Le continent africain est de plus en plus courtisé par de grandes puissances que sont les Etats Unis, la Chine, la France, l’Allemagne, la Grande Bretagne, etc. Plusieurs stratégies sont déployées par ces derniers pour conquérir d’avantage le marché africain.
Les grandes puissances étrangères ont pris d’assaut le marché africain. Si les uns promettent de financement à coût de milliards, les autres doublent voire quadruple leurs investissements pour le continent africain. Pour preuve, au terme du dernier sommet Chine Afrique les 3 et 4 septembre 2018 sur le thème « marcher ensemble vers la prospérité », le Président chinois Xi Jinping a annoncé 60 milliards de dollars d’investissement pour l’Afrique. Ce financement est centré sur les projets prioritaires du continent africain. Parmi les financements annoncés du numéro 1 chinois, 15 milliards de dollars seront acheminés sous forme d’aide, de prêt sans intérêt et de prêts préférentiels et 20 milliards de dollars seront débloqués dans le cadre d’une ligne de crédit, a fait savoir la chaîne d’information chinoise « CGTN ». Un fonds spécial sino-africain de 10 milliards de dollars sera, par ailleurs, créé pour le financement de projets d’exploitation et 5 milliards de dollars seront alloués à des fonds spéciaux pour le financement des importations en provenance d’Afrique. Le président chinois a également affirmé l’encouragement des entreprises chinoises à investir 10 milliards de dollars en Afrique. Les projets des infrastructures routières et ferroviaires, les travaux des BTP, l’agriculture, etc, font partie des cibles des Chinois. La promesse de l’enveloppe des 60 milliards de dollars est répartie entre investissements et prêts supplémentaires (15 milliards de dollars d’aide gratuite et de prêts sans intérêts). De cette annonce, l’ancien colon de la majorité des pays africains qu’est la France a quadruplé ses dons pour l’Afrique. C’est à travers, l’Agence Française de Développement (AFD) que l’annonce a été faite lors de la présentation de son Plan d’orientation stratégique 2018-2020. Jean-Yves Le Drian, ministre de l’Europe et des Affaires étrangères a présenté simultanément lors de l’ouverture du sommet Sino africain. Le ministre français a fait savoir que les engagements globaux de l’AFD devraient passer de 10,4 en 2017 à 14 milliards d’euros en 2019. A cette occasion, Jean-Yves Le Drian a rappelé que la politique française de développement restait une priorité hexagonale, dotée de moyens renouvelés avec « l’objectif d’atteindre 0,55% du revenu national brut à l’horizon 2022 ». Il faut souligner que ce résultat reste loin de l’objectif mondial de 0,7% du Revenu national brut (RNB), déjà atteint par l’Angleterre et l’Allemagne. « Nous sommes sur une inflexion historique » a déclaré Rémy Rioux, le directeur général de l’AFD, Il a rappelé que la réorganisation profonde du groupe s’était d’accompagner de la création de « 500 postes supplémentaires en 2 ans », auxquels devraient prochainement s’ajouter près de 300 salariés avec l’intégration annoncée d’Expertise France. Les équipes renforcées de l’AFD devront répondre à la multiplication des projets soutenus aujourd’hui par le groupe dans plus d’une centaine de pays.
La vitesse offensive de la conquête du marché africain par la France
La France met tout en œuvre pour avoir toute l’Afrique. Dans sa nouvelle stratégie de développement, l’Afrique reste au centre des priorités françaises. Jean-Yves Le Drian a souligné les « choix géographiques assumés », de « l’Afrique en particulier ». « Le nouveau logiciel d’aide au développement -devrait permettre de- crédibiliser les actions politiques et diplomatiques » de la France à l’international, selon le ministre des Affaires étrangères. « Nous sommes la seule agence à ne pas diviser l’Afrique en 2 » se félicite Rémy Rioux, rappelant la symbolique frontière entre les pays francophones et anglophones. Aux questions sécuritaires qui pourraient freiner les projets de développement dans la zone sahélo-saharienne, le ministre répond que l’Alliance Sahel a récemment démontré une certaine « efficacité et une rapidité de mise en œuvre » ainsi qu’une « bonne synergie entre les acteurs (…). Le ministre parie sur l’avenir : « C’est vrai qu’il y a encore des problèmes de sécurité au Sahel » néanmoins, en dépit « d’une situation sécuritaire non réglée, nous voulons passer rapidement à l’opérationnalisation de nos projets (…).Une tendance qui pourrait bientôt évoluer: « on a augmenté la part des dons tout en baissant celle des prêts » a annoncé Rémy Rioux lors de la présentation de la nouvelle feuille de route. Il s’agit d’une augmentation substantielle puisque les dons passeront de 300 millions d’euros à 1,3 milliard d’euros dès 2019. En effet, dans les stratégies de la conquête du marché africain, la France adopte de nouvelles stratégies. Car, pour accompagner le président français Emmanuel Macron dans la conquête du marché africain, notamment en Éthiopie et au Kenya, le comité Afrique de Medef International envisage de constituer une délégation de patrons en mars 2019 prochain dans cette zone africaine. Une autre offensive sur le continent.
Les Etats-Unis veulent coincer la Chine sur le continent africain
C’est la concurrence rude des grandes puissances étrangères en Afrique. Et la guerre commerciale entre la Chine et les Etats-Unis s’étend sur le continent africain. Les États-Unis se préparent à lancer une nouvelle institution de financement du développement (IFD) capable d’investir 60 milliards de dollars dans les pays en développement pour tenter d’y contrer l’influence grandissante de la Chine dans un contexte de durcissement de la rivalité économique entre les deux grandes puissances, a rapporté le quotidien financier britannique Financial Times le 23 septembre dernier relayé par Ecofin. L’Overseas Private Investment Corporation (OPIC), l’actuelle institution de financement du développement du gouvernement américain, sera intégrée à la nouvelle entité et autorisée à investir dans des actions. À l’heure actuelle, l’OPIC ne peut investir que dans la dette, ce qui la désavantage par rapport aux institutions chinoises et européennes de financement du développement. «La nouvelle institution américaine de financement du développement sera ainsi placée sur un pied d’égalité avec les autres institutions de financement du développement», a déclaré le président et directeur général de l’OPIC, Ray Washburne, cité par le Financial Times. Le dirigeant de l’OPIC a également estimé que Chine livre une nouvelle forme de guerre économique aux Etats-Unis en s’appuyant sur sa diplomatie du portefeuille. «En utilisant une politique connue sous l’appellation de prêter pour posséder (loan-to-own program), la Chine rend des pays enchaînés par la dette et, par conséquent, très dépendants d’elle. Cela équivaut à une guerre économique», a-t-il souligné. La nouvelle institution de financement du développement du gouvernement des Etats-Unis sera baptisée la Société américaine de financement du développement international (International Development Finance Corporation/ US IDFC). Selon des sources proches du dossier citées par le Financial Times, cette nouvelle entité est présentée par l’administration américaine comme étant «le fer de lance de la lutte contre la diplomatie de la dette chinoise». En août 2018 dernier, seize sénateurs américains ont adressé au secrétaire américain au Trésor, Steven Mnuchin, une lettre dans laquelle ils déplorent le fait que le Fonds monétaire international (FMI) se trouve souvent obligé de voler au secours de certains pays dont les finances publiques ont été grevées par des «prêts prédateurs chinois destinés à financer des projets d’infrastructures». La mise en place programmée la Société américaine de financement du développement international intervient alors que Pékin multiplie ses investissements dans les pays en développement, et plus particulièrement en Afrique. Autant dire que le continent africain se positionne de plus en plus comme un nouveau front dans la guerre économique entre Pékin et Washington.
La conquête de l’Allemagne et la Grande Bretagne sur le continent
Si Londres veut garder la cote en Afrique, l’Allemagne entend aussi bien se positionner sur le continent africain. Le continent africain est le marché phare pour ceux qui recherchent des retours sur investissements élevés des grandes puissances économiques. L’Allemagne, avec une superficie de 357 027 km² fonctionne sous un régime démocratique parlementaire. Avec à la tête de l’Etat Frank-Walter STEINMEIER et Angela MERKEL comme chef de gouvernement, le pays compte 82,5 millions d’habitants. L’indice de développement humain porte l’Allemagne au 6e rang mondial. Pays laïque, l’Allemagne multiplie aussi la présence de conquête du marché africain. La chancelière d’Allemagne Angela Merkel a récemment organisé une tournée africaine. La tournée de fin août 2018 a été faite dans trois pays phare de la CEDEAO dont le Sénégal pour la partie francophone, ensuite le Ghana et le Nigéria, deux moteurs de cette sous-région. L’influence allemande en Afrique continue de grandir et la chancelière allemande ne manquera pas de défendre la pertinence du projet « Compact with Africa », mais aussi pour plus d’investissements allemands dans la région. Au Nigéria, Angela Merkel s’est entretenu avec Muhamadu Buhari. Ce dernier redresse tant bien que mal son pays, qui est aussi l’économie la plus importante d’Afrique. Le même Buhari, était déjà le premier président à être reçu à la Maison Blanche. Pour la conquête de la Grande Bretagne, Theresa May a aussi organisé à la même période une tournée africaine. Le 28 août en Afrique du Sud, une première visite pour un chef de gouvernement britannique en Afrique depuis 5 ans. Dans son avion, une délégation d’hommes d’affaires et des acteurs financiers. La visite s’est poursuivie au Kenya et pour les premiers engagements annoncés, la paix, la prospérité et le développement mutuels sont évoqués. Tandis que Mme May porte l’offensive vers le sud et l’est du continent, sa collaboratrice Hariet Baldwin, ministre britannique en charge des questions africaines, est allée signer des contrats commerciaux pour 20 millions de Livres Sterling (monnaie britannique) au Ghana, en Afrique de l’ouest. il faut signaler que en plus que la Bourse britannique s’est imposée comme une place de choix pour les entreprises du continent africain. Une position que le Royaume-Uni entend conserver, en dépit du Brexit qui constitue aussi les priorités de cette puissance économique en Afrique. Des partenariats ont ainsi été signés des parts et d’autres pour des investissements importants dans les divers pays visités par les personnalités des deux grandes puissances économiques. Par ailleurs, les investissements des puissances économiques étrangères en Afrique ne sont pas sans conséquences. Le premier constat est l’augmentation de la dette publique des pays africains. La fin de la concurrence commerciale entre les puissances économiques étrangères n’est pas pour demain. Et le développement de l’Afrique a du plomb dans l’aile.
Abdul Wahab ADO