L’Afrique n’est plus en odeur de sainteté avec les Etats-Unis d’Amérique dans le domaine des échanges commerciaux. Les exportations des produits africains en franchise de droits dans le cadre de l’Agoa vers le marché américain pourraient connaitre une fin de non-recevoir. En cause, les Etats-Unis souhaitent mettre fin aux échanges commerciaux avec le continent noir.
Belmondo ATIKPO
La suspension de la coopération commerciale dans le cadre de l’AGOA entre les Etats-Unis et l’Afrique se fait ou ira de façon progressive. Récemment, le pays de l’oncle Sam, a annoncé la couleur en prononçant des sanctions contre 04 Etas africains. Le locataire de la Maison-Blanche motive sa décision par les « violations flagrantes des droits de l’homme en Centrafrique et en Ouganda » et « l’incapacité du Niger et du Gabon à faire des progrès continus en matière de protection du pluralisme politique et de l’Etat de droit ». Le président américain Joe Biden a annoncé, lundi 30 octobre 2023 qu’il prévoit d’exclure le Gabon, le Niger, l’Ouganda et la République centrafricaine du programme AGOA (African Growth and Opportunity Act), un régime de préférences commerciales accordé depuis l’an 2000 par les Etats-Unis aux pays d’Afrique subsaharienne. « Malgré un engagement intensif entre les Etats-Unis et la République centrafricaine, le Gabon, le Niger et l’Ouganda, ces pays n’ont pas réussi à répondre aux préoccupations des Etats-Unis concernant leur non-respect des critères d’éligibilité à l’AGOA », a souligné Biden. Chaque année, Washington actualise la liste des pays éligibles à l’AGOA, en fonction notamment de leur attachement à l’économie du marché, au respect de l’Etat de droit et aux politiques de lutte contre la pauvreté. Le dispositif prend aussi en considérant les avancées ou les reculs démocratiques des pays concernés. Plusieurs responsables américains, dont la représentante adjointe des Etats-Unis pour le commerce extérieur chargée des affaires africaines, Constance Hamilton, avaient plaidé ces derniers mois pour la révision des critères d’éligibilité au régime de préférences commerciales ou son remplacement par un nouvel accord commercial. Entre 2017 et 2020, les États-Unis sont devenus la troisième plus grande destination pour les produits industriels africains, après l’Union européenne et le marché intra-africain. L’Agoa y est pour quelque chose. Cela signifie que l’Agoa a stimulé la création de valeurs ajoutées dans la région, traditionnellement connue pour ses exportations de produits non transformés. L’impact positif sur les chaînes de valeur explique pourquoi des pays africains tels que le Kenya, le Lesotho et l’île Maurice ont investi autant de capital diplomatique, et parfois de fonds de lobbying, dans l’articulation d’un dossier permanent pour plaider en faveur du renouvellement de l’Agoa. Les pays africains ont exploité cette opportunité pour vendre leurs produits manufacturés aux États-Unis. C’est le type de commerce qui compte vraiment pour l’objectif de transformation économique de l’Afrique à travers “les produits manufacturés, l’industrialisation et la valeur ajoutée”. Les États-Unis et le Kenya ne négocient pas un accord bilatéral de zone de libre-échange, comme on le croit souvent à tort. Ce qu’ils négocient, c’est un partenariat stratégique en matière de commerce et d’investissement qui ne peut être décrit comme un accord de libre-échange puisqu’il n’inclut pas de nouvelles dispositions en matière d’accès au marché. Le principal objectif de ce partenariat est d’accroître les investissements et de promouvoir une croissance économique inclusive. Il est censé profiter aux travailleurs, aux consommateurs et aux entreprises (y compris les petites). Il a aussi pour objectif de soutenir l’intégration économique régionale africaine.
Tout d’abord, l’Agoa doit être prolongée d’au moins 20 ans. Cela garantira la prévisibilité de la concession d’accès au marché et renforcera la confiance des investisseurs qui disposeront d’un délai suffisant pour récupérer leurs investissements. Deuxièmement, les pays d’Afrique du Nord devraient être inclus dans l’Agoa. Cela permettra d’étendre l’Agoa à tous les pays africains et de soutenir l’intégration commerciale du continent par le biais de l’Accord de libre-échange continental africain. Troisièmement, l’Agoa devrait cesser de punir les investisseurs en raison des erreurs des gouvernements. Il est regrettable que les pays qui ne remplissent pas les conditions d’éligibilité à l’Agoa, qui incluent les normes de gouvernance et de droits de l’homme, soient suspendus du programme. Cela pénalise les entreprises privées qui investissent ainsi que les personnes qui dépendent de ces entreprises pour leur emploi. Mais il est peu probable que les États-Unis modifient les critères d’éligibilité. D’ici 2025, l’Amérique va envisager la prolongation ou l’arrêt total de la collaboration commerciale avec le continent africain.