Le monde entier ploie sous le joug du virus du Covid-19. Pendant que les scientifiques travaillent à lui trouver un remède, les spécialistes des questions économiques s’appesantissent sur les conséquences de ce virus dans l’économie mondiale. A travers une tribune libre parvenue à notre rédaction, docteur François Kouadio renseigne sur les impacts du coronavirus sur les plans économique et humanitaire. Lire ci-dessous, l’intégralité de ladite tribune libre.
Tribune libre de docteur François Kouadio
Le début de l’épidémie, transformée en une pandémie, date de décembre 2019 dans la ville chinoise de Wuhan. Selon l’OMS et à l’échelle mondiale, le Coronavirus, de son nom scientifique Covid-19, a déjà infecté à la mi-mars 2020, plus de 300.000 personnes et tué plus de 7.800 malades suite à cette infection. Les premiers cas recensés en Afrique sont des personnes venant hors du continent africain, de l’Europe notamment.
C’est en Février 2020 que le Ministère de la santé de l’Egypte a annoncé que le Coronavirus a fait son entrée dans son pays : c’est la première infection constatée en Afrique. Selon diverses sources concordantes dont l’organisation Mondiale de la santé (OMS), 200 personnes ont déjà été contaminées en Afrique. Ce chiffre est en augmentation au jour le jour.
Ces données varient constamment : le Sénégal qui avait enregistré 1 contamination et qui s’est étendue à cinq (05) autres personnes était alors considéré comme le pays le plus atteint en Afrique. Depuis le 13 mars 2020, on note, selon les mêmes sources, 21 contaminations pour le Sénégal contre 67 pour l’Egypte.
Face à la multiplication des foyers de contamination, 32 pays touchés, le continent africain est en état d’alerte : le Sénégal invite les Africains à coordonner leurs actions de lutte contre la pandémie.
Mais les pays africains répondent diversement à la multiplication des foyers de contamination. Car, il s’agit de réduire les chances de transmission du virus, vu que les premiers cas en Afrique sont importés. Le continent africain s’apprête ainsi à faire face à une nouvelle menace d’infection, quatre ans après l’épidémie d’Ebola qui persiste par des foyers en RDC. Selon la banque mondiale, dans son rapport annuel 2016, trois pays africains : Guinée, Sierra Léone, Libéria, frappés par la pandémie Ebola ont supporté un coût humain économique de plus de 11.300 morts et 2,8 milliards de dollars, pertes en PIB. La vigilance doit conduire les pays de l’Union Africaine (UA), à demeurer dans une position de veille politique et médicale, vu la faible capacité du système de santé de chaque Etat à faire face à une forte multiplication de la contagion. Il semble toutefois que, les perspectives d’une forte contamination en Afrique est faible.
Selon diverses sources scientifiques le virus est dangereux à une température de 0 à 20° : quand ça dépasse 20° ; l’existence du virus est menacée et, à plus de 40°-50°, la possibilité de transmission est très mince, ce qui est une bonne nouvelle pour tous les pays africains, d’un climat chaud. Mais certains experts et scientifiques réservés, indiquent que cette information est une « infox » et relativisent aussi l’efficacité du confinement. On annonce aux Etats-Unis l’espoir d’un vaccin mais qui ne sera pas prêt avant 12 à 18 mois. L’épidémie du syndrome respiratoire aigüe sévère (SRAS) avait fait 299 morts en 2002-2003. L’intrusion en chine du Coronavirus en 2019 place désormais l’économie mondiale dans une fragilité de croissance. Le PIB chinois représente environ le 1/5 du PIB mondial et la Chine 2ème économie mondiale, entretient multiples relations avec le reste du monde dont l’Afrique. La prévision de perte en 2020 pour l’économie mondiale, selon la CNUCED, relayée par l’Economiste du Bénin, N°1617, 13 mars 2020, se monte à environ 1000 milliards de dollars.
Les conséquences du Coronavirus
Le Fonds Monétaire International s’inquiète des conséquences du Coronavirus. Selon la Directrice Générale du FMI, Madame Georgieva, l’économie chinoise du fait de l’effet négatif de ce virus, « la croissance chinoise s’établirait à 5,6%, en baisse de 0,4 point ». Cette situation imprévisible impacte négativement l’économie chinoise, notamment « la performance des PME chinoises dont seulement 30% ont repris leur activité ». Le FMI estime que « la croissance globale (mondiale) pourrait chuter de 0,1 point et s’établir à 3,2% ». Considérant que le virus Covid-19, une urgence sanitaire mondiale, perturbe l’activité économique en Chine et, pourrait mettre en péril la reprise économique mondiale. La réduction des importations de pétrole de la Chine associée à un prix du baril en forte baisse vont perturber les prévisions de croissance des pays africains exportateurs de pétrole, ayant le pétrole comme principales recettes d’exportation, notamment l’Algérie, l’Angola… le Nigéria. Lagos a enregistré un taux de croissance de 2,27% en 2019. C’est la plus forte croissance que le Nigéria, 1ère puissance économique d’Afrique, réalise depuis la récession de 2016. En outre, le Coronavirus retarde l’achèvement du chemin de fer Lagos-Ibadan construit par la Chine, indique le Ministère nigérian des transports Rotimi Amaechi, l’échéance de livraison de mai 2020 sera improbable. De même diversement ressentiront les pays (Sénégal, Maroc, Tunisie, Egypte…) de destination touristique, vu que les perspectives de croissance de la Chine s’affaiblissent et que les voyages internationaux diminuent, d’un continent à l’autre et, en particulier à destination et en provenance de la Chine, même de certains pays africains engagés dans la lutte contre l’infection du Coronavirus. Dans un tel environnement économique et social, la Banque Africaine de Développement (BAD), oserait-elle maintenir ses perspectives économiques en Afrique pour une croissance de 3,9% en 2020 et 4,1% en 2021, ayant sous-estimé l’effet négatif du Coronavirus dans l’ajustement de ses prévisions ?
Mettons en exergue certains pays et organismes
- La grande Bretagne se singularise : pas de mesure particulière malgré l’existence de 21 décès. Toutefois des mesures de protection sont attendues, une forme d’harmonisation avec l’Europe.
- France : La Tour Eiffel, le musée du Louvre, le plus visité au monde ; plusieurs festivals sont fermés. Le Président français, Emmanuel Macron, a annoncé la fermeture dès le lundi 16 mars 2020, des crèches, des écoles, des lycées et des universités jusqu’à nouvel ordre.
Selon l’OCDE la croissance française devrait tomber à 0,9% en 2020 soit une baisse de 0,3 point sur les prévisions françaises. Le Ministère de l’économie, Bruno Le Maire, reconnait un impact « beaucoup plus significatif », alors que Paris tablait sur une croissance de 1,1% en 2020.
- Bénin : les relations Bénin-Chine, concernent plusieurs secteurs dont les infrastructures, la santé, l’agriculture, l’énergie. Cependant, le ralentissement des activités en chine pourrait avoir un impact plus visible sur les entreprises commerciales, les commerçants des produits made in china, notamment les téléphones mobiles et d’autres produits technologiques.
En effet, ces opérateurs approvisionnent leur commerce par leurs stocks, pour ceux qui maitrisent la gestion des stocks, par conséquent avaient prévu un stock-outil, en liaison avec leurs ventes.
- Espagne : plus de 4000 cas d’infection, le pays est en état d’alerte, seules les pharmacies sont ouvertes. Le congrès mondial de la téléphonie mobile (MWC) qui devait ouvrir ses porte le 24 février 2020, à Barcelone n’a pas eu lieu à cause de la pandémie du Coronavirus : les pertes sont estimées à 323 milliards FCFA, environ 492 millions d’Euros, non compris les effets indirects sur les chauffeurs de taxis, les intérimaires qui se retrouvent sans emploi.
- IATA : L’International Air Transport Association, a indiqué que la pandémie du Coronavirus va entrainer une perte d’environ 40 millions de dollars aux compagnies aériennes africaines, s’exprimant le 4 mars 2020 à Addis-Abeba, en marge d’une conférence aéronautique, l’envoyé spécial de l’IATA, monsieur Raphael KUUCHI.
- Union Européenne : les secteurs du tourisme et du luxe se voient privés de leurs clients chinois, une perte évaluée à 1 milliard d’euros, par mois, à l’échelle européenne, par le commissaire européen, Thierry Breton.
Selon le FMI, la situation est préoccupante : « le poids de la Chine dans l’économie mondiale était passé de 8% lors du Sras à 19% aujourd’hui ». Ainsi, une forme de panique gagne le monde des affaires, les experts et les Etats. En tête, les Etats-Unis, 2000 contaminés et 40 morts. Le Président Américain Trump, après avoir banalisé les effets du coronavirus, déclarait même qu’il n’a pas besoin de tests de dépistage, le locataire de la « Maison Blanche », vient désormais d’isoler les Etats-Unis du reste du monde, notamment des pays européens. C’est l’état d’urgence sanitaire. L’Italie, avec 2.500 décès, Rome met en « quarantaine » une partie du pays par rapport au reste des régions. La Belgique, c’est la fermeture stricte des restaurants, cafés…pendant plusieurs jours. Les cours sont suspendus et les consultations médicales par téléphone. Le Kenya a suspendu toutes les conférences internationales qui rapportent beaucoup de devises à Nairobi. Au Vatican, toutes les cérémonies de pâques seront sans la présence physique des Fidèles à la place Saint Pierre. Le Pape François célébrera Pâques 2020 à huis clos. Il sera vu à la télévision et sur internet.
Le secteur sportif en souffre aussi avec ses structures dites économie de sport en sous-activité. Les matches éliminatoires de la coupe d’Afrique (CAN) 2021, sont suspendus, en liaison avec la suspension des championnats européens, de l’Euro.
L’Arabie Saoudite a suspendu toute opération pour la Mecque, le Hadj, cependant que ces financements sont déjà supportés par certains fidèles musulmans, dans le seul espoir qu’ils puissent effectuer le voyage et dans un faible espoir de se faire rembourser par les opérateurs de chaque pays ou l’Etat concerné ? La panique des investisseurs, voire des spéculateurs, s’est propagée sur le pan international. Toute forte mesure affecte les bourses. Certains experts annoncent un début de Krach boursier, vu ce qu’on observe, la tendance baissière sur les principales places boursières du monde entier. Mais il y a plus inquiétant, l’or comme valeur de refuge de par la pratique humaine et des faits économiques et sociaux, a désormais un double rôle dans une économie mondialisée idolâtre de l’argent : l’or comme valeur de refuge en certaines situations raisonnables et valeur, indicateur, alors en baisse, et annonciateur du dérèglement du fonctionnement de l’économie mondiale. Les mécanismes d’observation économiques pertinents, alors créés et utilisés par le Professeur Jean Fourastié, pour décrire, prévoir la croissance après la seconde guerre mondiale, ce qu’il a appelé les « Trente glorieuses » deviennent inopérants dans une société de spéculation et impie qui s’ignore. Seul Dieu, le créateur de l’humanité connait l’homme. (Sainte Bible, Psaume 139).
Repenser les modèles de développement
La communauté Economique et Monétaire de l’Afrique Centrale (CEMAC) a révélé le 20 février 2020 à Douala, en ouvrant les travaux du Comité régional de l’origine, que : « les pays de la CEMAC trainent un déficit alimentaire structurel d’environ 2000 milliards FCFA par an » selon le Président de la Commission de la CEMAC, Daniel ONA ONDO. Ni les africains, par l’Union Africaine (UA) ni surtout les institutions de Bretton Woods dans leurs expertises diverses n’ont pu proposer une solution à la situation de la CEMAC, ci-dessus rappelée. Voici des faiblesses. Une étude concentrée sur 22 pays les plus pauvres, par des experts indépendants, qui semble avoir été la raison de la démission de l’Economiste en chef de la Banque Mondiale, Koujianou Goldberg, la Banque Mondiale ayant sans doute voulu censurer l’étude qui révèle que les versements d’aide « causaient » des transferts d’argent vers l’étranger. La Banque préférait plutôt : « l’aide détournée… est cohérente avec la totalité des schémas observés ». Certaines promesses par les institutions de BrettonWoods sont peu tenues et exécutées dans la rigueur qu’elles-mêmes proclament : pour le Coronavirus, l’aide qui devrait être apportée aux Etats Africains, la plus souhaitable, consiste à soutenir lesdits pays à faire face à la pandémie et à réaliser leurs programmes économiques mis en mal par le Covid-19, non des déclarations, à l’allure politique, celle commune Banque Mondiale/FMI publiée le 2 mars 2020. Même les promesses de l’occident concernant les effets négatifs du dérèglement climatique, ne sont pas tenues. Par exemple le Soudan, septième pays le plus vulnérable au changement climatique au monde « reçoit 1,33 dollar par personne et par an », selon TIM Wain Wright, directeur général de water Aid, une organisation indépendante, source Ecofin citée par l’Economiste du Bénin, N°1616, jeudi 12 mars 2020.
Bilan humain et économique
L’Afrique a supporté pour l’épidémie d’Ebola un coût humain de plus de 11.300 morts et 2,8 milliards de dollars, pertes en PIB. La pandémie de Coronavirus a fait déjà supporter au monde un coût humain de plus de 7800 morts et se profile une perte prévisionnelle d’environ 1000 milliards de dollars, en terme de perte en croissance. Il y a plus sur le plan social : le confinement général noté en Chine, dans certains pays africains, en Europe, aux Etats-Unis… Rappelons que le confinement pose un réel problème de relation familiale pour les foyers ayant en leur sein plusieurs personnes, celles-ci, en effet, ne peuvent plus être proches, la proximité est interdite.
Dans la vie, Dieu source de vie, l’homme se noie parfois dans ses difficultés, ses souffrances et son passé de pécheur. On se débat alors contre Dieu. Pourtant lui seul est capable de nous sauver de nos illusions. En premier lieu que, l’Afrique prenne conscience qu’elle doit proposer ou contribuer à une nouvelle vie, fondée sur l’amour parfait entre les hommes et, reconnaitre la présence universelle du Dieu Tout Puissant créateur de l’humanité. Le Seigneur n’a-t-il pas une explication immédiate du Coronavirus qui ébranle déjà le monde ?
François KOUADIO
Cotonou le 18 mars 2020