Lentement mais sûrement, les femmes africaines percent dans le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC), un domaine qui était considéré il y a une dizaine d’années comme une spécialité masculine. Mais ce n’est pas facile car elles font face à d’énormes défis.
Issa SIKITI DA SILVA
Assise dans son espace privé qui ressemble à une cage, Alice supervise le bon déroulement des activités de sa bureautique située dans un quartier pauvre de Nairobi, la capitale du Kenya. La bureautique est bien organisée et comprend, entre autres, un cyber café, une section de saisie, de photocopie, de fax, de plastification et de reliure. Comme leur patronne, toutes les travailleuses disent avoir une passion et un amour sans fin pour les TIC. C’est la seule bureautique dans ce coin, donc la tâche est lourde pour Alice et sa bande car toute la communauté dépend d’elles. « Lorsque j’ai commencé ce business cinq ans passés, mes amies me posaient souvent la question de savoir pourquoi ne pas chercher du travail au lieu de se jeter dans la gueule du lion », s’est confiée Alice au journal l’Economiste du Bénin. « Elles me disaient aussi que ce type de business était trop difficile et que seuls les hommes pouvaient s’en sortir. Mais je ne me suis pas découragée et j’ai pris le risque car qui ne risque rien n’a rien. Aujourd’hui, mon business est toujours là et continue à exister contre vents et marées. Et chose grave, ce sont mes fonds propres, pas un seul penny de crédit », a-t-elle ajouté.
Courage
L’histoire fantastique d’Alice démontre le courage et la braverie des femmes africaines qui défient les traditions des affaires, lesquelles semblent écrites noir sur blanc que certains domaines ne sont pas faits pour les dames. A en croire certains observateurs, l’absence des politiques adéquates visant à intégrer les femmes dans des domaines « masculinisés » pourrait être la cause de la démotivation de plusieurs femmes d’embrasser certaines professions.
« Nous les femmes d’Afrique ne serions pas dans cette situation si les gouvernements africains et les grandes compagnies de tech, par exemple, pouvaient nous soutenir à oser d’entrer dans la fosse des lions. Et les hommes ne s’approprieraient pas certains domaines, comme les TIC », a souligné Alice. « Si, d’une manière générale, le secteur des TIC est toujours considéré comme un univers masculin, c’est notamment parce que la plupart des emplois à responsabilités et à forte rémunération sont occupés par des hommes. Les recherches menées dans les pays développés comme dans les pays en développement ont fait apparaître des exemples classiques de ségrégation verticale entre les sexes, les femmes étant très représentées dans les postes TIC de niveau inférieur », a déploré l’Union internationale des télécommunications.
Percée
Fatiguées d’attendre le soutien des Etats qui peine à venir et les emplois des TIC qui restent introuvables, de nombreuses femmes en Afrique, à l’instar d’Alice, ont pris leur destin en main et se sont lancées tambour battant dans ce domaine, dans l’espoir qu’un jour il y aura la lumière au bout du tunnel. Leur entrée fracassante, parfois sans expérience, a fait qu’aujourd’hui on assiste à une percée remarquable féminine dans ce secteur, avec un nombre considérable des tech, startups prospères fondées par les femmes. Un rapport de Partech Africa publié en mars 2022 a révélé que les startups fondées par des femmes ont reçu 834 millions US ou 16% du financement total par actions en 2021, soit une augmentation de 284% par rapport en 2020. Les nigérianes ont pris la tête du classement, suivies par les sud-africaines, les égyptiennes et enfin les kenyanes.