Disposer d’un logement décent n’est pas à la portée des petites bourses en Afrique de l’Ouest. Selon les chiffres avancés par l’UEMOA au forum sur l’habitat à Abidjan (Côte d’Ivoire) le 15 mars 2024, environ 3,5 millions de citoyens vivant dans l’espace communautaire ont des difficultés d’accès au logement. A cet effet, l’institution communautaire et ses partenaires proposent des solutions au déficit en logements.
Belmondo ATIKPO
C’est un secret de polichinelle que l’espace communautaire fait face à un déficit d’environ 3,5 millions en logements décents. Il faudrait 250.000 logements supplémentaires chaque année pour combler le gap entre l’urbanisation rapide et la croissance démographique. Pour répondre au besoin de l’offre et de la demande de logement et de relogement massif dans l’UEMOA ; la FAPBEF-UEMOA (Fédération des Associations Professionnelles des Banques et Etablissements financiers) en collaboration avec la CRRH-UEMOA, le FSA, la BOAD-TITRISATION a initié une rencontre pour faciliter l’accès au financement des habitats dans l’espace communautaire. La directrice générale de la Caisse Régionale de Refinancement Hypothécaire de l’UEMOA, CRRH-UEMOA, Yedau Ogoundele a, au cours du forum, mené des réflexions approfondies sur les défis de l’offre de logement en Afrique de l’Ouest en particulier et en Afrique en général. À en croire la DG/CRRH-UEMOA, l’institution offre aux banques de l’UEMOA des solutions de titrisation de leurs portefeuilles de prêts hypothécaires. En plus de refinancer le portefeuille, la titrisation offre aux banques une solution de partage du risque et d’optimisation d’utilisation de leurs fonds propres. Dans une dynamique d’offrir un logement abordable dans l’Union, « nous offrons des ressources à long terme pour le logement abordable », a précisé Yedau Ogoundélé. Insistant sur le volet « Garantie », la CRRH-UEMOA, précise-t-elle, est dans la dynamique d’accompagner les institutions financières de l’UEMOA à travers une offre de service élargie et intégrée avec un fonds de garantie de prêts au logement permettant de lever une partie des contraintes liées au financement du logement. Avec ces différentes offres, l’objectif de la CRRH-UEMOA est de promouvoir l’accès au logement abordable. C’est en partie pour trouver une solution à ce dernier point que la CRRH-UEMOA a été créée, portant les maturités jusqu’à 20 ans. « Depuis sa création, la CRRH-UEMOA a mobilisé 198 milliards de FCFA avec 9 émissions obligataires sur 10 ans, 12 ans puis 15 ans », déclare Mme Yedau Ogoundele, directrice de l’institution. Les défis du financement de l’habitat sont multidimensionnels, englobant des paramètres financiers, notamment les taux d’intérêt, la quotité cessible, l’hypothèque et ses conditions de réalisation, les ratios prudentiels des banques, le financement des promoteurs, les crédits acquéreurs, l’obtention de titres fonciers, etc.
« La mobilisation de ressources : Refinancement et titrisation, Garantie, Refinancement et Bonification », est le thème du forum qui a été lancé par Bruno Koné, le ministre ivoirien de la Construction, du Logement et de l’Urbanisme. Dans son allocution d’ouverture, Bruno Koné, a d’emblée donné le ton de la rencontre : « 10 000 logements sont construits chaque année en Côte d’Ivoire pour un besoin annuel de 80 000 unités. Pourquoi une offre aussi faible ? Est-ce lié à la capacité des banques ? » Il faudrait certainement, opine le ministre, travailler à réduire les coûts des logements d’une part, et les charges de l’acquéreur d’autre part. Devrait-on privilégier la location simple au détriment de l’acquisition comme en France où 6 millions de personnes sont logées à travers ce dernier procédé ? Les réponses vont au-delà des taux d’intérêt et de l’engagement des banques, touchant aussi les administrations. Celles-ci sont invitées à digitaliser les procédures et à faciliter la délivrance du titre foncier, base du crédit hypothécaire. L’introduction récente de la signature électronique dans le pays permettra certainement de réduire les tracasseries administratives. En Côte d’Ivoire, il faudrait donc produire au moins 80 000 logements annuellement pour résorber un déficit cumulé estimé à plus de 800 000 unités, souligne le ministre. « Cela représente plus de 40 000 milliards de francs CFA (60 milliards de dollars), soit quatre fois le budget annuel du pays », a-t-il affirmé. La forte croissance démographique a vu le déficit en logements passer de 500 000 unités en 2020 à 830 000 en 2023, rappelle Jérôme Ehui, président de l’Association des Banques et Établissements Financiers de Côte d’Ivoire (APBEF-CI), et, par ailleurs, directeur général de Versus Bank. Par ailleurs, le taux d’urbanisation est passé de 5 % en 1950 à 55 % en 2023, détaille le banquier appelant à une mobilisation générale de tout l’écosystème pour relever le défi de l’habitat. Pour sa part, Coulibaly Chalouho, directeur national Côte d’Ivoire de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), met en exergue le taux de croissance démographique (2,7 %) de l’UEMOA, l’un des plus élevés dans le monde, avec un « important déséquilibre entre l’offre et la demande de logements, des financements faibles et des taux d’intérêt élevés ».