(« Nous travaillons à ce que les banques développent davantage leur appétit à financer le secteur agricole au Bénin »)
Le Gouvernement du Bénin a un ambitieux volet de développement agricole dans le Programme d’actions du gouvernement (PAG) et pour la période 2021-2030, le besoin de financement est évalué à 2374 milliards FCFA. Pour ce faire, il a positionné le Fonds national pour le développement agricole (FNDA) comme le catalyseur de l’investissement privé dans le secteur agricole. A travers une interview avec le Directeur général dudit fonds, Léonard Valère Houssou, nous tentons une incursion au cœur de cette structure et relevons les impacts du travail abattu par l’équipe dirigeante sur le secteur agricole.
Lire ci-dessous, l’intégralité de ladite interview.
L’économiste du Bénin : Le Gouvernement a doté le FNDA d’un abondement de 100 milliards en conseil des ministres du 29 juillet 2020. A quoi est destinée cette dotation ? Quels sont les impacts attendus sur le secteur agricole ?
Léonard Valère Houssou : Cette dotation additionnelle et importante du gouvernement de son excellence le président Patrice Talon à l’endroit du FNDA vise à renforcer le guichet 3 de nos activités. Car, le FNDA a trois guichets.
Le guichet 1 de ses activités est constitué des services d’octroi de subvention pour les investissements structurants. Le guichet 2 s’occupe de l’octroi de financements aux services non financiers dont la recherche, le renforcement des capacités, l’accès aux marchés. Et enfin, le guichet 3 qui est la facilitation à l’accès au crédit. C’est ce dernier guichet que le gouvernement a renforcé avec une dotation annuelle de cent milliards.
Cette dotation va servir à faire essentiellement trois choses. D’abord, 50 milliards FCFA sont destinés à renforcer les capacités des institutions financières que sont les Systèmes financiers décentralisés (SFD). Parce que le FNDA ne fait pas de crédit. C’est l’apanage des SFD. Et ces institutions sont souvent à court de ressources pour répondre favorablement aux attentes des producteurs agricoles. Le gouvernement a donc décidé de renforcer les SFD à travers cette dotation de 50 milliards qui leur permettra de donner désormais du crédit aux producteurs agricoles à un taux qui est inférieur ou égal à 12%. Au niveau des banques, nous avons négocié pour nous entendre sur 8 ou 9% d’intérêt.
Ensuite, le gouvernement garantit les prêts que les producteurs agricoles vont consentir auprès des banques et SFD à hauteur de 35 milliards FCFA. Ceci, parce que la majorité des producteurs agricoles n’ont pas de garantie à faire valoir auprès des institutions financières. Donc, le gouvernement met cette partie de ces fonds à disposition pour apporter une garantie à 50% aux producteurs lors de leurs prêts.
Enfin, c’est le fonds de bonification qui est d’un montant de 15 milliards FCFA. C’est une décision politique du gouvernement qui prend en charge une partie des charges liées aux intérêts que le producteur bénéficiaire de prêt devrait supporter lors du remboursement. Après avoir plafonné le taux d’intérêt à 12%, le gouvernement a pris cette disposition pour soutenir les producteurs qui ont des besoins en investissements et acquisition d’équipements et qui ont une faible rentabilité. Ces producteurs ne bénéficieront pas d’un crédit à 12% mais à 2% d’intérêt. Ainsi, le gouvernement prend-il en charge les 10% qu’il rembourse au SFD. Quand le prêt a été opéré auprès d’une banque le producteur paye toujours 2% d’intérêt et le gouvernement rembourse l’écart de 6% ou 7%.
Le FNDA a récemment signé un partenariat avec les SFD et banques. Est-ce la première fois qu’un tel partenariat est mis en place par le FNDA ?
C’est la toute première fois que le FNDA arrive à nouer un tel accord depuis sa création. Ce partenariat se justifie par le fait que nous avons l’obligation de travailler avec les institutions qui accordent des prêts aux producteurs agricoles puisque nous n’en accordons pas. Donc, ce partenariat s’inscrit dans la droite ligne de l’exercice de nos activités de facilitation de crédit. Les institutions financières émargent au registre du secteur privé. Elles ont leurs objectifs, missions et attributions. A travers ce partenariat, nous avons trouvé des terrains d’entente, réussi à trouver des conciliabules qui permettent aux institutions financières autant qu’aux producteurs d’avoir leurs comptes. C’est ce travail qui a abouti à la cérémonie de signature d’accord de partenariat entre sept banques et quinze SFD.
Notre partenariat avec ces institutions financières permet aux promoteurs agricoles de bénéficier d’une attention particulière lors de leurs demandes de prêt. Désormais, il suffit aux producteurs et promoteurs agricoles de remplir les conditions requises par ces institutions financières pour bénéficier des prêts.
Ce partenariat vient booster le financement du secteur agricole. Les crédits existent peu et ne sont pas adaptés aux réalités et besoins des producteurs en termes de montant, de durée et de calendrier de remboursement. Ce que nous apportons par le biais de ce partenariat c’est que les bénéficiaires auront plus de ressources pour faire face aux besoins financiers que nécessitent leurs activités agricoles.
Nous travaillons à ce que les banques développent davantage leur appétit à financer le secteur agricole au Bénin. Et ce n’est qu’un début. Mais cela appelle une bonne préparation de gestion financière des bénéficiaires. Car, bénéficier d’un prêt et recevoir un don nécessitent différentes formes de gestion. Le crédit est octroyé à quelqu’un qui est capable de le rembourser.
Quelle synergie y a-t-il entre le FNDA, les OPA et les programmes-projets ?
Nous avons des partenariats avec les prestataires de services non financiers et certains projets-programmes. Nous n’en avons pas encore avec tous les projets-programmes. Mais ceux sont ces derniers qui doivent jouer un grand rôle dans la préparation et l’encadrement des bénéficiaires. Quant aux prestataires de services non financiers, ils offrent des prestations de suivi, d’encadrement et d’accompagnement des bénéficiaires des prêts. Surtout ceux qui doivent s’adresser aux banques. Ceux-ci doivent être suffisamment préparés. Les producteurs ne doivent pas s’adresser à une banque sans avoir un plan d’affaires qu’ils maîtrisent. Et cela ne suffit pas. Beaucoup de producteurs ont des idées de projets mais ils doivent transformer cela en business plan. C’est en vue de préparer les bénéficiaires à toutes ces dispositions que nous avons noué des partenariats avec les Prestataires de services non financiers (PSNF).
Aussi avons-nous des partenariats avec certains projets-programmes qui ont déjà l’encadrement des bénéficiaires dans leurs missions. Par exemple, le projet Défia avec l’appui d’Enabel qui accompagne tous les promoteurs agricoles qui s’investissent dans l’ananas ; le projet Padaam qui est dans le riz, le maïs, le soja ; Technoserve qui est dans l’acajou, et autres.
Quels sont vos projets à court terme ?
Nous préparons un vaste plan de communication, d’informations et de sensibilisation des bénéficiaires afin qu’ils comprennent d’abord c’est quoi le FNDA et le travail qui s’y fait ; ensuite quelles sont les opportunités qui découlent du travail du FNDA qui leur sont offertes et enfin, comment bénéficier de tout l’effort que fournit le gouvernement pour que les producteurs soient épanouis. Car, le FNDA existait depuis 2017 mais c’est la première fois que nous engageons des réformes aussi profondes et structurantes pour le bonheur des populations. Donc il ne faut pas du tout négliger le travail à faire pour mettre les promoteurs agricoles au même degré d’informations que nous. C’est nécessaire afin que la mayonnaise puisse prendre tout de suite et que le résultats de nos efforts collectifs, du gouvernement aux promoteurs en passant par les SFD, les banques, le FNDA et autres acteurs de la chaîne de production agricole du Bénin se traduisent par des récoltes abondantes.
Quel bilan pouvez-vous faire en presqu’une année de gestion à la tête du FNDA ?
L’acte fort qui marque l’aboutissement de notre travail en une année de gestion est celui relatif à l’événement du 8 septembre 2020. Le ministre de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche, Gaston Dossouhoui a présidé la cérémonie de présentation du Fonds national de développement agricole (FNDA) aux banques et SFD. C’est l’occasion de remercier l’autorité de tutelle pour sa disponibilité permanente quand il s’agit du Fonds. Cette cérémonie a également servi de cadre à la signature d’accords entre le FNDA et l’Association professionnelle des banques et établissements financiers (APBEF) d’une part, et entre le FNDA et l’Association professionnelle des systèmes financiers décentralises (APSFD) d’autre part.
Nous avons réussi à faire adhérer les banques et SFD à s’engager dans le financement agricole. Ce n’était pas gagné d’avance. Mais le travail continue et nous ne dormons pas pour autant sur nos lauriers. Car, une chose est de voir les banques et SFD s’engager et une toute autre de les voir servir au mieux les intérêts des promoteurs agricoles dans les termes du partenariat qui les lient au FNDA.
De même, il y a la crédibilité dont jouit le FNDA aujourd’hui auprès des Partenaires techniques et financiers (PTF). Nous avons restauré et renforcé cette crédibilité. La confiance est née dans le cœur de tous les partenaires du FNDA et on sait que le FNDA est un véritable allié qui travaille pour le bonheur des acteurs agricoles dans la droite ligne de la vision du gouvernement du Bénin.
En moins d’un an, les banques et SFD sont prêts à accompagner davantage les producteurs, et le gouvernement met à disposition une dotation de 100 milliards pour le FNDA. Qu’est-ce qui vous a permis de réaliser ces performances qui révolutionnent le monde agricole ?
C’est le chef de l’Etat, son excellence le président Patrice Talon qui m’a permis de réaliser ces performances en étroite collaboration avec mon ministre de tutelle monsieur Gaston Cossi Dossouhoui. Je suis spécialiste en gestion financière et j’officiais dans le privé quand j’ai été promu à mes fonctions. Donc, c’est le chef de l’Etat qui a su déceler en moi des qualités capables de faire le travail que je fais. Il a su que j’avais l’étoffe pour réussir à bien la mission qui m’est confiée. Car vous savez que le développement de l’agriculture occupe une place de choix dans le Programme d’action du gouvernement (PAG). Je suis heureux de servir mon pays à travers le FNDA et je crois que nous pouvons faire encore plus sous le leadership éclairé du chef de l’Etat. Il nourrit de grandes ambitions pour l’agriculture béninoise et il ne s’en cache pas. C’est à lui que reviennent tous les mérites.
Avez-vous une préoccupation particulière à exprimer ?
Je veux dire à tous les acteurs du secteur agricole béninois que nous nous préparons pour venir vers eux en vue de mieux nous faire connaître d’eux et leur présenter toutes les opportunités de financement que le gouvernement propose pour les soutenir afin qu’ils remplissent les conditions qu’il faut pour en bénéficier.
Qu’ils se tiennent prêts pour nous accueillir dans les prochaines semaines. Le FNDA est une opportunité, une solution que les acteurs du secteur agricole doivent absolument saisir et exploiter.
Interview réalisée par Nafiou OGOUCHOLA
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Encadré
Sept béninois sur dix vivent de l’agriculture. Cette dernière occupe 70 % de la population active et contribue à 34 % au Produit intérieur brut (PIB). Depuis 2016, le Bénin a opté pour la territorialisation de son agriculture. Le pays a été scindé en sept pôles de développement agricole (PDA) administrés par les Agences territoriales de développement agricole (ATDA). Ces dernières sont chargées de la promotion et du développement d’un certain nombre de filières prioritaires. Pour l’ensemble des sept PDA, il y a une dizaine de filières prioritaires dont le coton, l’ananas, l’anacarde, le riz, le soja, le maïs, le palmier à huile, entre autres. Chacune de ces filières est dotée d’un programme national de développement qui définit clairement la structuration de cette filière ainsi que les différents maillons puis les niches d’opportunités et d’investissement pour ceux qui pourraient s’intéresser à cette filière.
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Cadre légal du FNDA
Création & AOF: décret N° 2017-304 du 21 juin 2017
Statut : Etablissement public à caractère social, culturel et scientifique, doté de la personnalité morale et de l’autonomie de gestion, placé sous la tutelle du MAEP (loi N°94-009 du 28-07-1994)
Nomination membres Conseil d’Administration FNDA : décret n°2017-584 du 13 décembre2017
Nomination DG/FNDA : décret n°2019-434 du 02 octobre 2019
CADRE INSTITUTIONNEL
PORTAGE POLITIQUE
Etat du Bénin via le décret n° 2017 – 304 du 21 juin 2017 portant création, attributions, organisation et fonctionnement du FNDA;