Le Conseil des investisseurs privés au Bénin (CIPB) mène d’importantes d’actions depuis sa création en 2003 pour le développement des entreprises béninoises. La dernière action est le séminaire que le CIPB a organisé du 05 au 07 en janvier 2022 en collaboration avec la Direction générale des impôts (DGI), un séminaire sur le thème : » quelles réformes fiscales pour accroître la compétitivité des entreprises ». Dans cet entretien, Roland Riboux, président du CIPB aborde les réformes mises en œuvre pour améliorer davantage le climat des affaires au Bénin et pour un développement durable et inclusif.
L’économiste du Bénin : Bonjour monsieur le président, présentez-nous le Conseil National des Investisseurs privés au Bénin.
Roland Riboux, président du CIPB : Le Conseil des investisseurs privés au Bénin (CIPB) est une association fondée en décembre 2002 par un groupe d’entrepreneurs ayant investi de façon significative au Bénin, tous conscients de la nécessité de s’appliquer davantage dans l’avenir du pays où ils sont installés. Il regroupe aujourd’hui, une cinquantaine de grandes entreprises qui ont décidé d’unir leurs expériences, leurs compétences et leur poids économique pour influer de façon concertée sur l’environnement dans lequel elles évoluent. Le CIPB rassemble tous les métiers et tous les secteurs d’activité. Dénué de toute ambition politique, il défend une vision à long terme de l’entreprise, créatrice de richesses, vecteur essentiel de croissance, d’emplois et de réduction de la pauvreté. Cercle de réflexions, d’échanges, d’analyses et de propositions, le CIPB est un interlocuteur reconnu des instances nationales de décision sur les questions d’orientations économiques, fiscales et sociales du Bénin. Les objectifs du CIPB sont en étroit rapport avec l’activité et les préoccupations des membres ainsi que l’environnement des affaires au Bénin. Il s’agit de la promotion de la bonne gouvernance, l’adaptation des ressources humaines au monde du travail ; la réforme de la fiscalité avec un accent sur le secteur de l’informel ; la réforme de la justice ; l’optimisation des ressources locales ; apporter à l’Etat la vision du secteur privé pour promouvoir un espace favorable à l’investissement et à l’emploi.
Que fait concrètement le CIPB pour l’amélioration du climat des affaires au Bénin?
Le CIPB mène beaucoup d’actions depuis sa création pour l’amélioration du climat des affaires. A titre d’exemple, en matière de justice commerciale, les assesseurs qui n’existaient plus dans les tribunaux, nous avons travaillé pour ranimer le système judiciaire des assesseurs. Nous avons fait le nécessaire pour que les assesseurs soient nommés par les syndicats et par le patronat. La chose la plus importante, c’est qu’en 2016, nous avons créé un cadre de concertation et nous avons dans le même temps fait un lobbying intense à l’égard de l’Assemblée nationale pour parvenir à faire la démarcation entre droits et intérêts pour les dommages et intérêts en matière de licenciement dit abusif. Cela a été introduit au Parlement au temps du dernier mandat du président Yayi Boni, mais mis en œuvre par le président Patrice Talon, qui d’ailleurs a ajouté des mesures pour rendre plus flexibles les contrats de travail. Après, nous avons essentiellement soutenu le tribunal de commerce de Cotonou qui a été créé en décembre 2017. Puis à la suite, notre coopération s’est concrétisée par trois séminaires annuels qui se sont tenus à la fin de chaque année, 2019, 2020 et 2021.
Le premier séminaire concernait essentiellement le tribunal de première instance de Commerce de Cotonou et a porté sur : « Quelles réformes fiscales pour accroître la compétitivité des entreprises ?». Le deuxième était axé sur « le recouvrement des créances bancaires et la réalisation des sûretés immobilières ». Le troisième a porté sur « la protection du bail commercial à l’épreuve du non-paiement des loyers et la réalisation des garanties immobilières ».
Monsieur le président, que direz-vous du partenariat secteur public-privé ?
Le partenariat secteur public-privé est le cœur des efforts du CIPB. Puisque, essentiellement, nous réfléchissons sur un sujet et ensuite nous nous efforçons de le porter à la connaissance des autorités le plus souvent par l’intermédiaire de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Bénin et le Conseil National du Patronat du Bénin. Et si vous regardez bien, nous avons créé un cadre de concertation sur la fiscalité qui rassemble toutes les entités du secteur privé, les ordres, la Chambre de commerce et d’industrie du Bénin, le patronat dans le but d’entretenir un dialogue avec le secteur public au travers du cadre de concertation. La même chose a été faite en matière de justice commerciale où a été mis en place un cadre de concertation avec le ministère de la Justice. Comme le ministre est présent y compris la plupart des membres importants du ministère et tous les magistrats qui sont là, cela permet effectivement d’avoir un véritable partenariat. Notre objectif, c’est que le partenariat s’étende à d’autres sujets puisque nous pensons que nous pouvons apporter beaucoup pour le secteur public, notre point de vue étant utile sur différents sujets. Donnons quelques exemples : sur le commerce, c’est important pour le contrôle sanitaire, c’est important pour éviter la concurrence déloyale entre les produits du Bénin de qualité et ceux importés de mauvaise qualité. Nous souhaitons développer le dialogue sur des sujets importants que sont l’énergie, le numérique et la formation professionnelle. Pour nous, le partenariat public-privé, c’est quelque chose de fondamental.
Un nouveau Code général des impôts a été adopté dont vous avez connaissance du contenu. Quelles sont les observations que le CIPB fait sur le nouveau Code des impôts ?
C’était attendu puisque l’ancien code était une compilation faite par addition des lois de finances avec des articles qui parfois se chevauchaient ou même qui pouvaient se contredire. On a un code tout neuf où il n’y a plus de contradictions. Nous trouvons important qu’il y ait eu un grand travail fait par la Direction Générale des Impôts, dans le but de clarifier les choses et de réduire les ambigüités pour que, lors des contrôles en particulier, il y ait moins de problèmes dans l’interprétation des textes.
Dans le Programme d’actions du gouvernement (PAG 2021-2026), une part de 52% est réservée au secteur privé. Que compte faire le CIPB pour cette opportunité offerte aux investisseurs ?
Nous sommes bien conscients que les investissements étrangers peuvent être attirés par les différentes actions que le gouvernement mène actuellement. La lutte acharnée contre la corruption, l’effort très important de numérisation non seulement au niveau de la Direction générale des Impôts, mais aussi sur l’ensemble des formalités, sont là pour intéresser les investisseurs étrangers ; le fait qu’en une journée il peut remettre ses documents et faire l’enregistrement de sa société, est très important. L’existence de l’Apiex et du ministre chargé de l’investissement sont des éléments favorables. Mais une fois que l’investisseur a décidé d’investir au Bénin et a enregistré sa société, c’est là tout le champ qui s’ouvre pour le CIPB d’introduire un dialogue avec le secteur public sur tous les nombreux éléments. Parmi ces éléments on peut citer l’énergie dont on a parlé, le numérique aussi parce qu’il faut faire en sorte que la connexion soit parfaite et que la bande passante soit suffisante pour tous. Il y a aussi la formation professionnelle parce que le personnel doit se former pour l’investisseur qui arrive. Il y a aussi l’ensemble des formalités diverses, l’intervention de l’agence de l’environnement, des ministères dont le ministère de l’industrie et du commerce par exemple. Il faut s’assurer que tout ceci soit en mesure de répondre aux attentes. La qualité est un point important puisque l’investisseur qui arrive peut craindre la concurrence déloyale, s’il n’y a pas les contrôles adéquats. Nous devrons prendre en compte ces problèmes pour rassurer et attirer l’investissement, qu’il soit béninois ou étranger.
J’ai, d’ailleurs, à titre privé, créé un cabinet de conseils qui s’appelle Iridium Consulting, dont le but est d’accompagner l’investisseur étranger tout au long de ses démarches et de sa vie dans l’environnement béninois que ce soit dans la création de la société, l’érection de l’usine le cas échéant ; à la maîtrise du marché, des produits, etc. Voilà le champ qui s’offre à nous pour réussir le défi que lance le gouvernement pour le secteur privé. Nous devons, en tant que CIPB, être toujours là quand le gouvernement nous posera des questions et faire en sorte qu’il ait en face de lui des gens qui ne sont pas intéressés par de petits profits immédiats pour l’affaire qui est en cours, mais des gens qui ont une vision à long terme, en droite ligne avec la vision du chef de l’Etat.
Les travaux de construction de la Zone économique de Glo-Djigbé Zè évoluent à grands pas. Votre appréciation de cette zone pour la transformation industrielle des produits béninois.
J’ai visité récemment la zone et cela fait la deuxième fois. J’ai constaté que les travaux avancent très vite et l’échéance de mars-Avril pour la première tranche des 400 hectares sera respectée. Ceci est tout à fait intéressant et le nombre d’entités qui ont un intérêt est impressionnant parce qu’on est à plus de 20 déjà, chacune représentant des usines importantes. Ma petite structure de conseils (Iridium Consulting) entend rencontrer les responsables de ces usines du fait de mes 25 ans d’expériences acquises à la direction de Fludor Bénin, pour voir avec elles, quels sont les premiers problèmes à anticiper de façon à ce que les entreprises soient des modèles pour les futures entreprises qui vont venir et s’interrogeront sur ce qui s’est passé avec le premier groupe. C’est extrêmement important aussi bien pour le gouvernement que pour nous qu’il y ait une complète réussite sur cette première phase, d’autant que les défis à relever sont importants. La zone s’engage à fournir l’énergie et sera capable de fournir des matières premières pour les sociétés qui s’y installeront, donc nous sommes-là pour soutenir le gouvernement, soutenir la société qui gère la zone pour que tout se passe pour le mieux, pour que cette zone spéciale économique soit un modèle pour la sous-région et pour les autres zones économiques qui existent et qui se multiplient en Afrique du Centre et en Afrique de l’Ouest.
Quelle est votre appréciation du retour et de l’exposition des trésors royaux qui se déroule actuellement ?
Je dirai d’abord que c’est une grande victoire pour le président Talon qui est arrivé à impressionner le président Macron au point de lui faire piétiner les règles juridiques les plus solides en ce qui concerne les œuvres d’art qui étaient en France. C’est une grande victoire diplomatique pour le président Talon. C’est aussi une grosse responsabilité en ce qui concerne ces œuvres. Pour nous, ce sont des fétiches royaux, des symboles importants et il ne faut pas oublier la partie sacrée de ces œuvres d’art et ce que cela représente. La deuxième chose qui est aussi importante, c’est que ces œuvres étaient conservées dans des conditions absolument parfaites avec un personnel autour de ces œuvres complètement formé. J’espère qu’au-delà de l’aspect festif, évènementiel du retour de ces œuvres, il y ait un travail, que les Béninois soient formés et que la relève par nos propres citoyens soit assurée.
Que direz-vous pour conclure cet entretien ?
C’est que nous sommes très contents d’avoir pu assister à la présentation officielle du PAG 2 qui, pour nous, est une boussole à partir de laquelle on pourra savoir quels sont les projets sur lesquels on doit se concentrer sans que cela ne soit limitatif. Après la présentation, il ne nous reste qu’à retrousser nos manches.
Interview réalisée par Abdul Wahab ADO