Gros importateur de produits mobiliers en raison du confort qu’ils offrent, le Bénin voit émerger depuis peu des initiatives de productions locales de meubles, notamment de cuisine de haut standing. Toute première et toute nouvelle dans ce secteur, l’usine de production « Kuizina », avec des équipements modernes, se fait déjà désirer au niveau national tout comme régional. Incursion dans ce monde de jeunes passionés de la grandeur.
Sylvestre TCHOMAKOU
La jeunesse béninoise, outre l’intelligence artificielle dans laquelle elle se révèle au monde grâce aux start-ups créés çà et là, en matière d’industrie de meubles de cuisine, elle se porte au grand jour. Meubles hauts de cuisine pour ranger de nombreux ustensiles ou denrées alimentaires ; meubles bas de cuisine équipés de tiroirs ultra-profonds pour y ranger les casseroles ou les plaques de cuisson ; meubles d’angles de cuisine équipés d’étagères coulissantes pour gagner en espace de rangement et pour pouvoir accéder aux plats et aux ustensiles plus facilement. Ce sont entre autres, les œuvres que concrétise sur le sol béninois, et ce, depuis 2019, l’entreprise « Kuizina » qui, apprend son promoteur, Mouhaemine Adéchokan, est un investissement de plus de la centaine de millions de francs cfa sur fonds propre. Concevant les meubles de cuisine comme un art moins connu au Bénin, « Kuizina » ambitionne de modeler le bois béninois et d’amener de milliers d’autres jeunes à faire autant. Cette vision ne s’éloigne pas d’elle, même si pour son début, les matières premières viennent d’ailleurs. Si, à côté des meubles de salon régulièrement importés au Bénin, la start-up a fait l’option de s’investir au prime abord dans les meubles de cuisine, l’objectif est d’être leader dans un domaine pas assez envahi en Afrique. C’est pourquoi, clame Mouhaemine Adéchokan, « il faut que le monde sache que « IKEA », c’est pour les occidentaux mais, « Kuizina », c’est une société béninoise pour les africains ».
Au-delà de « l’art » de cuisine…
L’ambition gigantesque de « Kuizina » avec à sa tête Mouhaemine Adéchokan, ne se limite pas aux meubles de cuisine. Elle s’étend, d’ici cinq (05) ans, aussi bien à la fabrication de contreplaqués qu’à la production de meubles de salon de tout genre. Tout ceci avec des bois obtenus au Bénin et en Afrique. Mieux, « le projet Kuizina c’est aussi un centre de formation dans le domaine du bois », détaille son promoteur au détour d’une visite effectuée sur le site de production. Ces formations qui devront démarrer à l’horizon 2025 sont spécialement dédiées à ceux qui sont passionnés du bois et qui veulent apprendre à le façonner en de produits finis. Pour ce faire, l’entreprise entend accorder des bourses d’études chinoises de deux (02) à six (06) mois, voire un an à ses futurs apprenants afin qu’ils puissent s’installer à leur propre compte ou travailler pour elle.
Dans un Bénin pas très consommateur
Bien que fière d’être arrivé à s’inscrire dans un domaine presque tout neuf au Bénin, « Kuizina » entreprise, en ce qui concerne son marché d’écoulement, n’est pas fière du Bénin. Pour cause, pendant que les clients des pays tels que la Côte-d’Ivoire, le Nigéria sont grands demandeurs des œuvres de cette industrie « made in Benin », les béninois s’y intéressent le moins. A l’exception des Hommes ayant une part de la culture occidentale ou encore ceux de la haute classe sociale qui y passent pour faire leur commande. C’est ce qui conforte d’ailleurs cette jeune structure à ne point se tourner vers les banques ou les institutions financières de la place, en raison de leur caractère trop commercial. « Les banques au Bénin sont beaucoup plus des banques commerciales. Elles préfèrent accompagner ceux qui sont dans l’achat et la vente. En 2017 j’étais allé vers une banque et, le retour n’était pas bon. Ne voulant pas perdre mon temps, j’ai développé mes idées. Ce qui m’a permis de lancer Kuizina. », témoigne le jeune ingénieur de bois, la vingtaine. La proximité avec le peuple africain, la qualité et le coût des confections faisant partie des atouts, l’ambition africaine de Kuizina sera d’autant plus porteuse. Car, le moyen de toucher plusieurs pays existe déjà.
Entretien avec Mouhaemine Adéchokan, Promoteur de Kuizina
« Mon objectif est que Kuizina soit le IKEA africain »
Devenant un refrain dans les discours des gouvernants, comme étant un des chemins pour dérouter le chômage galopant, l’entrepreneuriat se trouve davantage investit par la jeunesse africaine, pour ne dire celle béninoise. Revenu au Bénin après avoir fait le tour de la Chine et de l’Europe, Mohaemine Adéchokan, ingénieur en production de meubles modernes proposent depuis 2019, des meubles de cuisine « made in Benin » qui renferment qualité et réalités africaines. Un moyen de contribuer à la limitation des imports dans lequel nombre de pays africains sont réputés. Ici, il donne plus de détails sur ce rêve qu’il veut plus grand.
Pouvez-vous vous présentez et nous parler de votre entreprise ?
Je suis Mouhaemine Adéchokan, je suis un ingénieur technique en production des meubles modernes. Déjà, le bois, je l’ai commencé depuis le Bénin dans un collège technique. Avant, c’était le Collège d’enseignement technique d’Inan. Aujourd’hui, c’est devenu lycée technique d’Inan. Après mes études au Bénin, je suis allé en Chine où j’ai continué dans le domaine du bois en me faisant former dans une école d’ingénieurie de bois. J’ai une licence et un master dans le domaine. Après ça, j’ai travaillé à IKEA, une société Suédoise. Ils sont le numéro 1 mondialement reconnu dans les meubles modernes. J’ai également travaillé dans une société française, SCHMIDT cuisine, une société basée en Chine. Ils sont le numéro 1 dans les meubles de cuisine en France. J’ai donc travaillé là-bas dans la production technique puis en qualité d’assistant du directeur de production. A IKEA, j’ai été concepteur et, j’avais des équipes que je dirigeais. Le projet Kuizina c’est un grand projet. On a commencé le prototype de notre projet par notre industrie de meubles de cuisine au Bénin. Beaucoup me posent la question « qu’est-ce qui t’a amené vers les meubles de cuisine? ». C’est en Chine que j’ai connu les meubles de cuisine et, je me suis dit que c’est un bon domaine. En Afrique, spécialement au Bénin, ce n’est pas développé. Quand on construit, on préfère disposer des briques dans nos cuisines pour servir de meubles. Aussi l’espace de cuisine est bien restreint. Or, dans les autres pays, ils accordent de l’importance à la cuisine. Je me suis donc dit pourquoi ne pas changer la manière de voir des béninois parce que, je vois aujourd’hui beaucoup de personnes importer des meubles de cuisine de l’Europe, de l’Asie. Alors que nous-mêmes, on peut le faire chez nous. Il faut oser faire une production locale même si le début n’est pas encore ça, on va s’améliorer. Parce que les autres qui sont aujourd’hui leaders mondialement, ils ont commencé par là.
Alors dites-nous, comment avez-vous pu mobiliser les moyens pour en être à cette étape ?
[Sourire]. Kuizina, c’est un rêve depuis près de 5 ans. Je l’ai rêvé et je me suis tout le temps dit qu’il faut que je fasse cela. Mes moyens, c’est déjà que j’ai eu à travailler dans de grandes entreprises et, j’ai fait des économies pendant 5 ans. J’ai eu à faire beaucoup de choses. Quand j’étais en Chine, quand bien-même j’avais mon travail, j’étais aussi consultant dans le commerce. J’aidais les bonnes dames à faire des achats et, d’autres à faire des devis dans différents domaines. Toutes ces économies rassemblées pendant 5 ans, je me trouvais en mesure de lancer le projet. C’est le fruit de tout un processus.
Quel est aujourd’hui le lien que vous avez avec les différentes entreprises où vous aviez travaillé?
Nous avons de très bonnes relations. La belle preuve, mon Chef de production, un Franco-chinois, quand je lui ai parlé de ma réalisation au pays, il était bien super content et, il a promis de visiter notre site pour apporter son expertise au projet.
A la différence des meubles régulièrement importés au Bénin, qu’est-ce-qui fait l’originalité des meubles fabriqués par Kuizina?
Contrairement à ce que les gens importent, nous tenons compte de nos réalités en Afrique. Les meubles sont fabriqués au Bénin. Nos matières premières sont certes importées en partie mais, on accorde une grande priorité à nos réalités africaines. Les panneaux qu’on utilise à Kuizina, ce sont des panneaux hydrofuges, c’est-à-dire des panneaux qui résistent à l’eau. Nous utilisons des matières inoxydables. On a beaucoup misé sur la qualité de nos matériaux, contrairement aux meubles importés. En exemple, le français qui veut fabriquer ses meubles tiendra compte du degré de température et du climat dans son milieu. Ce qui peut faire qu’arriver en Afrique, les meubles en question vont vite se gâter.
Vous disiez précédemment que vous importez les matières premières intervenant dans la fabrication de vos œuvres. Est-ce à dire que le bois est importé ?
Les panneaux qui interviennent dans ce cadre sont importés. Mais il y un accent. Il y a des analyses qu’on fait sur ces panneaux parce qu’il y a certaines de ses composantes que notre entreprise Kuizina même réalise. On donne les résultats aux fournisseurs et, ils fabriquent la commande en fonction de ce que nous voulons. À la longue, Kuizina aussi fabriquera ces panneaux sur place avec des bois béninois. Cela demande un investissement gigantesque.
Comment fonctionne le marché d’écoulement à l’interne comme à l’externe ?
Le Bénin n’est pas vraiment un grand marché. On n’a pas trop de consommateurs au pays. En plus, beaucoup de béninois ne comprennent pas encore que les meubles de cuisine sont un art. On a du mal à écouler nos produits surtout au Bénin. Parlant des pays qui demandent de temps en temps nos produits, on a la Côte d’ivoire. Les ivoiriens demandent même qu’on ait une usine de production sur place dans leur pays parce qu’ils apprécient beaucoup nos confections. A part ce pays, nous avons le Nigéria et le Mali, principalement. Les autres pays de la sous-région sont en train de leur emboîter petitement les pas.
Comment voyez-vous l’avenir de Kuizina?
Dans cinq (05) ou dix (10) ans, mon objectif est que Kuizina soit le IKEA africain, comme la société Suédoise est pour l’occident. Tel qu’on colle l’étiquette d’IKEA à l’Europe, je veux aussi que quand on parle de Kuizina, on pense à l’Afrique, pas au Bénin seulement. Il faut que le monde sache que IKEA, c’est pour les occidentaux mais Kuizina, c’est une société béninoise mais pour les africains.
Un appel à l’endroit de ces milliers de jeunes qui ont des projets mais, n’arrivent pas à les concrétiser ?
Pour mes frères et sœurs, je leur dirai que la formation vient en premier. Il faut se faire former théoriquement et aussi pratiquement car, il ne sert à rien d’avoir les diplômes sans l’expérience. C’est la première clé. Après s’être fait formé, il faut développer sa capacité sans rien attendre de qui que ce soit. Vous devez vous dire que vous devez y arriver. Ce n’est écrit nulle part que les banques doivent nécessairement vous aider. Donc si vous avez un rêve, il faut concrétiser ce rêve en commençant déjà par réunir les moyens nécessaires. Il faut beaucoup faire d’économie. Il y a plein de jeunes aujourd’hui qui ont de projets bien réalistes et réalisables. Mais faute de moyens, les projets sont toujours sur papier. J’appelle nos dirigeants à réellement penser à la jeunesse. Il faut certes, financer les PME-PMI, mais il est toujours bon de voir l’effort qu’a déjà fait l’entrepreneur lui-même. Quelq’un qui a déjà fait les 30% de son projet, il faut l’accompagner. J’appelle également les parents, les frères et sœurs à soutenir ceux qui s’engagent car, même si la contribution n’est pas grande, elle est significative. Cela encourage. À nous mêmes jeunes, on doit s’entraider. Ça ne sert à rien d’attendre le gouvernement alors qu’on va dépenser en boîte de nuit. Il faut penser « business ». Il faut penser « développement ». Il faut qu’on pense à être un groupe de jeunes Leaders comme les chinois qui commencent ensemble et grandissent ensemble.