussi pas bon que tout le domaine familial fasse objet de commerce, un espace doit être réservé pour la culture vivrière. « Mieux, cette réserve doit être protégée par la loi. Si non, il arrivera qu’un jour nos enfants dans les villages n’aient plus où cultiver pour se nourrir », a martelé Balogoun. Ce qui constitue une menace pour la production du maïs dans le Sud du Bénin, et tend à faire disparaitre la culture de la céréale. Et, c’est dangereux quand on se rappelle que l’aliment de base dans le pays est le maïs.