Les communautés pauvres sont les véritables victimes du changement climatique car elles sont en première ligne lorsque les pluies torrentielles détruisent leurs maisons, tuent leurs familles et inondent leurs rues. En principe, elles devraient avoir un mot à dire sur la lutte contre ce fléau.
Issa SIKITI DA SILVA
« Les pauvres savent mieux ce dont ils ont besoin », a déclaré Sheela Patel, présidente de Shack/Slum Dwellers International (SDI), un réseau mondial d’organisations de pauvres en milieu urbain implantées dans 33 pays.
« Je crois qu’ils ont un intérêt sérieux dans tout investissement de développement que le monde, leur ville et leur pays doivent faire. Et pourtant, ils ont rarement l’occasion de participer à la conception ou à la livraison. Ils sont toujours traités comme des bénéficiaires », a ajouté Sheila Patel sur le site du think-tank World Resources Institute (WRI).
Quelques résidents de Cotonou ont exprimé leur mécontentement à propos de certains travaux de réfection ou de construction qui sont entrepris dans leurs quartiers sans d’abord consulter les membres de leurs communautés.
« Les gens se réveillent un petit matin et ils sont surpris de voir des tracteurs creuser leurs rues pour construire une canalisation qui devrait soi-disant servir à combattre des inondations. En soi, c’est une excellente idée mais j’aurais préféré qu’ils consultent ces gens-là parce que c’est eux qui vivent dans ce coin et savent exactement comme ces désastres naturels leur mènent la vie difficile », a martelé une femme sous couvert de l’anonymat.
Pauvres mais braves
« Même si nous sommes pauvres et manquons des moyens, nous sommes quand même braves et faisons tout pour nous en sortir de ces inondations. Nous voulons que les décideurs nous entendent et nous associent dans la prise des décisions sur la lutte contre le changement climatique, un fléau qui touche durement les pauvres », a indiqué un étudiant de l’université.
Les moyens de s’en sortir dont parle cet étudiant comprennent la construction de petits murs de sacs de sable pour empêcher l’eau d’entrer dans leurs maisons et leurs cours, tandis que d’autres creusent des petits canaux pour faire passer l’eau dans une rivière ou une grande route. Il y a aussi ceux qui jettent des briques pour servir de passage d’un point à l’autre.
Chaque année, la capitale économique du Bénin fait face à de graves problèmes d’inondations. Le président Patrice Talon l’a mentionné en passant dans son discours de décembre 2018 sur l’état de la nation, prenant l’engagement de juguler cette crise grâce au Programme d’Assainissement pluvial dont les engagements financiers sont de l’ordre de 238 milliards FCFA.
Financement de l’adaptation locale au climat
Dans plusieurs pays en développement durement touchés par le changement climatique, les communautés pauvres semblent avoir développé leurs propres techniques de survie face aux effets de ce fléau avec de petits moyens.
« Soutenir l’adaptation menée localement est un élément essentiel de l’accélération des mesures d’adaptation au niveau mondial », souligne Jessica Amiens du WRI dans un blog cette semaine.
Le financement public de l’adaptation est estimé à environ 23 milliards de dollars, tandis que son coût annuel pourrait aller de 140 à 300 milliards de dollars d’ici 2030, selon le WRI.
« C’est un grand défi, qui nécessite de travailler avec les gouvernements nationaux et locaux, les organisations de la société civile et les organismes de financement publics et internationaux. Il est essentiel de veiller à ce que le financement de l’adaptation atteigne les communautés locales et que ces dernières aient leur mot à dire sur l’utilisation et le financement de ces fonds », a-t-elle expliqué.
« Actuellement, des bureaucraties compliquées, des contraintes institutionnelles et une capacité organisationnelle limitée empêchent souvent les fonds d’adaptation de circuler vers les communautés locales », s’est-elle lamentée.