Selon un rapport de l’INSEAD publié en 2020, les entreprises détenues et contrôlées par des familles (EDCF) constituent la pierre angulaire de l’activité économique mondiale, représentant les deux tiers de toutes les entreprises et générant 70 à 90 % du Produit intérieur brut (PIB) mondial annuel. Malheureusement, en Afrique, le rôle-clé qu’elles jouent dans le tissu socio-économique des pays semble trop souvent sous-estimé et les défis auxquels elles font face sont ignorés sans autre forme de procès.
Issa DA SILVA SIKITI
« Le défi endogène le plus important est la gouvernance. Elles ne parviennent souvent pas à mettre en place des structures de gouvernance internes adéquates et robustes pour pousser l’entreprise à dépasser le stade entrepreneurial ou à survivre au décès du fondateur », explique Kasirim Nwuke, chercheur et spécialiste des affaires et de l’innovation, dans le dernier rapport intitulé Foresight Africa 2024 publié par la Brookings Institution en février.
« Leur croissance peut être limitée par la norme de réciprocité dans les sociétés traditionnelles et le système familial élargi de l’Afrique dans lequel le fondateur sera censé embaucher des membres de sa famille, ses proches et ses amis sans tenir dûment compte de la compétence et du professionnalisme », regrette-t-il.
« L’incidence élevée de la pauvreté et le taux de dépendance élevé qui en résulte créent une situation dans laquelle la propriété d’une entreprise est interprétée comme une preuve de richesse et suscite des attentes de soutien financier de la part des proches. En envoyant des enfants en Occident pour faire des études supérieures, une propension des riches africains présente un risque pour la survie des EDCF, car certains de ces enfants pourraient ne plus revenir pour poursuivre et développer les entreprises », ajoute-il.
Décès du fondateur
A en croire cet éminent connaisseur des affaires, la source de financement initiale pourrait constituer une autre source de menace pour la survie de l’entreprise familiale africaine. « Certaines des plus grandes entreprises familiales sont soit le résultat d’une « transformation » ou d’une conversion résultant d’un enrichissement corrompu par d’anciens responsables gouvernementaux, soit le produit d’une recherche de rente par les fondateurs. Certaines de ces entreprises meurent au décès du fondateur, à la suite de la fermeture des conduits. Le capital social étant difficile à transférer, le décès d’un fondateur pourrait stopper le flux des fonds corrompus et/ou des rentes qui étaient les sources de croissance de l’entreprise ».
Kasirim Nwuke souligne que les entreprises familiales sont de véritables écoles d’apprentissage de l’entrepreneuriat. La disparition d’une entreprise familiale est une perte importante pour les pays qui cherchent à créer une classe d’entrepreneurs capables de repousser les frontières de leur développement et de transformer leurs économies.
Il lance un appel solennel aux gouvernements de concevoir et mettre en œuvre des politiques et des réglementations appropriées pour promouvoir leur croissance et réduire leur taux de mortalité élevé. Les données spécifiques aux entreprises familiales devraient être collectées régulièrement par les bureaux nationaux de statistique pour faciliter la recherche et la prise des décisions. Ils devraient également envisager de créer un marché pour le commerce des entreprises familiales, car le transfert de propriété pourrait réduire leur taux de mortalité élevé.