(Un recul potentiel de 30 ans de l’Afrique sub-saharienne)
Dans une analyse publiée la semaine dernière, l’Ong Oxfam révèle que le coronavirus pourrait précipiter plus d’un demi-milliard de personnes dans la pauvreté. En absence de mesures drastiques, les régions comme l’Afrique sub-saharienne risquent de se retrouver à 30 années en arrière.
Félicienne HOUESSOU
Alors que les gouvernements mettent à l’arrêt des économies entières afin de maîtriser la propagation du coronavirus, entre 6 à 8 % de la population mondiale pourraient basculer dans la pauvreté. Selon le rapport « Le prix de la dignité » publié par l’Ong Oxfam, plus d’un demi-milliard de personnes pourrait précipiter dans la pauvreté si l’on ne prend des mesures urgentes. Hors de tout contrôle, le virus pourrait coûter la vie à plus de 40 millions de personnes. Mais la dévastation ne s’arrêtera pas là. Partout dans le monde, le virus a un énorme impact économique. Les couvre-feux et les mesures de confinement provoquent des difficultés économiques incalculables. « Tous les pays du monde connaissent un choc économique du fait de la crise du coronavirus et, tous les États doivent agir maintenant pour protéger leur population du dénuement… Si elle n’est pas maîtrisée, cette crise provoquera d’immenses souffrances du fait de l’exploitation des inégalités extrêmes entre personnes riches et pauvres, entre nations riches et pauvres, et entre hommes et femmes», indique les experts d’Oxfam. Ainsi, à quelques jours des réunions décisives, qui auront lieu la semaine prochaine, entre la Banque mondiale et le Fonds monétaire international (FMI) d’une part et, entre les ministres des Finances du G20, l’organisation appelle les dirigeants du monde à s’offrir un plan inclusif de sauvetage économique. « Les dirigeants des pays du G20 et d’autres États devront prendre des mesures immédiates à même d’atténuer considérablement les impacts économiques et, fournir une aide directe aux populations lourdement touchées par cette crise. Oxfam appelle à la mise en place d’un Plan de sauvetage économique universel », précise le rapport.
Les pays pauvres dans le pétrin
Dans des pays comme le Kenya et le Cambodge, des dizaines de milliers d’ouvriers et ouvrières industriels et agricoles sont renvoyés à la maison. Les travailleuses, plus nombreuses dans les emplois informels et précaires, comptent parmi les personnes les plus durement touchées. L’Ong Oxfam estime que les pertes de revenus pour la main-d’œuvre pourraient atteindre 3 400 milliards de dollars. « Cela constitue un recul potentiel de dix ans pour la lutte contre la pauvreté, voire de 30 ans dans certaines régions comme l’Afrique sub-saharienne, le Moyen-Orient et l’Afrique du Nord », révèle l’organisation, soulignant que plus de la moitié de la population mondiale pourrait vivre sous le seuil de la pauvreté après la pandémie. Les pays en développement, déjà affectés par la mauvaise gouvernance, la corruption, l’absence de soins de santé universels, l’absence de protection sous la forme de transferts monétaires et inaction face aux inégalités criantes, face à une telle crise, risquent de perdre des millions de personnes. « Les retombées économiques dévastatrices de la pandémie se font ressentir partout dans le monde. Mais les populations des pays pauvres, qui peinent déjà à survivre avec des emplois précaires peu rémunérés, ne peuvent compter sur presque aucun filet de sécurité pour ne pas sombrer dans la pauvreté », a déclaré le directeur par intérim d’Oxfam International, Jose Maria Vera. L’Ong appelle à mettre en place un « Plan de sauvetage économique pour toutes et tous » afin de soutenir les pays et les communautés pauvres. Un programme qui fournirait, dans les pays pauvres, des subventions en espèces aux personnes ayant perdu leurs sources de revenu et de renflouement des petites entreprises.
Le Plan de sauvetage économique pour toutes et tous
Le Plan de sauvetage économique universel proposé par Oxfam s’articulerait autour de six mesures, à savoir : accorder des subventions en espèces à tous ceux et toutes celles qui en ont besoin ; renflouer les entreprises de manière responsable ; suspendre et annuler les dettes ; utiliser la création monétaire du FMI et de la BCE ; hausse immédiate de l’aide ; mise en place en urgence d’impôts de solidarité. « Cette situation n’est pas une fatalité. Nous pouvons reconstruire un monde meilleur. Un monde plus juste. Un monde plus durable. Un monde qui réduit radicalement l’écart entre les riches et les pauvres. Un monde dans lequel la vie de nos enfants et des futures générations n’est pas menacée. Un monde dans lequel les plus riches paient leur juste part d’impôt pour contribuer à des solutions collectives face aux grands défis de l’humanité. Un monde dans lequel les gouvernements sont tenus de rendre des comptes aux citoyennes et citoyens. Un tel monde demande impérativement des soins de santé et une protection sociale universels. Mais au-delà de ça, ce monde doit nous donner les moyens d’agir pour mettre un terme au dérèglement climatique. Ensemble, nous pouvons nous servir des leçons que nous retiendrons de cette crise afin de construire une économie plus humaine et un monde plus juste », a conclure L’Ong Oxfam. Les gouvernements ont le pouvoir et la responsabilité d’agir et d’initier de profonds changements avec l’aide des divers organismes partenaires.