Opérationnelle depuis le 07 juillet 2019, la Zone de libre-échange continentale africaine (ZLECAf) est au centre de l’attention de l’élite économique et politique mondiale qui, réunit dans les Alpes Suisses du 16 au 20 janvier 2023, s’y est intéressée. Secrétaire général de cette zone qui vise la promotion du marché commun en Afrique, le Sud-Africain Wamkele Mene, a, dans une interview accordée à « Radio France Internationale (RFI) » fait le point des avancées de la zone. Lisez-plutôt !
RFI : Que vient faire un secrétaire général de la Zlecaf au Forum économique mondial ?
Wamkele Mene : Nous sommes avant tout venus à Davos pour montrer que la Zone de libre-échange continentale africaine, la Zlecaf, est un marché à fort potentiel pour les investissements. C’était notre mission principale. Le deuxième objectif, qui est tout aussi important, était de présenter le rapport sur la Zlecaf réalisé en collaboration avec le Forum économique mondial. Ce document est destiné à permettre aux investisseurs internationaux de mieux comprendre et d’identifier les opportunités d’investissements sur le marché de la Zlecaf.
Nous avons eu des réunions avec des dirigeants de multinationales, des fabricants mondiaux de voitures par exemple, des géants de l’industrie agroalimentaire et des matières premières. Tous se sont montrés très intéressés. Ils veulent en savoir plus sur les bénéfices potentiels qu’ils peuvent tirer du marché de la Zlecaf.
Et je dois dire que leurs observations sont très encourageantes. En ces temps de fortes tensions géoéconomiques et géopolitiques, ils sont en effet à la recherche de marchés de niche où ils peuvent investir et mettre en place des chaînes de valeur alternatives pour leurs investissements, pour leurs produits, mais aussi pour leurs services. Je pense que nous avons une opportunité vraiment unique en tant que continent africain. Nous avons donc essayé tout au long de la semaine de présenter ce marché alternatif, comme le lieu où ils peuvent mettre en place de nouvelles chaînes de valeur.
Vous évoquez des tensions géopolitiques, l’Afrique n’est pourtant pas épargnée !
Oui, bien sûr. Il existe une réalité que nous devons affronter et au sujet de laquelle nous devons être honnêtes. Nous devons faire face à de nombreux défis. Certains sont politiques, d’autres sont de nature macro-économique comme les crises des réserves de change et de liquidités. Mais ce ne sont pas des défis qui sont particuliers au continent africain. Le changement climatique, par exemple, ne concerne pas uniquement l’Afrique et je pense que les investisseurs comprennent ça.
Tout est une question d’évaluation des risques, du degré de risque à prendre avant d’investir. Mais cela se produit dans d’autres coins du monde, pas uniquement en Afrique. Mais je pense que les investisseurs avertis comprennent le contexte global et sont prêts malgré tout à investir en Afrique.
En octobre dernier à Accra [siège de la Zlecaf, NDLR], vous avez lancé la Guided Trade Initiative (GTI), l’Initiative de produits guidés. De quoi s’agit-il ?
En 2020, l’Assemblée des chefs d’État et de gouvernement de l’Union africaine a décidé que nous devions commencer à vraiment commercer entre nous. Nous avons donc identifié, en octobre dernier, près d’une centaine de produits qui sont commercialisés à travers toute l’Afrique et sept pays dont le système douanier était en adéquation avec les procédures exigées par la Zlecaf pour un commerce préférentiel. Et ce projet pilote a rencontré un vif succès. Il a démontré que la Zlecaf est une réalité.
C’est donc un grand pas qui a été fait ?
Un pas de géant. Quand on y pense, il n’y a jamais eu de commerce préférentiel entre les régions du continent. Nous avons pour la première fois eu des produits d’Afrique du Nord, en l’occurrence des climatiseurs fabriqués en Égypte, qui ont été exportés vers le Ghana. Du thé kényan, une production agricole avec une valeur ajoutée, a été acheminé vers l’Afrique de l’Ouest. Cela ne s’était jamais produit auparavant en Afrique. On faisait toujours du commerce avec l’Europe et parfois, on commerçait avec l’Europe pour commercer entre nous. Donc, nous avons fait un pas de géant en démantelant cet ancien modèle de commerce et cet ancien modèle d’économie africaine qui par nature était colonial.
Comment convaincre d’autres pays de rejoindre cette initiative ?
De nombreux pays sont en train de mettre en place les systèmes douaniers requis par la Zlecaf. De plus en plus de pays disent qu’ils seront prêts lorsque nous lancerons, en juin, une nouvelle Initiative de produits guidés. De plus en plus de pays se déclarent prêts. De plus en plus d’entreprises ont également exprimé un intérêt, y compris des multinationales. Nous avons par exemple rencontré ici à Davos trois multinationales qui sont présentes en Afrique et qui nous ont dit vouloir faire partie de cette Initiative. Quand j’étais en décembre dernier à Tokyo, des entreprises japonaises ont exprimé le même intérêt. L’intérêt est immense et pas seulement de la part des gouvernements ou du secteur public parce que, comme je l’ai dit, c’est la première fois en 70 ans que l’Afrique fait du commerce avec elle-même.
Qu’en est-il du certificat d’origine Zlecaf ? Que faut-il pour l’obtenir ?
Le seuil pour le « made in Zlecaf » est assez important. Il doit présenter au moins 40 % de contenu local. Pour que ses produits obtiennent le certificat Origine Zlecaf, qui leur donne accès à des réductions de droit de douane, vous devez prouver et démontrer qu’ils sont fabriqués dans la zone. Alors le certificat d’origine peut être délivré. Avec l’initiative lancée en octobre, 96 produits ont obtenu cette certification. Des produits agricoles, des produits manufacturés, du carrelage, des climatiseurs, des produits de beauté, des boissons alcoolisées ont obtenu le certificat made in Zlecaf. Il existe aujourd’hui une gamme très variée.
Source : RFI