En fin de son séjour au Bénin, le chef de la mission du Fonds international monétaire(FMI) de la revue pays, Luc Eyraud, a animé une conférence de presse avec le ministre de l’Economie et des Finances, Romuald Wadagni. Au terme des conclusions, le Bénin connaît une croissance élevée, qui devrait s’établir sur plusieurs années avec des perspectives très positives pour l’économie béninoise.
Après deux semaines de mission, quels étaient les objectifs de la mission et quels sont les résultats obtenus ?
Luc Eyraud, Chef de la Mission de la revue du FMI : Nous avons passé deux semaines au Bénin pour une quatrième revue du programme. C’est une mission de revue du programme qui a commencé en 2017. Cette revue a été cette fois-ci combinée avec un rapport un peu particulier du FMI qui s’appelle « le Rapport de l’article 4 » dans lequel on fait aussi une analyse tous les 2, 3 ans de long terme, un peu plus globale de l’économie. Je vais vous parler des résultats de cette mission combinée, mission de revue et de cet article 4.
En ce qui concerne la mission de revue, nous avons regardé l’avancement du programme et je tiens à dire que la performance du programme est très satisfaisante. Tous les indicateurs de performance à la fin du mois de décembre 2018 ont été vérifiés, et plus que cela, on a eu une très bonne surprise au niveau du déficit public. Grâce à une gestion très prudente des finances publiques, le déficit a terminé à 4% du PIB en 2018 alors qu’on s’attendait à un déficit beaucoup plus élevé de 4,7%. Toute cette bonne performance au niveau du déficit est en partie liée à une très bonne mobilisation des recettes du gouvernement ; les revenus et les recettes intérieures ont été particulièrement forts et on continue de voir au premier trimestre 2019 une bonne situation au niveau des revenus. C’est en partie lié aux efforts du gouvernement de lutte contre la fraude fiscale.
Un autre aspect de notre mission, c’est la révision de nos perspectives économiques. Et nous allons regarder de nouveau les preuves de croissance et nous allons réviser à la hausse la croissance économique du Bénin pour 2018 et 2019. Dans les deux cas, la croissance que nous prévoyons pour 2019 est de 6,7%. C’est une croissance élevée qui a été tirée par l’activité agricole et aussi par l’activité au Port de Cotonou.
Ensuite, l’autre partie de notre mission qui est l’analyse de long terme, l’analyse plus globale de l’économie dans le cadre de l’article 4. L’un des résultats principaux, c’est que cette forte croissance qu’on observe aujourd’hui va se poursuivre à moyen terme. Et l’un des résultats de notre analyse, c’est que ce potentiel de croissance du Bénin à moyen terme est très élevé, en particulier si on le compare aux autres pays de l’Afrique subsaharienne, et ça place le Bénin dans le peloton de tête des pays dans la région. Les perspectives de croissance sont donc fortes et pour s’assurer que ces perspectives se réalisent, que ce potentiel se réalise, nos discussions ont porté avec les autorités sur un ensemble de réformes qu’elles comptent mettre en œuvre. Et pour donc réaliser ce potentiel, il faudra que le gouvernement réalise son agenda et ses projets de réformes économiques, en particulier la continuation de la modernisation du secteur agricole, le soutien à l’industrie, et le développement de nouveaux secteurs porteurs tels que le tourisme ou l’économie numérique.
Finalement, ce que je dirais sur le résultat de notre analyse aussi, c’est que nous avons aussi trouvé que pour avoir une croissance aussi élevée, pour soutenir une croissance aussi élevée à moyen terme, il faut que le secteur financier soit en bonne santé. Et là-dessus, nous avons fait des recommandations pour renforcer le secteur bancaire. Je tiens à dire que le gouvernement a déjà pris des dispositions notamment pour faciliter l’accès au crédit bancaire, au prêt bancaire. Une nouvelle loi va être mise en œuvre très rapidement qui va permettre d’utiliser beaucoup plus facilement les titres de propriété comme garantie pour obtenir des prêts et comme les banques vont avoir davantage de garanties, elles seront plus amenées à faire des prêts et ce sera bon pour l’économie.
Au final, c’est notre analyse. Une excellente performance et un fort potentiel de croissance à moyen terme.
Ces derniers temps, il y a eu des informations qui font état d’un fort taux d’endettement du Bénin. Dans le même temps, le Bénin vient d’émettre sur le marché international un eurobond de 500 millions d’euros. Cette opération qui est une réussite apporte-t-elle du crédit à la signature du Bénin ?
Sur la situation de la dette au Bénin, nous, ce qu’on observe dans notre analyse, c’est que la dette en part de PIB va diminuer en 2019. Donc c’est une bonne nouvelle. Elle diminue alors qu’il y a cette émission d’eurobonds qui est de 500 millions d’euros. La diminution de la dette est principalement le reflet de l’assainissement des finances publiques. On a fait aussi dans le cadre de notre rapport une analyse de la viabilité de la dette qu’on fait dans tous les pays et régulièrement. Et cette analyse montre que le Bénin a un risque modéré sur sa dette alors que beaucoup de pays en Afrique et même des voisins du Bénin sont évalués avec un risque élevé.
C’est notre analyse générale. Ensuite, en ce qui concerne l’eurobond spécifiquement, il est vrai que le Bénin a fait sa grande entrée sur les marchés internationaux avec cet eurobond de 500 millions d’euros. C’est un montant très important. De notre analyse, c’est une bonne affaire pour le Bénin par deux aspects. D’abord, le taux d’intérêt qui est le coût de la dette et qui est inférieur au taux d’intérêt auquel le Bénin généralement emprunte sur les marchés régionaux. Deuxièmement, cette dette, l’eurobond a une maturité plus longue ; ça veut dire que c’est un prêt qui a une durée plus longue. Donc on a emprunté moins cher et plus long, ce qui est une bonne nouvelle pour les finances publiques. Evidemment, cet accès aux marchés internationaux nouveau du Bénin va créer un nouveau défi ; en particulier il va exposer le Bénin aux conditions financières internationales et aux chocs extérieurs. Mais il me semble que le ministère des Finances notamment l’agence de la gestion de la dette est très bien équipée pour répondre à ces défis du fait d’une gestion proactive et modernisée de la dette béninoise. D’ailleurs, l’agence de la dette du Bénin est en train de prendre des dispositions aussi pour s’assurer que ces emprunts internationaux ne créent pas des risques additionnels pour le pays.
Des clarifications du ministre des Finances Romuld Wadagni
Le FMI annonce de très bonnes nouvelles pour le Bénin. Une croissance stable et durable. C’est le fruit des réformes du gouvernement auquel vous appartenez. Est-ce que vous allez poursuivre sur la même lancée ?
Romuald WADAGNI, Ministre de l’Economie et des Finances : Effectivement, les conclusions que nous venons d’entendre sont la preuve que nous sommes dans la bonne direction. Nous avons la preuve que la gouvernance économique du pays est bonne. Nous avons surtout la preuve que le Bénin a retrouvé le rang des pays crédibles. Depuis 2016, de façon continue, chaque fois que nous affichons des prévisions, nous les réalisons et nous faisons encore mieux que ce qui est prévu. Vous avez vu le Chef de mission indiquer qu’en matière de taux de croissance nous étions partis sur un taux de croissance de 6% pour 2018 ; en octobre, ici quand nous avions fait la conférence de presse, nous avions noté que le FMI a revu le taux à 6,5% et là vous apprenez que ce taux a été revu à la hausse à 6,7%. C’est la preuve que le Bénin est crédible dans ses prévisions, c’est également la preuve que nous faisons les actions nécessaires pour accélérer le rythme de création de richesse, et c’est notable. Je voudrais surtout souligner ici que quand vous observez ce qui se passe dans d’autres pays, généralement, les réalisations sont un peu en deçà des prévisions mais dans notre cas, nous sommes plutôt très réalistes et les résultats que nous affichons et qui sont revus montrent bien que nous sommes en train d’agir avec pragmatisme, rigueur et réalisme.
Le même élément se note pour le niveau de déficit. Pour 2018, il s’affiche à 4%. Il était prévu à 4,7%, donc nous avons fait mieux. Je rappelle qu’en 2015 ce déficit était au-delà de 8% et donc nous avons établi une trajectoire qui est très strictement suivie et ces 4% de déficit mieux que prévus ont été réalisés dans un contexte où nous avons fait des efforts significatifs sur les dépenses sociales prioritaires. Et si nous avons pu le faire, c’est que, comme l’a dit le Chef de Mission, nous avons fait des efforts pour améliorer nos recettes intérieures. Toutes les actions pour moderniser nos différentes régies, lutter contre la fraude qu’elle soit douanière ou fiscale, ont porté des fruits, permis de faire de meilleures performances ; et de l’autre côté, nous avons poursuivi les actions d’assainissement des finances publiques, nous avons mieux géré les dépenses publiques de sorte que la conjonction de ces deux nous permet de maintenir un rythme d’investissement tout en ayant des performances en matière de consolidation budgétaire qui sont très intéressantes.
J’ai également noté que le chef de la mission a indiqué que sur la période 2019-2022, les quatre années qui viennent, le Bénin est placé en tête des pays de la région, l’Uemoa, nous sommes les premiers en matière de rythme de création de richesse attendue pour cette période, puisqu’il est attendu un taux de 6,7% pour la période 2019-2022, et quand on sort de la zone UEMOA où nous sommes en tête, le Bénin s’affiche comme la quatrième économie la plus dynamique au niveau du continent. Ce n’est pas le fruit du hasard ; c’est que le cap est bon, c’est que le programme de départ est bon, c’est que la direction fixée par le Chef de l’Etat est la bonne. La rigueur dans l’exécution du programme d’actions du gouvernement nous permet d’avoir des résultats.
C’est une mission technique et donc quand on dit ces choses, il faut pouvoir montrer aux populations ce que cela implique pour elles. J’ai eu l’opportunité récemment de faire une intervention au cours de laquelle j’ai pu montrer différentes réalisations et comment nous passons de ces chiffres à la réalité de nos populations en 2018. Vous avez vu que sur la période 2019-2022 le rythme de croissance va se poursuivre. Concrètement pour les populations, ça veut dire que nous aurons les moyens de poursuivre tous les chantiers qui sont en cours. Depuis le début de l’année et d’ailleurs dans le discours sur l’état de la Nation en fin décembre 2018, le Chef de l’Etat a annoncé que 2019 serait une année où un effort particulier serait mis sur les dépenses sociales prioritaires. Il l’a annoncé et nous l’avons commencé dès le mois de Janvier-Février par le paiement des arriérés de pension qui datent de 2011-2012 aux retraités pour un montant de 2,4 milliards de francs CFA. Il s’agit de 23000 fonctionnaires qui ont servi vaillamment notre pays et qui sont admis à la retraite qui attendaient depuis 2011 et qui ont pu avoir satisfaction conformément aux engagements pris par le Chef de l’Etat en Décembre. De la même manière, en Décembre, le Chef de l’Etat avait pris l’engagement que des efforts seront faits pour payer les arriérés dus aux fonctionnaires avant 2011 et vous avez vu que depuis Janvier cet effort est fait tous les mois, et particulièrement sur le mois de Février nous avons fait un effort de 3 milliards de francs CFA pour l’ensemble des fonctionnaires. C’est la création de la richesse qui permet de faire ça. Quand on quitte les retraités et les fonctionnaires, et on va sur l’ensemble de la population, sur cette année, au moment où je vous parle, nous avons plus de 800 chantiers d’adduction d’eau potable et c’est 3 millions de nos populations qui vont avoir l’eau grâce au soutien de la Banque mondiale notamment qui finance ce programme. Quand vous avez une rigueur, quand vous avez l’accompagnement du Fonds Monétaire International, de la banque mondiale, quand 3 millions de personnes seront impactées par ces 800 chantiers d’adduction d’eau potable, c’est grâce à cette production de richesse. Quand on dit qu’il y a la croissance, c’est comme cela que ça se matérialise.
Pour 2019, nous allons faire des efforts sur 3 chantiers phares. Le premier, c’est des actions à l’endroit des extrêmes pauvres. Nous avons terminé tout ce qui est préparation de la phase pilote de l’Assurance maladie, qui va rentrer dans les prochains jours et semaines en application pour les extrêmes pauvres. Avec le soutien de la Banque Mondiale, une étude a été faite pour identifier les personnes qui sont reconnues comme vivant en extrême pauvreté, et ces personnes auront un soutien particulier notamment l’assurance maladie dans les prochaines semaines.
Le deuxième volet, c’est la micro finance. De la même manière, toutes les modalités nécessaires de ce volet du programme ARCH soutenu également par la Banque Mondiale ont été achevées et nous rentrons donc dans la phase opérationnelle. C’est plusieurs milliers de personnes qui pourront avoir accès à ce mécanisme pour pouvoir être en mesure de créer davantage de richesse.
La troisième direction dans laquelle nous allons accélérer les efforts pour les prochains jours et semaines, c’est la création de l’emploi. Vendredi passé a eu lieu un événement formidable à Cotonou, c’est le recrutement de mille jeunes par des entreprises étrangères qui travaillent au Bénin. C’est un forum intéressant où ces entreprises ont recruté mille jeunes. Dans les prochaines semaines, nous allons poursuivre ces actions pour donner du travail aux jeunes et aux femmes. Prenez le cas par exemple des jeunes et des femmes en milieu rural ; grâce au FIDA, nous avons un programme intéressant sur des filières phares notamment le maraichage où des jeunes et des femmes en milieu rural pourront avoir un accompagnement ad hoc pour se lancer dans des activités productrices de richesse. C’est à peu près 30 milliards de soutien du FIDA pour le secteur agricole mais orientés vers la création de l’emploi et la mise des femmes et jeunes en milieu rural en capacité de créer de la richesse. En milieu urbain, nous allons accélérer l’initiative du forum de vendredi dernier. Il y aura plusieurs salons comme ça pour que le secteur privé puisse avoir l’opportunité de rencontrer les talents qui cherchent du travail. Au niveau de l’Etat, nous allons faire les efforts nécessaires pour que les jeunes qui sortent d’école et qui ont besoin d’une première expérience puissent avoir accès à ça. Des annonces seront faites dans ce sens ; ne serait-ce que l’opportunité aux jeunes d’avoir accès à des stages pour se former, pour avoir le côté pratique. Ces initiatives seront mises en place. Vous avez dans le budget 2019 un fonds dédié aux jeunes qui sont dans les nouvelles technologies dont les différentes modalités sont achevées. Ces jeunes pourront avoir un accompagnement dans les prochaines semaines.
Quand on dit donc que le rythme de création de richesse est bon, qu’il y a de la croissance, ça veut dire que nous avons les capacités, nous créons les conditions pour pouvoir faire toutes ces actions. Je m’en arrête là. Concrètement, tout en poursuivant les projets phares du gouvernement, les chantiers qui sont en cours, il y a ces 3 axes sur lesquels vous voyez déjà des résultats mais vous verrez davantage de résultats les prochaines semaines. L’emploi est vraiment une priorité et nous allons mettre beaucoup plus d’efforts sur cela dans les prochaines semaines tout en poursuivant l’ensemble des chantiers notamment les chantiers qui concernent les dépenses sociales prioritaires.
Les déclarations du chef de la mission du Fonds Monétaire International sont plutôt encourageantes. Il l’a dit lui-même ; nos performances sont excellentes. C’est la preuve que quelque part nous sommes en train de faire de bonnes choses, que la gouvernance est bonne. C’est aussi la preuve que le Programme d’Action du Gouvernement qui a été tracé est réaliste puisque depuis 2016, l’ensemble des performances que nous réalisons est totalement en ligne avec ce qui avait été prévu et dans le programme du candidat devenu Président qui a été ensuite transféré dans le Programme d’Actions du Gouvernement.