Le coup de force au Niger est sans aucun doute, la goutte d’eau qui a fait déborder le vase. Pour le Bénin, membre actif de l’organisation sous-régionale, la stabilité au Niger est d’abord une question vitale. Tant pour sa politique que pour son économie.
Bien malins, les putschistes maliens ! Après avoir organisé deux coups de force, pour prendre les commandes de l’Etat, ils se sont empressés d’inscrire au fronton de la nouvelle Constitution, qu’ils viennent de faire adopter, deux articles en guise de bouclier, pour leur proche ou futur avenir ! Article 187, de la Constitution des anciens putschistes : « tout coup d’Etat ou putsch, est un crime imprescriptible contre le peuple malien » (Eh oui !). Et pour renforcer encore plus cette disposition, ils ajoutent sans sourire : Article 188 : « les faits antérieurs à la promulgation de la présente Constitution, couverts par des lois d’amnistie, ne peuvent, en aucun cas, faire l’objet de poursuite, d’instruction ou de jugement »
Un putsch en appelle toujours un autre
Et voilà qui se veut clair comme de l’eau de roche. Les putschistes maliens, après leurs doubles ‘’crimes’’, sentent la nécessité d’une triple protection. Qui est fou ? Ils savent bien, les graves risques auxquels ils s’exposent, dans les années à venir. Le putsch, précisent-ils donc, à l’intention de ceux qui après eux, auront la malsaine tentation d’en commettre, « est un crime imprescriptible ». Eux autres entendent être les derniers « criminels » en la matière. Mieux, leur crime à eux, doit rester impuni. Voici pourquoi ils ont eu la lumineuse et protectrice idée, de faire voter par une Assemblée Législative de Transition à leurs bottes, une loi d’amnistie. Et cette loi en forme de ‘’bunker’’, précise que le crime par eux commis, à travers le coup de force militaire, ne saurait faire objet « de poursuite, d’instruction, ou de jugement !» A jamais donc les derniers, nos putschistes maliens ! Précautions d’autant plus indispensables que la nouvelle Constitution, offre l’opportunité au chef de junte, Assimi Goïta, de troquer ses tuniques militaires, contre de grands boubous, pour se présenter en civil bon teint, à la prochaine élection présidentielle, que bien sûr, il remportera haut les mains. Sans avoir à braquer les urnes, si vous préférez ! Alors ‘’Bien vu et bien pensé’’, par des putschistes, fins stratèges à la tête de l’Etat ? Vous avez tort. Le coup d’Etat, comme « crime imprescriptible », était déjà inscrit dans la précédente Constitution malienne. Cela n’a point empêché le colonel Assimi Goïta et sa bande, de perpétrer un coup de force, contraignant à la démission, le Président Ibrahim Boubacar Kéita alias IBK, fraîchement réélu. Et comme cela se conseille, dans tous les « manuels de procédures » en matière de coups d’Etat, ils ont simplement abrogé l’ancienne Constitution. Et les voilà libres de prendre les manettes de l’Etat, et même de faire un second Coup d’Etat quelques mois plus tard, pour se donner pleins pouvoirs. Des protestations de la Communauté internationale, ils n’en ont eu cure. Bien joué donc ! Malheureusement ou heureusement, le raccourci qu’ils ont emprunté, pour commettre leur forfaiture, reste toujours ouvert. Ceci, malgré toutes leurs précautions, pour le barricader. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, il n’est point exclu qu’un jeune capitaine ou commandant, ambitieux, aigri ou malintentionné, emprunte la même voie, pour les dégager du Palais de la République. Le comble, c’est qu’il sera vivement ovationné, par les mêmes foules, qui s’étaient déchaînées en leur faveur. Et le tout « nouvel homme fort », abrogera à son tour leur Constitution-bunker, tout en dénonçant leur gestion calamiteuse à la tête de l’Etat, ou leur défaillance en matière sécuritaire. Et voilà nos ex-maîtres du Mali, dans le meilleur des cas, devant la justice. Alors, aux prochains putschistes donc, afin que le cycle recommence !
Le Bénin pour un Niger stable
Voici ainsi soulignés les risques que comporte la prise du pouvoir par la force. Un coup d’Etat, en appelle toujours un autre. Et il entraîne de fait, un éternel recommencement, forcement dommageable au développement de nos pays. En effet, de quel programme de construction de l’Etat peut se prévaloir un militaire arrivé au pouvoir par la force, ou installé à la tête d’un Comité de transition, par des circonstances, ou peut-être du fait de son grade ? Les cas des militaires au pouvoir en Guinée, au Burkina Faso et bien-sûr au Mali, illustrent à merveille, l’absurdité de ce mode d’accès au pouvoir. En Guinée, près de trois ans après le putsch, le chef de la junte, peine à convaincre sur son programme d’action, malgré le choix d’un Premier ministre civil. Il a embastillé ou contraint à l’exil, les grands leaders de la classe politique, qui l’invitent à donner un calendrier clair et précis, de la Transition. Où va la Guinée ? S’interrogent bien d’observateurs.
Au Burkina Faso, deux coups d’Etats après, le pays est toujours occupé à près de deux tiers, par les terroristes. Près de deux milles écoles restent fermées, et les réfugiés internes pullulent dans les rues de Ouagadougou. Le jeune capitaine, qui se veut l’incarnation de Thomas Sankara (rien que ça !), a renforcé l’armée par des supplétifs, appelés Volontaires pour la Défense de la Patrie (VDP). Pour convaincre ses compatriotes des progrès de l’armée, en matière de reconquête du territoire national, il se plaît à faire diffuser par la télévision nationale, des opérations aériennes de « liquidation » de terroristes, ou de leurs bases opérationnelles supposées. Pendant ce temps, les Burkinabé gémissent sous le poids des nombreuses taxes, imposées au titre d’efforts de guerre. La liberté des médias, est placée sous haute surveillance. Jusqu’à camp durera ce calvaire ? Voilà la question de ce côté. Puisque « jamais deux sans trois », nul ne peut jurer du futur sort de l’équipe au pouvoir.
C’est donc à cet imbroglio que vient s’ajouter le dernier coup de force au Niger. Alors, face à ce tableau, comment ne pas comprendre la position de la CEDEAO, qui avec les moyens légaux dont elle dispose, tente de siffler une fois pour de bon, la fin de la pagaille. Rétablir l’ordre constitutionnel au Niger est en effet un impératif, si l’on veut éviter la propagation de cette gangrène, dans l’ensemble de notre sous-région ; si l’on ne veut pas assister à la transformation de l’Afrique de l’Ouest, en une jungle, où règne la loi du plus fort, ou du mieux armé. C’est donc tout à l’honneur du Bénin, de prendre sa part de feu, dans ce combat. A cause justement des intérêts vitaux, qui nous lient avec le Niger et son peuple. Il ne s’agira point d’une guerre contre les frères nigériens, avec qui nous vivons ici comme chez eux, en parfaite harmonie. Loin s’en faut. La CEDEAO ayant d’ailleurs mis l’intervention militaire comme dernier recours. Il s’agira d’un combat pour la stabilité au Niger, déjà durement éprouvé par l’insécurité. Tant le chaos au Niger voisin, aura des répercussions graves sur le Bénin, et le processus de développement entamé ici depuis quelques années.
Ben Olawalé (collaboration)
