S’il est vrai que sa position actuelle vis-à-vis de la situation nigérienne se justifie par son ambition de se conformer à l’une des missions qu’elle s’est assignées à sa création en 1975, la Cedeao, dans ses soubresauts, s’écarte à tout jamais des aspirations des peuples. Dans un contexte de formation de bloc des alignés et des non-alignés autour de la situation du Niger, de quelle marge de manœuvre disposent encore Tinubu et Cie pour sauver le peu d’honneur qu’il reste à l’institution et éviter le chaos à la libyenne ?
Sylvestre TCHOMAKOU
Avec à sa tête le Président du Nigéria, Bola Tinubu, la Cedeao veut-elle étendre à l’Afrique de l’ouest l’expérience du chaos libyen ? Réunis en session extraordinaire le dimanche 30 juillet, les pays d’Afrique de l’ouest ont fixé un ultimatum d’une semaine au pouvoir militaire conduit par le Général Abdourahamane Tiani, chef de la garde présidentielle, pour rétablir dans ses fonctions le président déchu, Mohamed Bazoum, soulignant ne pas exclure un « recours à la force ». Le président français Emmanuel Macron a, lui, de son côté, salué « les décisions prises par les chefs d’Etat » de la Cedeao. Pour se montrer fidèle à son calendrier, l’institution sous régionale, après avoir opérationnalisé son blocus économique contre le Niger, a lancé, mercredi 02 août 2023, la réunion des chefs d’état-major des Etats membres qui va durer trois (03) jours. Ce, pour étudier la situation au Niger, et « mobiliser les troupes, les positionner et marcher sur Niamey », selon une source de premier plan de la conférence des présidents et chefs de gouvernement de l’organisation régionale citée par le média « Banouto ». Cela paraît donc plus clair que les dirigeants ouest-africains n’entendent pas négocier avec les putschistes. Mais, c’est sans compter sur la solidarité des pays voisins du Niger à l’image de l’Algérie, du Burkina Faso, du Mali et de la Mauritanie qui se sont opposés au projet de la Cedeao ; allant jusqu’à réitérer leur engagement à aider le pouvoir militaire nigérien en cas d’ingérence militaire de la Cedeao. Au vu des développements récents de la situation et des différents prises de position des pays aux côtés ou non du Niger, ne serait-il pas plus sage pour la Cedeao d’abandonner tout projet de confrontation militaire ? Au lieu de militer pour le retour au pouvoir de Mohamed Bazoum, ne devrait-elle pas s’engager dans une voie qui prévient ces bouleversements de l’ordre constitutionnel ? Peut-on parler d’isolement face à des dirigeants qui ont le soutien de leur population, même si militaires ils sont ? Eviter le profond déclin Au-delà du Niger, pays enclavé, la dynamique actuelle des Chefs d’Etat ouest-africains présente toutes les chances d’enfoncer dans une spirale destructrice la zone ouest-africaine déjà en proie aux effets de l’ingérence des puissances étrangères en Libye, en 2011. Quoiqu’opposés à la prise de pouvoir par les militaires, les Chefs d’Etats de la Cedeao devraient, pour une fois, prêter attention à la volonté populaire. Comme c’est le cas actuellement au Niger. Dans un contexte de soutien populaire au pouvoir du putschiste Abdourahamane Tiani, chef de la garde présidentielle à l’origine de la chute de Mohamed Bazoum, l’option la plus responsable qui s’offre à la Cedeao n’est autre que de se plier à la volonté du peuple nigérien, même si elle doit se montrer ferme par rapport au délai de transition. Si la Cedeao entend foncer tête baisser, les conséquences, à n’en point douter, seront lourdes pour tous les pays de la sous-région puisque son obstination face à la volonté populaire d’en découdre avec la France donnerait lieu et moult affrontements. Conséquences, les déplacés et réfugiés se multiplieront, à l’intérieur du pays et dans les pays voisins, et l’absence d’État, un peu un scénario à la libyenne offrira un terrain privilégié aux organisations criminelles, qui contrôlent des portions entières de territoire et se livrent au trafic de drogue, d’armes et de migrants dont le nombre est en constante augmentation. Pour son honneur et une certaine longévité, la Cedeao doit tendre l’oreille, écouter et se conformer à la volonté du peuple nigérien. Ce ne serait pas une défaite, mais l’accomplissement de sa mission régalienne.