De passage à Cotonou dans le cadre du Salon de l’entrepreneuriat numérique et de l’intelligence artificielle (SENIA 2023, deuxième édition), Me Arnaud TESSALONIKOS, Avocat d’affaires au Cabinet français FIDAL et spécialiste des questions numériques et de l’intelligence artificielle a répondu aux préoccupations du quotidien » L’économiste ».
L’économiste : Présentez-vous à nos lecteurs et parlez-nous de l’objet de votre présence au Bénin
Arnaud TESSALONIKOS : Je suis l’un des directeurs associés du Cabinet FIDAL à Paris. Je suis en charge du droit des activités numériques au sein de ce cabinet. On a une équipe dédiée aux droits des activités numériques et moi j’ai la chance de l’animer à Paris. Je suis régulièrement au Bénin parce que je suis Béninois de cœur (sourire). Cela fait six ou sept ans que je viens au Bénin. Je suis mandaté par mon cabinet pour explorer les opportunités d’affaires qui pourraient exister, parce que l’idée serait de créer une structure à Cotonou dans le cadre d’une démarche de renforcement des capacités et de coopération avec les acteurs locaux, si l’étude des potentialités du marché juridique nous permet de déterminer qu’il est suffisamment dynamique pour que nous décidions d’investir au Bénin.
Le cabinet FIDAL veut coopérer avec le Bénin dans quels domaines ?
Le droit du numérique pourrait être développé ici au Bénin. Il y a peu de professionnels du droit qui sont formés aux questions juridiques posées par l’intelligence artificielle. Plus généralement, il y a peu de professionnels qui maîtrisent et donc pratiquent le droit du numérique tant pour les avocats, les magistrats, les experts en informatique, tous les acteurs qui régulent les éventuelles difficultés que rencontrent inévitablement les acteurs de ce secteur d’activité. C’est l’une des conditions pour avoir un secteur numérique dynamique qui attire les investisseurs. Cela paraît pertinent pour accompagner les entreprises, sécuriser leur projet, sécuriser leurs revenus, faire face à des questions de contrefaçon pour le cas où de tels litiges surviendraient… ce qui est toujours le cas lorsqu’un acteur émerge sur la scène internationale.
Vous êtes aussi à Cotonou dans le cadre de la deuxième édition du SENIA dédié au numérique et à l’intelligence artificielle. Quel est le bien-fondé de cette rencontre ?
A.T : Ce salon vient à point nommé sur les questions numériques qui génèrent une évolution de l’économie dans tous les pays du monde. Aujourd’hui, l’ensemble des pays du monde sont dans la même situation que le Bénin c’est-à-dire qu’on s’interroge sur le cadre réglementaire qui va réguler ces nouvelles opportunités que constituent les TIC (Technologies de l’information et de la communication). FIDAL est un cabinet d’affaires basé à Paris qui comporte 400 personnes à Paris, 1800 en France, 87 bureaux et qui est partenaire de Cabinets allemand et italien de même taille. Nous pouvons déployer une offre de services juridiques en Europe, en Asie, en Amérique et sommes déjà présents en Afrique du Nord. Nous avons des spécialités pointues dans tous les domaines d’activités et nous nous sommes rendus compte que l’intelligence artificielle, et c’est l’objet du SENIA, est un domaine d’activité à très forte valeur ajoutée et en constante évolution. Je pense que le Bénin a raison de se positionner sur ce marché pour avoir un effet accélérateur sur ses perspectives de croissance.
Les thèmes du numérique et du droit de numérique ont été passés au peigne fin au cours des différentes communications. Quels sont les contours sémantiques de ces deux thèmes dans le cadre du salon ?
Le numérique est l’ensemble des technologies qui utilisent un codage de l’information binaire, à base de logiciels et de réseaux de communications électroniques, afin d’acheminer et de traiter l’information. La télévision est devenue numérique, cette conversation est enregistrée numériquement et l’on assiste à un déplacement des activités humaines du registre physique, tangible, vers le registre numérique, immatériel. Cela permet de travailler à distance, de couvrir des régions qui n’étaient pas couvertes par des services auparavant. Cela permet de développer des outils sophistiqués comme l’intelligence artificielle qui comporte des opportunités mais aussi des risques.
L’un des risques du numérique, c’est la cybercriminalité, une forme de nuisance. Que fait votre cabinet pour lutter contre le fléau ?
Avec de l’intelligence artificielle, on peut améliorer les services publics, transformer la société, faire évoluer les entreprises et les administrations, mais aussi on expose les citoyens à des dangers d’escroquerie, d’arnaque. Par exemple, il y a des intelligences artificielles qui pourraient aider à avoir des informations sur des personnes vulnérables, en les manipulant, en leur donnant de mauvaises réponses. Dans ce contexte, collectivement, les citoyens de chaque pays doivent réfléchir à créer les règles morales que l’on va appliquer à l’usage de ces technologies.
Ensuite, on va légiférer sur la base d’un socle moral (on parle beaucoup d’éthique dans ce domaine), par exemple lorsqu’on dit que « tu ne voleras pas », c’est parce que le vol est interdit dans la société puisque c’est moralement inacceptable. Dans le domaine de l’intelligence artificielle on n’a pas encore mesuré tous les cas de dérives possibles. Avec les TIC et l’IA, on ne voit plus la différence entre le vrai et le faux. Certes, les Avocats ont tendance à voir des problèmes ou des risques, à être un peu paranoïaques mais c’est pour cela qu’on rédige des contrats ou que l’on s’appuie sur la réglementation : c’est pour prévenir la survenance des problèmes (mieux vaut prévenir que guérir). Notre travail est d’anticiper les risques. Il faut insuffler de la confiance dans l’économie numérique et dans l’usage de l’intelligence artificielle. C’est pour cela que la réglementation est un outil de travail indispensable.
Les infractions en matière du numérique sont- elles pénales ?
Tout à fait, au Bénin il y un texte législatif très complet : le code du numérique. Il a été adopté en 2018 et comporte plusieurs sortes d’infractions pénales, notamment d’atteintes aux systèmes informatisés de données, de pénétration frauduleuses et d’entrave au fonctionnement de ces systèmes, des infractions liées à la protection des données à caractère personnel. Donc le Bénin a un dispositif législatif, réglementaire en cours d’évolution mais déjà riche. Il faut continuer à parfaire le dispositif.
Il y a des thématiques diverses et variées qui ont meublé ce Salon
Il y a eu des thématiques à la fois sur les opportunités de l’intelligence artificielle, à la fois sur la structuration du secteur et puis sur la façon de réguler les TIC. Cela va permettre aux pays participants d’accélérer les choses. Cela va créer un levier pour le développement de chaque pays. Si le développement d’une économie est à cinq marches, alors, le Bénin aujourd’hui vient directement à la cinquième marche, il n’a plus besoin de franchir les quatre marches précédentes pour se mettre à niveau. C’est donc pertinent pour le Bénin de choisir cette voie.
Quel profit tire le Bénin de cette rencontre pour booster son économie ?
J’ai vu des jeunes, des femmes et des hommes qui ont de l’envie et des capacités à développer. Il y a des idées et il y a de l’énergie dans leur démarche. Ce sont des jeunes de 16 ans 17 ans aujourd’hui, qui seront aux affaires demain et il faut les aider à aller vers le numérique à fort impact pour l’économie d’aujourd’hui et de demain. Il faut aussi penser à la propriété intellectuelle parce que l’IA a besoin de la Data. Il n’existe pas encore au Bénin d’agence pour la protection de programme par exemple. Donc il faut inviter les jeunes créateurs d’entreprises à avoir le réflexe de la protection de leurs propres réalisations.
Votre mot de la fin
J’ai hâte de revenir au Bénin pour le prochain Salon et merci pour votre accueil.
Propos recueillis par Belmondo ATIKPO