Le royaume de Danxomè, dispose d’un riche répertoire de danses cérémonielles ou populaires qui avaient servi le trône royal. Le rythme ‘’Gblo’’, très peu connu de la génération actuelle, fait partie de cette liste qui se meurt. Crée sous le règne du roi Tégbéssou, cette percussion annonçait la sortie officielle du souverain. Aujourd’hui, plutôt que d’accompagner le cortège royal, elle se limite aux ouvertures et aux clôtures des cérémonies officielles du roi.
Pour leur prestance et leur prestige les souverains de Danxomè avaient tout prévu. Tégbéssou, dans le but d’effectuer de sorties officielles dans un environnement sain a créé le rythme ‘’Gblo’’ pour ainsi satisfaire aux exigences du pouvoir royal selon lesquelles tout prince qui a la prétention d’accéder au trône de ‘’ Houégbadja’’ est tenu d’avoir son rythme dont les fondements historiques et spirituels doivent être liés à sa personne et à son règne. Tous les princes héritiers ont reçu des formations à cet effet. Ce qui leur permet de composer aisément des chants et d’apprendre à danser. C’est dans cette logique que le rythme ‘’Gblo’’ a vu le jour vers le 18ème siècle. Il est classé au rang des danses rituelles et cérémonielles du royaume de Danxomè. Bah Nondichao, documentariste au musée d’Abomey à la retraite, informe que ‘’Gblo’’ précède le cortège royal lors des sorties officielles du roi. Cette danse joue alors le rôle d’éclaireur comme c’est le cas des motards devant le cortège présidentiel. Son passage annonce l’arrivée imminente du roi. Il est exclusivement exécuté par des danseurs du sexe masculin porteur de queue artificielle qui pivote sur elle-même. Elle est retenue aux reins du danseur par une ceinture bandelette qui prend appui sur une autre dont le bourrelet situé au point de rencontre de la colonne et du bassin sert d’embase à la bande située entre la queue et la ceinture, favorisant du coup le mouvement de pivotage. A en croire les confidences du patriarche Nondichao, ces queues artificielles sont constituées de certains ingrédients dont les vertus servent à repousser les mauvais esprits et à sanctifier le chemin. C’est pour cette raison que cette danse est exécutée au début et à la fin de toutes manifestations officielles et à caractère sacré pour purifier l’environnement et permettre aux différentes prières d’être exaucées.
Entre temps disparu, il a été réhabilité
Sous l’effet de l’usure, le rythme a sombré jusqu’à s’effacer du répertoire des danses cérémonielles du royaume de Danxomè. En 1905, apprend-on de Bah Nondichao, ce rythme d’une importance capitale a refait surface sur scène grâce à la magnanimité de sa Majesté Dada Agbidinoukoun Nonfon Glèlè, chef canton de Sinwé, dans la Commune d’Agbangnizoun, cercle d’Abomey. Dépositaire consacré de l’histoire et des traditions du royaume de Danxomè, il a, à son actif treize rythmes réhabilités dont le Gblo qui a reçu pour tête couronnée, le distingué Lêdé, tiré de la phrase sacramentelle Lêdé-gni na ho ce, qui signifie, je ne suis auteur d’aucun acte anti mœurs. Quelques mois plus tard, ce rythme a, une fois encore, été mis sous boisseau pendant un bon moment à cause des moyens qui avaient défaut. Il a fallu en 1993, la fibre patriotique du vénérable Dah Noudayi Agbidinoukoun-Glèlè pour faire renaître cette percussion de ses cendres. C’était à l’occasion du centenaire de la mort de leur aïeul, le roi Glèlè. Ainsi, ce dernier, attaché aux valeurs endogènes de ses aïeux, n’a pas voulu que l’héritage que son père Agbidinoukoun Nonfon Glèlè lui a légué au prix du sacrifice de son sang, de sa sueur et de ses larmes, tombe en ruine. Depuis lors, ce rythme a résisté aux péripéties, grâce à la dextérité et aux efforts conjugués d’Ahononvi Bernard, Dègbé Ayvidji et Dègbé Léonard, Kpétékan Kannoumabou, Dénis Agbidinoukoun, Martin Kakaï Agbidinoukoun ainsi que Bénoît Ayibidji, à qui il faut rendre un hommage digne et à la hauteur de la mission accomplie. Ils veillent à sa pérennisation, histoire de permettre à la postérité d’en jouir. Cependant, des querelles internes constituent encore une entrave à la promotion de ce rythme impopulaire.
Un chœur bien organisé
Contrairement à certains rythmes du plateau de Danxomè, ‘’Gblo’’ a un orchestre bien structuré au point où chacun dans son domaine joue un rôle important. Il est composé de trois ordres d’acteurs que sont les manipulateurs de queues artificielles, les principaux danseurs ; les batteurs et les instrumentalistes d’un côté puis les maîtres du chœur de l’autre. Comme instruments, précise Bah Nondichao, on utilise un tam-tam principal, un tam-tam secondaire à sangle pour faciliter le transport au cours des processions, une paire de gongs majeurs communément appelé ‘’ Gankpanvi’’ en langue nationale fon, un petit gong de rythme dit ‘’Gankokoé ‘’ et une paire de castagnettes (Assan). Le chœur de ce rythme est confié à des personnes bien averties issues d’une certaines lignées royales. Il est composé d’un groupe mixte sous la direction du chanteur principal qui a le monopole d’entonner les chansons. Ils sont tous vêtus de tenues d’amazone et de guerrier. La culotte bouffante surmontée de chemise sans manche et sans col le tout soutenu par une écharpe. Selon nos investigations, le batteur principal, fut le dignitaire Gangni Ahossou, tiré de la phrase allégorique « Une fois couronné, sacré ou intronisé, l’homme devient respectable et vénéré ». Les instrumentalistes et les danseurs quant à eux viennent de la famille Dêgbé, alliée de la dynastie Houégbadja.
Rock Amadji (Correspondant Zou/Collines)