La richesse de l’Afrique, en dehors de ses matières premières, est constituée de sa jeune population. Une force considérable de travail qui risque de devenir un handicap pour le développement du continent si certaines pathologies comme le syndrome d’apnée du sommeil ne sont pas contrôlées. Car, cette pathologie est peu diagnostiquée par les médecins mais a des conséquences considérables sur le rendement des individus qui en sont atteints. Pour en parler, nous nous sommes entretenus avec un ingénieur biomédical qui s’investit dans le domaine.
Président de la société Medi conseils group, Jean-Yves Sagbo, travaille à restreindre le champ dévastateur de cette maladie. Lire ci-dessous, l’intégralité de son interview.
L’économiste : Comment peut-on présenter la société Medi conseils group ?
La société Medi conseils group est une jeune entreprise établie en France mais d’investissant en Afrique. Nous sommes spécialisés dans les technologies de santé spécialement tout ce qui concerne les maladies chroniques, la dialyse, l’imagerie médical, laboratoires, la respiration, la ventilation médicale… Nous travaillons aussi dans les blocs opératoires, l’anesthésie, la réanimation et la néonatologie.
Nous accompagnons tous les médecins dans la recherche de solutions pour le syndrome d’apnée du Sommeil.
La société Medi conseils group est basée en France mais s’investit sur le continent avec un partenaire technique “Agence pour la promotion de l’ingénierie biomédicale et Hospitalière internationale (APIBH international), qui est au Bénin. L’idée c’est réellement d’aider tous les chefs d’entreprises sanitaires et soignants qui le souhaitent, à apporter un plus à leurs patients, de les accompagner dans la mise en place de solution de diagnostics. Ensuite, d’être là aussi pour apporter des solutions aux patients. Parce qu’une chose est de diagnostiquer et une toute autre est d’apporter des solutions de traitement.
Nous travaillons avec une entreprise allemande qui a toute la gamme. Du diagnostic au traitement en passant par les interfaces des patients. Et nous veillons à ce que le transfert de technologies soit suivi du transfert de compétences au Bénin.
Pourquoi avoir choisi ce métier et lutter contre cette pathologie ?
Je suis ingénieur biomédical de formation. J’ai la chance d’avoir des parents qui viennent de la santé donc cela m’a permis de me sensibiliser très tôt sur certaines problématiques de la santé. J’ai eu la chance de faire une expérience d’une dizaine d’années au Bénin et dans la sous-région avant de m’expatrier. Ayant acquis un peu plus d’expériences depuis une quinzaine d’années, je souhaite aujourd’hui, ramener toute cette expertise et la mettre à disposition de la population béninoise.
De même, j’ai été motivé personnellement par la détresse de proches, victimes de cette pathologie, qui n’a pas été diagnostiquée.
Sachant qu’il y a des solutions développées ailleurs, l’idée aujourd’hui c’est clairement d’apporter mon expertise pour vaincre cette pathologie mais aussi pour toutes les autres pathologies dont j’ai une maîtrise des équipements de diagnostic et de traitement.
Comment peut-on comprendre la pathologie appelée apnée du sommeil ?
Le syndrome d’apnée du sommeil est une maladie qui impacte surtout les voies aériennes supérieures et qui fait que pendant le sommeil, le patient ne dort pas réellement notamment parce que ses voies aériennes sont complètement ou partiellement obstruées. On parle du syndrome d’apnée ou Hypopnée du sommeil obstructif. Il y a certains patients qui font des apnées complexes. En effet une apnée peut être aussi centrale. Dans ce cas c’est une défaillance réelle du corps humain qui “oublie de respirer”.
Comment se manifeste cette pathologie ?
Cette maladie à plusieurs manifestations et présente plusieurs formes. Les formes les plus graves, c’est des somnolences diurnes systématiques, l’hypertension artérielle résistante, le diabète, les AVC et autres maladies graves du cœur.
Quels sont les symptômes de cette maladie ?
Un des symptômes de cette maladie, c’est quelqu’un qui dort pendant huit heures mais qui a l’impression qu’il n’a pas dormi, à son réveil. Parce que dans la nuit, il n’arrive pas à finir ses journées, il est fatigué ou il a des somnolences dans la journée.
Quelqu’un qui reste statique pendant environ trente minutes et qui à tendance à piquer du nez, doit en parler à son médecin. Cela peut être un signe.
Quelles ont les dispositions à prendre pour la diagnostiquer ?
Il y a certains médecins qui se sont spécialisés dans la détection et le traitement de cette pathologie. En juillet 2019 dernier, à l’occasion d’un symposium, nous avons formé des médecins supplémentaires au diagnostic de cette pathologie. Ils sont de plusieurs spécialités: cardiologues, ORL, pneumologues.
Le diagnostic se fait grâce à un appareil que le patient porte toute une nuit pendant son sommeil. Cet appareil, nommé polygraphe ou polysomnographe, fait la cartographie de la nuit du patient et permet de savoir exactement quand est-ce qu’il a dormi, quand est-ce qu’il a eu des micros réveils et quels sont les événements obstructifs ou centraux qui se sont produits au cours du sommeil du patient. Il permet de trouver le fin mot de l’histoire et le diagnostic tombe.
Une fois le diagnostic tombé, le médecin propose des solutions au patient. Il y a plusieurs ordres de solutions : chirurgie ou traitement. En fonction de la gravité de la pathologie, il a souvent une solution qu’on appelle Pression positive continue (PPC) qui est proposée. C’est un appareil qui doit être acheté par le patient et qui est porté pendant son sommeil pour éviter qu’il y ait obstruction de ses voies aériennes.
Combien environ, coûte ces différents traitements ?
Je ne peux donner des chiffres ici car le traitement à suivre varie en fonction du diagnostic pausé. Au Bénin, le diagnostic tourne aujourd’hui autour de 60.000 FCFA. L’appareil de diagnostic peut coûter, prix catalogue, entre 9 et 10.000 euros, donc entre 5 et 6.000.000 FCFA. Il permet au médecin spécialisé dans la recherche de cette maladie de le diagnostiquer efficacement.
Les prix sont vraiment adaptés d’un pays à l’autre en Afrique de l’ouest. Nous le savons parce que nous travaillons un peu partout en Afrique de l’ouest.
Comment la pathologie de l’apnée du sommeil est-elle perçue par le système sanitaire béninois ?
Cette pathologie est très mal connue de la population. Mais il y a quelques médecins qui se sont spécialisés et travaillent déjà dans ce domaine. Notamment les pneumologues de Nazaret, qui connaissent bien cette pathologie et apportent des solutions aux patients dont certains sont vraiment démunis.
Il y a aussi des cliniques privées qui, très tôt, se sont spécialisées dans la recherche de cette maladie. D’autres aussi se sont équipées et les 72 que nous avons formés en juillet 2019 vont s’équiper prochainement pour pouvoir diagnostiquer cette maladie et aider les patients à se traiter.
Quelles sont les initiatives que vous avez prises pour mieux faire connaître cette pathologie ?
Les médecins que nous avons formés commencent déjà par en parler. Ils font beaucoup plus attention aux signes distinctifs de cette pathologie et grâce aux appareils de diagnostic, ils arrivent à être fixés. Si un médecin ne sait pas rechercher cette pathologie, il peut passer à côté. C’est pourquoi c’est déjà un pas important que nous avons fait en procédant à la formation de quelques dizaines de médecins.
Mon objectif en tant que chef d’entreprise voulant introduire des technologies pour le bien socioéconomique de mon pays, c’est d’aider tous les soignants (médecins, infirmiers…), ceux qui de près ou de loin sont appelés à prendre en charge cette maladie, cet équipement. Mon ambition c’est de réellement leur apporter l’expertise que j’ai acquis pour les accompagner dans la prise en charge de cette maladie au Bénin.
Quel est l’impact de l’apnée du sommeil sur le rendement professionnel du patient ?
Un apnéique est fatigué dans la journée. Il ne peut donc pas être au meilleur taux de son rendement. Il est souvent absent de son poste. Il peut causer malgré lui des accidents.
Un apnéique est stressé. Il peut être violent envers ses collègues, sa famille ou son entourage immédiat.
Ce qui fait que certains psychiatres commencent à s’intéresser à l’apnée du sommeil. Si un apnéique conduit un grand engin de mécanique et s’endort en plein travail, il fera des dégâts matériels ou humains. De même, l’apnée du sommeil crée des dommages aux organes nobles du corps humain.
Ce qui fait que la richesse de l’Afrique, qui est sa jeunesse peut se retrouver handicapée et constituer ainsi une charge pour le continent au lieu d’être une plus-value, si l’apnée n’est pas vite diagnostiquée et traitée comme il faut.
Ainsi donc, le rendement de l’apnéique est amoindri pas sa pathologie. Ce qui fait que l’apnée du sommeil influence négativement l’économie de toute nation. Puisqu’il faut travailler plus pour gagner plus, celui qui travaille moins gagne forcément moins que les autres.
Quel bilan peut-on faire des activités de Medi Conseils group ?
C’est à la suite de mes expériences en tant qu’employé chez de grands fabricants de matériels médicaux que je me suis mis à mon compte. De façon à pouvoir expatrier notre expertise en Afrique.
En France, nous faisons 60% de nos activités et 40% en Afrique pour l’instant. L’idée c’est de pouvoir inverser à terme ce pourcentage de façon à réellement être une entreprise tournée vers l’Afrique. Qui travaille sur le transfert de technologies accompagné de transfert de compétences associées qui permettent la prise en charge de volets complets.
Quels sont vos projets à court, moyen et long termes ?
A court terme, c’est de multiplier les formations, l’information à l’endroit des professionnels de la santé. Notamment, les médecins conseils des grandes entreprises où, du fait de la sédentarité, expose à cette maladie qui peut être cachée par l’hypertension, le diabète… L’objectif premier, c’est de leur apporter l’information, à travers des formations, pour qu’ils puissent faire leur travail et constituer une barrière contre les effets dévastateurs de cette pathologie au sein des entreprises.
Ensuite, de travailler avec l’ensemble des autorités et de la population pour mettre à disposition des patients les équipements qu’il faut pour se traiter en cas de diagnostic positif de cette pathologie.
A long terme, nous voulons être une référence en matière de transfert de technologie. Avoir une équipe rodée de jeunes béninois et béninoises qui puisse prendre en charge l’installation et la maintenance des divers équipements médicaux et hospitaliers.
Avez-vous un message à l’endroit des autorités sanitaires ?
Les responsables sanitaires ont déjà l’ambition d’apporter du neuf. Du coup, mon appel sera un message pour dire aux responsables à divers niveaux que nous sommes prêts à les accompagner pour avoir le dessus sur la pathologie de l’apnée du sommeil.
Ceci, en apportant les meilleurs outils pour que les patients soient mieux pris en charge et traités.
Interview réalisée par Nafiou OGOUCHOLA