Bien essentiel au développement, l’eau, face aux multiples mutations engendrées par les changements climatiques avec une disponibilité en abondance et un manque criard par endroits du monde, reste une préoccupation clé pour un monde meilleur. L’Union des Conseils Economiques et Sociaux et Institutions Similaires Francophones (UCESIF) en fait, d’ailleurs, un cheval de bataille. Dans les colonnes de « L’économiste du Bénin », Thierry Beaudet, Président de l’UCESIF et Président du Conseil économique, social et environnemental (CESE) de la France, évoque le rôle de l’Union dans la résolution efficace de ces urgences. Entretien.
Créé depuis 2004, l’UCESIF qui s’est assignée pour mission d’être une force de proposition dans les agendas politiques des Etats, braque les projecteurs, à l’occasion de son Assemblée Annuelle de 2023, sur la gouvernance de l’eau. Pourquoi parler maintenant de l’eau ?
La question de l’eau est une question qui a rattrapé l’ensemble de nos pays, surtout les continents en Europe, en Asie et surtout en Afrique. C’est le résultat du changement climatique. On voit se développer des phénomènes extrêmes, des sécheresses d’un côté, de terribles inondations de l’autre, et la question de la gouvernance de cette ressource qui devient de plus en plus rare est une question incroyablement importante et on sait par exemple que des pans importants des populations n’ont pas accès à l’eau potable.
Les infrastructures d’eau potable et d’assainissement restent l’un des défis pressants en Afrique. Alors que cette réalité n’est qu’une partie des urgences tels les changements climatiques, quelles pistes pour les pays les moins avancés ?
Je crois qu’il y a plusieurs sujets qu’il faut regarder simultanément parce que c’est un sujet très complexe donc il faut avoir des politiques à l’échelle des Etats, et puis probablement aussi des adaptations au niveau plus local. Donc il faut avoir une politique globale de gestion de la ressource, de préservation, de restauration (quand c’est nécessaire) des milieux aquatiques. Probablement, il faut davantage traiter les eaux usées, voir comment on peut les réutiliser et puis il faut être attentif à un certain nombre de modèles. On a besoin de développement agricole, on a besoin de développement industriel, mais comment fait-on en sorte que cette agriculture et cette industrie soient sobres en matière d’utilisation de la ressource en eau et puis, il faut travailler naturellement sur la gestion des infrastructures. Les questions d’assainissement, les questions de distribution de l’eau sont des questions très importantes.
On parle d’accès à l’eau pour tous mais dans certaines régions du monde, notamment en Afrique, on note des différends entre les pays dans la gestion des grands bassins. Quel rôle compte jouer l’UCESIF dans la résolution de ces tensions autour de ce bien essentiel ?
Vous savez, nous avons, à Cotonou, lancé un Appel, un Appel à une Nouvelle Alliance Francophone sur cette question de l’eau parce que effectivement nous observons un certain nombre de migrations liées au stress hydrique, nous observons des conflits d’usage, des conflits aux frontières de certains Etats, et nous sommes convaincus que sur ce sujet qui est un bien essentiel pour l’ensemble de notre humanité, il faut privilégier la coopération à la compétition. Et c’est ça, le sens de l’Appel de Cotonou que nous avons lancé. C’est de faire en sorte que les pays francophones puissent se coordonner, parler d’une voix forte, et que cette voix forte, on puisse la porter dans toutes les instances internationales qui évoquent la question de l’eau.
Dans vos interventions, vous ne manquez pas d’appeler vos pairs à la « diplomatie des sociétés organisées »…
Oui ! Vous savez, dans nos Conseils économiques et sociaux, nous réunissons finalement l’ensemble des forces vives de chacun de nos pays. Nous avons les représentants des employeurs, des entrepreneurs, nous avons les représentants des syndicats puis nous avons aussi les grandes associations, les grandes ONG. Et au quotidien, sur le terrain, ce sont tous ces acteurs-là qui agissent. Et à travers nos unions, à travers l’UCESIF, nous développons des liens d’amitié, des liens de coopération ; et ma conviction, c’est que face aux défis du monde, on ne peut plus rien faire sans les organisations de la société. Et c’est la raison pour laquelle, je dis, il faut que les organisations des différents pays se rencontrent, se connaissent et coopèrent. C’est ce que j’appelle la « diplomatie des sociétés civiles organisées ». Bien-sûr que la diplomatie des Etats est centrale, elle demeure première, mais elle peut utilement être complétée par cette « diplomatie des sociétés civiles organisées ».
Quel regard portez-vous sur la politique du Bénin en matière de gouvernance des ressources hydriques ?
J’ai écouté (à l’AG de l’UCESIF, ndlr) les intervenants qui sont venus présenter la politique qui se développe au Bénin. J’ai vraiment le sentiment qu’il y a une volonté politique forte de gérer cette ressource en eau, mais ce qui m’a surtout frappé, c’est que non seulement il y a une volonté politique, une ambition, mais il y a aussi des réalisations. Et je pense que la force du Bénin d’une manière générale, c’est de concilier des projets-ambitions et la capacité à les mettre en œuvre concrètement.
Réalisé par Sylvestre TCHOMAKOU