Les réalités du monde libre font que les hommes et les femmes sont tous deux appelés à faire valoir leurs qualités professionnelles. Ce qui pose le problème de la gestion des rémunérations des conjoints. A travers une contribution parvenue à notre rédaction, Barnabé Dahoui s’est prononcé sur la question. Comment un couple doit-il gérer ses recettes économiques ? Ci-dessous l’intégralité de la contribution de Barnabé Dahoui.
Contribution de Barnabé Dahoui
La performance économique d’une nation ou d’une communauté dépend fortement du travail qui se fait pour la gestion des ressources disponibles par les divers acteurs tant de la vie publique que ceux de la vie privée[1]. Ainsi en est-il de la gestion financière au sein de l’institution conjugale. Elle constitue en elle-même une ressource structurante en humanité, et la gestion qu’on en fait ne dépend-t-il pas d’une certaine prise en charge de la vie par le travailleur à la maison[2] comme en société ? À l’heure de la financiarisation de l’économie, quelle gestion adopter en couple pour une nation paisible ?
La notion de travail
Le travail assure l’indépendance, a dit Bernard Dadié de la Côte d’ivoire, parce qu’il procure un revenu qui permet une certaine autonomie au travailleur. C’est à une certaine indépendance financière qu’aspirent de plus en plus aujourd’hui les hommes et aussi les femmes au point de mettre à mal le revenu familial. On se laisse harceler par le travail espérant avoir tout l’or du monde et oubliant l’essentiel qu’est la vie en soi-même à protéger et à promouvoir au foyer. Si le travail et l’argent déstabilisent les époux, n’y a-t-il pas lieu de repenser le ‘’travail’’? Qui sera le meilleur ou le véritable travailleur pour la société ? En effet le véritable travail autour duquel l’on doit désormais réfléchir n’est-ce pas celui de l’intelligence à développer pour sa subjectivité autant que pour son objectivité pour le relèvement et non pour l’avilissement de l’homme même dans une apparente opulence, car désormais l’enrichissement se fait au détriment de l’humanité à venir[3]. C’est seulement en tenant compte de l’humain que le travail se penchera d’avantage sur la valeur qu’incarne la personne comme ressource irremplaçable dans le processus économique. Un tel processus malgré ses contraintes apparente ne donnera-t-il pas un visage plus humain à l’économie en dépassant les limites d’une simple croissance ou performance, pour induire désormais la notion ‘’d’économie inclusive’’, une notion pertinente de l’économie. La gestion étant d’abord aussi une question d’intelligence et de rigueur, cette vision holistique ne peut que tenir compte de tous et de tout. Le travail de la construction de grandes infrastructures et monuments et le snobisme ambiant qui obnubilent les individus a déjà fait beaucoup de victimes dans la cité en passant par les ménages. La ruse et la rage ont fait beaucoup de laissés pour compte qui esseulés sur leurs couches continuent de souffrir ou de jouir selon eux de l’absence ou de l’abandon plus ou moins prolongée ou même total de leur conjoint parti pour des supposées raisons économiques.
L’influence de la puissance financière dans le couple
En principe le pouvoir financier de l’un et/ou de l’autre époux est normalement au service du couple et devrait être bien accueilli et bien gérer sans égoïsme de part et d’autre. Mais avec la modernité, la promotion des individualités et la montée vertigineuse du capitalisme, l’institution sociale de base ne peut que refléter malheureusement cette triste réalité au regard de la perte du sens de l’éthique dans les mœurs. La course au profit, la recherche du plaisir personnel embourbent les esprits au point d’hypothéquer ‘’le vivre-ensemble’’. Désormais la confiance a déserté le forum, si l’individu est indivisible et incommunicable, il est quand même capable de relations saines et valorisantes. La personne humaine ne peut vivre en autarcie et s’épanouir, il finira par succomber sous le poids de sa prétendue ‘’richesse’’. Elle est par elle-même riche de sa personne et devrait non seulement donner mais aussi se donner. L’homme généreux qu’il ne faut pas confondre avec l’homme dispendieux, ne se ruine pas. Mais la générosité dont il est question, c’est d’abord l’ouverture du cœur, le cœur qui donne et se donne ne s’appauvrit jamais[4]. Déjà que les protagonistes du couple se donnent l’un à l’autre entièrement dans la nudité, on se demande ce qu’ils ont encore à se cacher ?
Pour accompagner les époux, le code Béninois de la famille propose systématiquement aux conjoints le régime de séparation des biens à moins que les conjoints décident unanimement de faire le régime de la communauté des biens qui peut être révocable après expérimentation. Si en amour, il n’y a pas de calcul, la formule peine à se concrétiser de nos jours compte tenu de la pression masculine qui avait régner de tout temps. Cette pression a malheureusement gagné l’autre sexe et fait rage actuellement. Une certaine complicité conjugale s’impose donc dans la gestion pour redorer le blason de l’humanité et non celui de la bestialité dans une jungle. On ne saurait déconstruire sa propre maison, sa propre élévation surtout si elle se fait sans l’autre ou contre lui sciemment ou inconsciemment, c’est en vain que travaille ce prétendu bâtisseur. Ainsi le régime de la séparation des biens loin de diviser le couple peut bel et bien témoigner d’une très bonne collaboration et faire preuve de sincérité, de disponibilité et de générosité mutuelle mais surtout de gratuité, qui en réalité se rapproche très bien de la communauté des biens avec une transparence certaine dans le couple.
Si
le droit coutumier Dahoméen en son article 127
fait obligation à l’homme de subvenir au besoin de la famille, le code
actuel parle plutôt de parentalité et oblige les deux époux à participer aux
charges de la famille proportionnellement à leurs revenus respectifs. Si ce
dispositif semble libérer[5] les
époux du carcan traditionnel, ils ne devraient pas ignorer chacun, de prendre
sa responsabilité et tenir compte à chaque niveau du rôle
sexo-spécifique à eux dédié naturellement, ceci mal compris peut avoir une
influence sur la libido mais aussi sur l’éducation portant ainsi de loin
atteinte à l’économie. Luttons donc ensemble pour bannir l’opposition des
libertés dans le couple ; une paire de bœufs au travail ne saurait
s’opposer et prétendre avancer.
[1] On a beau multiplier les directives, sans l’action des hommes et des femmes sérieux, on n’arrivera pas à grande chose. On le constate tous les jours dans nos institutions publiques et privées.
Alphonse QUENUM, La mystique du semeur: semeur d’avenir ,3eEdition les éditions catholique du Benin, Juin 2009,18
[2]La racine grecque oikos (éco) c’est la maisonnée, ce royaume des femmes dont le féminisme institué nous a « libérés » pour faire de nous des individus rationnels. Car dans une maisonnée, on n’est jamais un individu isolé, livré à soi-même et à sa rationalité privée – on y est d’emblée père ou mère, fils ou fille, frère ou sœur, oncle, cousine ou grand-mère : l’être de l’oikos est un nœud de relations. L’oikos, c’est le lieu de la production économique, l’espace où s’organisent les relations sociales primaires au sein de la communauté naturelle prépolitique, et où grandissent les adultes de demain. Pour exister, commençons par nous réapproprier l’espace pré-politique : celui du foyer où tout commence, où tout se transmet. Cette communauté première est bien plus vaste que la famille nucléaire à l’occidentale – cette aberration moderne où deux individus, isolés et démunis, sont sommés de satisfaire l’infinité des besoins de leur progéniture. C’est une communauté élargie que nous devons reconstruire – famille, voisinage, amis, animaux, pierres et plantes, arbres et ruisseaux. Dans cette optique, la maternité occupe une place éminente.
Au foyer…de la révolte ! Isabelle Colin pour la Revue Limite, 30 nov 2017 www.lesantigones.fr
[3] Frederic Gros, DesobeirAlbin Michel/Flammarion, Paris 2017,16
[4] Alphonse QUENUM, la mystique du semeur: semeur d’avenir ,3e Edition les éditions catholique du Benin, Juin 2009,22
[5]Dans un monde d’opulence et d’inégalités, les libertés jouent un rôle essentiel pour combattre la misère et l’oppression. Elles sont à la fois la fin ultime du développement et son principal moyen. Loin de s’opposer, liberté économique et liberté politique se renforcent. Elles favorisent l’action des individus, et notamment des femmes, dont l’émancipation est un facteur décisif de changement. Amartya SEN, La liberté des femmes, atout du developpementhttps://www.monde-diplomatique.fr/2000/09/SEN/2389