Le Bénin est à la croisée des chemins en ce qui concerne son développement économique et social dans un monde qui est en train de basculer et où toute certitude concernant l’avenir a disparu.
On est passé d’une soi-disant « mondialisation heureuse » à une mondialisation incertaine et punitive : pays occidentaux pénalisés par des décisions hasardeuses lors de la période COVID, Chine fermée puis peinant à se rouvrir, guerre en Ukraine qui semble aboutir à la reconstitution de 2 blocs qui s’observent, les pays de l’OTAN et alliés d’un côté, les BRICS de l’autre, etc.
Le Bénin doit tirer son épingle du jeu, surtout en matière énergétique, puisqu’en dernière analyse, la révolution industrielle et la croissance inouïe qui l’a suivie ont été fondées sur la disponibilité d’une énergie abondante et peu chère.
Le Bénin doit relever ce défi et j’espère pouvoir donner ici quelques pistes pour y parvenir.
LES BESOINS DU BENIN D’ICI 2040
Dans sa configuration actuelle, le réseau électrique béninois fournit 250 MW, mais il en faudrait 400 pour satisfaire les utilisateurs.
En 2040, on prévoit un besoin de presque 2000 MW

QUELLES SONT LES DIFFERENTES SOURCES D’ENERGIE EXISTANTES ?
Sources fossiles
Les énergies fossiles sont issues de combustibles primaires comme le gaz, le pétrole ou le charbon. Par leur combustion, les énergies fossiles participent à :
- la production d’électricité via les centrales thermiques à flamme (charbon et gaz) ;
- la production de chaleur via les centrales à cogénération, les chaudières à gaz, ou via la distribution directe sur le réseau de gaz national (GRDF) ;
- la production de carburants, via la transformation du pétrole brut (kérosène, fioul, butane et propane).
Sources d’énergies renouvelables
On distingue 6 sources principales d’énergies renouvelables : - L’énergie solaire produit des rayonnements (solaire photovoltaïque) et de la chaleur (solaire thermique).
- L’énergie hydraulique est issue de l’exploitation de la force de l’eau (énergie cinétique) des cours d’eau, pour créer une énergie mécanique (action d’une turbine) et enfin de fournir l’énergie électrique.
- L’énergie éolienne est issue de la force des vents (énergie cinétique) et est valorisée principalement pour produire de l’énergie électrique.
- L’énergie géothermique provient de l’exploitation de l’énergie thermique (chaleur) des sous-sols de la Terre.
- La biomasse-énergie exploite différentes matières organiques (déchets alimentaires, industriels, etc.) et végétales (bois et ses dérivés, déchets verts et agricoles, etc.) pour produire de l’énergie électrique, de la chaleur et des biocarburants
D’autres formes d’énergie, moins développées à ce jour, prennent appui sur cette gigantesque ressource que constitue l’eau de mer : - l’énergie marémotrice exploite le phénomène des marées ;
- l’énergie houlomotrice est l’énergie contenue dans le mouvement des vagues. Si plusieurs prototypes ont été créés, il n’existe pour le moment pas de centrale de production à grande échelle ;
- l’énergie maréthermique exploite la différence de température entre les eaux de surface et celles à grande profondeur. Elle est particulièrement adaptée dans les zones intertropicales ;
- la thalassothermie récupère les calories contenues dans l’eau de mer pour alimenter une pompe à chaleur produisant de la chaleur (chauffage, eau chaude sanitaire) ou du froid (climatisation) ;
- enfin, l’énergie osmotique est l’énergie dégagée lors de la rencontre entre l’eau salée et l’eau douce, grâce au phénomène d’osmose.
Ces énergies de la mer font partie, sans nul doute, des énergies de demain, aux côtés de l’hydrogène.
L’énergie nucléaire
L’énergie nucléaire est issue d’un combustible fissile, l’uranium. Pour autant, elle n’est pas considérée comme une énergie fossile, mais comme une énergie décarbonée quasiment exempte d’émissions de gaz à effet de serre.
Les centrales nucléaires suscitent de vifs débats et font face à de nombreux détracteurs concernant la matière radioactive utilisée et ses dangerosités, ainsi que sur le recyclage des déchets nucléaires produits.
Les différents types de réacteurs nucléaires classiques en service
On peut les classer en 5 grandes catégories en fonction de la nature du combustible utilisé, de la substance qui transporte la chaleur appelée caloporteur et de la substance qui ralentit les neutrons appelée modérateur :
Réacteur à eau pressurisée (ou REP)
L’eau sous pression (donc à l’état liquide) est à la fois le caloporteur et le modérateur. Le combustible utilisé est de l’uranium enrichi. Ce type de réacteur est le plus répandu dans le monde, représentant environ 55 % des réacteurs installés. C’est le modèle utilisé en France.
Réacteur à eau bouillante (ou REB)
L’eau est aussi le caloporteur, mais elle n’est plus pressurisée. Le combustible utilisé est de l’uranium enrichi.
Réacteur à eau lourde
L’eau lourde est à la fois le caloporteur (mis sous pression) et le modérateur. Le combustible utilisé est de l’uranium naturel.
Réacteur à neutrons rapides (ou RNR)
Ils n’utilisent pas de modérateur et cherchent à exploiter de façon plus complète les propriétés du combustible. Le combustible utilisé est de l’uranium enrichi ou du plutonium.
Réacteur caloporteur gaz (RCG)
L’hélium est le caloporteur. Il peut permettre la réalisation de centrales de petites tailles (de 100 à 300 MW) et peut également fonctionner avec des neutrons rapides.
Les SMR « Small Modular Reactors »
Ce sont des petits réacteurs modulaires de faible puissance, comprise généralement entre 20 et 300 MW par unité. Ils sont modulaires en ce sens qu’ils sont conçus pour être fabriquées en série en usine et assemblées ensuite sur site.
Plusieurs sont déjà en service, en particulier en Russie, dont 1 ou 2 sur des barges. On pense cependant que les différentes technologies seront parfaitement au point et utilisées en de nombreux exemplaires vers 2030.
LES OPTIONS REALISTES QUI S’OFFRENT AU BENIN
Les énergies fossiles, gaz ou pétrole
Le gaz est déjà utilisé dans notre pays, en particulier dans la centrale de Maria-Gleta.
Le pétrole peut l’être également, mais le fioul lourd (HFO) est très polluant et devra être abandonné un jour ou l’autre.
A noter que le gaz et le pétrole ont des prix qui fluctuent au gré des soubresauts de l’économie mondiale. Pour l’instant, on est à 40 F CFA/KWh pour le gaz et 48 F CFA/KWh pour le HFO.
L’hydro électricité
L’hydro électricité est plus intéressante mais limitée : avec les 2 grands barrages envisageables dans notre pays, on pourrait produire 147 MW à Adjarala et 128 MW à Dogo bis, avec une électricité bon marché à 15 F CFA/KWh ;
L’énergie solaire et autre
Le coût des panneaux solaires ne cesse de baisser. Pourtant ils ne peuvent être utilisés qu’à 30% de leur capacité et doivent être suppléés par de grosses batteries (mais le lithium n’est pas inépuisable) ; par ailleurs, il faudra donc d’autres sources (hydraulique ?) pour prendre le relais aux heures creuses.
Les autres sources potentielles d’énergie, à l’exception de l’énergie nucléaire, soit sont fortement subventionnées (dans les pays du Nord) pour ce qui est de l’éolien, car nécessitant des investissements significatifs, soit font l’objet de recherches qui n’ont pas encore abouti, comme le géothermique, qui serait très prometteur.
L’énergie nucléaire
L’énergie nucléaire, à la différence du gaz par exemple, se caractérise par un coût de d’investissement élevé et un coût du carburant faible.
L’Afrique représente un tiers de la trentaine de pays du monde qui envisagent de passer au nucléaire. L’Égypte, le Ghana, le Kenya, le Maroc, le Niger, le Nigéria et le Soudan se sont déjà engagés avec l’AIEA (l’Agence Internationale de l’Energie Atomique) pour évaluer leur degré de compatibilité avec un programme nucléaire. L’Algérie, la Tunisie, l’Ouganda et la Zambie réfléchissent également à cette option.
Les Russes, on l’a vu, produisent actuellement de petits réacteurs modulaires, d’une puissance comprise entre 150 et 300 MW, logés dans un container de 150 m de long qui peut être installé en moins d’un an.
Lors d’une récente intervention télévisée, le Dr Saïdou MADOUGOU de l’Université Abdou Moumouni de Niamey a révélé que le Cap Vert et le Rwanda venaient de commander chacun un tel réacteur modulaire.
Le Bénin serait bien avisé d’imiter leur exemple.
Bien entendu les choses ne sont pas si simples. Il y a d’abord une procédure pour obtenir l’accord de l’AIEA.
Dans le cas de grosses centrales classiques, le processus peut durer de 10 à 15 ans pour mettre le pays à niveau (y compris la création d’un environnement industriel adéquat) ; pour les réacteurs modulaires, on devrait aller beaucoup plus vite et, si des pays d’une taille comparable à celle du Bénin comme le Cap Vert et le Ruanda s’engagent sur cette voie, il est clair que nous devons nous mettre aussi vite que possible sur la ligne de départ.
NB : Ce travail n’aurait pas été possible sans l’aide précieuse du Professeur Basile KOUNOUHEWA, auquel je suis redevable de l’essentiel des informations techniques de ce document, de Cinzio BAGRI, gestionnaire de projets à la SBEE, de mon collaborateur Benoit DANDJINOU pour ses recherches sur internet et enfin de mon ami le Professeur Théophane AYI.
Mes remerciements vont également à Léonard DOSSOU, Directeur Général de l’Economiste, qui a pris l’excellente initiative d’organiser, le 27 Juillet 2023, une conférence à la CCIB sur « La problématique de l’énergie au Bénin, 63 ans après les indépendances : état des lieux, enjeux et perspectives ».
Contribution du Président du CIPB, Roland Riboux