Les renseignements généraux sont devenus incontournables dans l’existence de toute structure, qu’elle soit publique ou privée. Fort de ce constat, l’Ecole internationale de détective et de stratégie (EIDS) en partenariat avec l’Agence privée d’investigations et d’analyses stratégiques (Apias), organise une formation pour permettre aux agents de l’Etat d’être en mesure de recueillir et exploiter des données stratégiques pour influer sur leurs performances et accroître leurs rendements.
Nafiou OGOUCHOLA
Les agents de l’Etat sont invités à prendre part, gratuitement, aux ateliers de formation de l’EIDS pour compter du jeudi 19 Septembre 2019 au siège de ladite école à Wologuèdè. Cette formation a pour thème : les renseignements généraux au service de l’économie béninoise. A en croire le promoteur de l’EIDS, le contrôleur général de police à la retraite, ancien directeur de la Brigade économique et financière (Bef), Clovis Adanzounon, les cadres ont été invités à cet important rendez-vous dans le but de leur donner des outils pour leur permettre de mettre à profit les renseignements généraux pour optimiser leurs rendements et ainsi, apporter un plus à l’économie béninoise. Les cadres des ministères suivants ont été invités : Economie, Etrangère, Cadre de vie, Economie numérique, Justice, Sécurité, Défense…
La formation, qui débutera dans quelques jours, trouve sa raison d’être dans la volonté des responsables de EIDS et Apias, de mettre leurs compétences au service des cadres de l’administration béninoise afin que ceux-ci puissent atteindre des résultats meilleurs dans l’exercice de leurs fonctions. « Aujourd’hui, la valeur d’un cadre est égale à la qualité du travail qu’il fait. Ainsi, nous voulons faire en sorte que les cadres de l’administration publique puissent profiter de nos expériences pour s’améliorer. C’est un travail patriotique que nous voulons faire en amont. A quoi cela nous sert-il d’avoir autant de compétences alors que nos compatriotes en manquent ? Nous voulons partager nos connaissances avec l’administration publique », a renseigné le fondateur de l’EIDS. De même, il a précisé que : « les renseignements généraux jouent un rôle déterminant dans l’économie d’un pays. Le développement du Bénin dépend de la collecte et des traitements qui sont faits des renseignements généraux. C’est assez simple à dire mais depuis des décennies, nous échouons dans certaines réformes parce que nous n’avons pas pris en compte les divers renseignements. Aujourd’hui, nous offrons l’opportunité à nos cadres de combler ce vide », a-t-il affirmé.
La formation gratuitement octroyée par l’EIDS et Apias abordera les thématiques telles que : « la notion sur l’organisation des renseignements généraux en République du Bénin et ses apports à l’économie » ; « les services d’immigration : quels apports stratégiques pour les opérateurs économiques ? » ;« Les Renseignements Généraux : apports stratégiques aux opérateurs économiques » ; « le Renseignement Territorial: apports stratégiques aux opérateurs économiques » ; « Introduction à l’Intelligence économique » ; « Initiation à la collecte numérique » ; « Traitement et analyse de données sous Pestel et Swot »…
Des réticences injustifiées ou des stratégies pour éviter de se faire former ?
L’Ecole internationale de détective et de stratégie existe depuis six années au Bénin. Elle a eu à dispenser une formation à l’endroit des agents de la Direction générale des affaires économiques (DGAE) en 2015. Pourtant, de sources concordantes, il ressort que certaines structures ne sont pas motivées à prendre part à cette importante formation qui vient combler un vide, puisque le besoin de formation sur les thématiques énoncées s’est toujours fait sentir au sein de l’administration béninoise. Et, pour illustrer le rôle des renseignements généraux dans la promotion de l’économie béninoise, Clovis Adanzounon a donné un exemple simple. « Depuis le 20 août, les activités commerciales pâtissent de la fermeture de la frontière du Nigéria. Si l’administration béninoise avait eu accès à certaines informations et si elle les avait bien exploitées, nul doute qu’il y a un nombre important d’opérateurs économiques qui auraient pris leurs précautions. Mais aujourd’hui, on est suspendu au bon vouloir du Nigéria », a-t-il expliqué. La balle est ainsi dans le camp des cadres de l’administration béninoise. Toutefois, il convient de noter que plusieurs ministères et structures de la République ont confirmé leur participation à ce séminaire de formation. Mais, dit le fondateur de l’EIDS : « … nous voulons former le maximum possible de cadres car nous avons besoin de tous les fils du Bénin pour promouvoir notre économie ; nul ne sera de trop ».
Photo : Clovis Adanzounon
Légende : Le promoteur de l’IDS et Apias, Clovis Adanzounon
Clovis Adanzounon
« Les renseignements s’appliquent à tous les domaines d’une nation »
Le promoteur de l’EIDS et Apias nous avait accordé une interview pour décortiquer le sujet des renseignements généraux, il a quelques semaines. Nous vous proposons quelques extraits ci-dessous pour en savoir davantage sur l’état des lieux et les perspectives des renseignements généraux qui s’offrent au Bénin et à l’Afrique.
L’économiste : Comment peut-on définir le concept de renseignements généraux ?
Clovis Adanzounon : Historiquement et de manière générale, les régimes politiques qu’ils soient de type monarchique ou républicain ont recours à des services spéciaux pour assurer leur propre sécurité, celle de leurs informations et leurs sites sensibles. Ces services dont la dénomination a évolué dans le temps et l’espace procèdent généralement à la collecte et au traitement puis à la diffusion des informations pour des décisions éclairées de la hiérarchie. Ils surveillent spécifiquement dans les moindres détails les activités de cibles désignées et généralement tous les individus d’un pays, suivant un principe cher à Joseph Fouche : « le ministre de la police est un homme qui se mêle de ce qui le regarde et ensuite de ce qui ne le regarde pas ».
Parler des renseignements généraux constitue généralement une tâche difficile en raison du caractère polysémique du terme, de l’évolution du sens et de la diversité des acteurs qui sont concernés. Mais cela ne doit en aucun cas constituer un obstacle.
Les renseignements généraux, c’est à la fois une forme de connaissance ; c’est l’ensemble des connaissances de tous ordres sur un adversaire potentiel, utiles aux pouvoirs publics, au commandement militaire et aux forces de sécurité publiques afin d’organiser conséquemment la sécurité de l’Etat. En un mot ils permettent d’anticiper sur les évènements.
Ils ont cours depuis l’antiquité et se sont adaptés au progrès de la science et de la technologie. Même si ce n’est pas au même rythme sous tous les cieux. Les services de renseignements existent dans tous les pays. Ainsi à travers le monde, on distingue : CIA, NSA, NRO aux USA, DGSE, DGSI, DRM en France, MI6, MI5, GCHQ en Grande-Bretagne, BND, MAD, BVF en Allemagne, ministère de la Sécurité de l’État, Bureau 610, 2e Département de l’Etat-major général de l’armée populaire de libération (APL) en Chine, FSB, SVR en Russie, SIV au Vatican, DSLD, DSM au Bénin, etc.
A vous en croire, les renseignements ne concernent pas que la sécurité. Pourquoi ?
Vous avez tout compris. Les renseignements ne concernent pas que la sécurité. Ils s’appliquent à tous les domaines d’une nation (Economie, Politique, Environnement, Social, Technologie, Législatif, Culture, Sécurité, etc.). Tout en reconnaissant que tous les domaines sont d’importance, on convient que l’économie et la sécurité sont d’importance. Et dans ce contexte, le renseignement doit favoriser tant la préservation de la sécurité que le développement de l’économie. C’est pour cela qu’il existe un sous-domaine dédié qu’on appelle le renseignement économique.
Quel est l’état du renseignement économique en Afrique et au Bénin ?
J’avais dit en l’entame qu’aujourd’hui, il est plus loisible de parler de la communauté de renseignements. Elle a le mérite, dans les pays où elle est institutionnalisée d’apporter un plus dans le processus du renseignement économique.
Les pays développés tels que les USA, l’Allemagne, la France, le Japon, la Chine ont chacun une organisation type de leur système de renseignement économique, basé sur l’information. Elle est la base de tout système. Alors qu’aux USA, le système de renseignement économique est fondé sur une approche libérale marquée par la dispersion des dispositifs d’intelligence économique individualisés, au Japon, il est marqué par une grande importance accordée à l’information comme arme stratégique et ressources collectives et pour laquelle, environ 1,5 % du chiffre d’affaires des entreprises est investi pour l’acquérir.
Sur le continent africain, certains pays font l’expérience d’une organisation du renseignement économique pour assurer la compétitivité de leur Etat et de leurs entreprises. Il s’agit entre autre du Maroc, du Sénégal, de la Côte d’Ivoire, du Rwanda, de l’Afrique du Sud, Algérie, Tunisie, Bénin etc. Mais les budgets accordés sont insuffisants. Dans la plupart de ces pays, les budgets sont absorbés par les renseignements orientés et politiques.
Le renseignement économique dans ces pays pour la plupart est porté d’abord par les associations, notamment celles des opérateurs économiques qui font le lobbying (séminaires, colloques, ateliers de formation, manuel de formation dédié, etc.) pour faire adhérer les pouvoirs politiques. Ces derniers une fois acquis mandatent le plus souvent les ministères en charge des entreprises, du plan ou de l’Economie pour abriter les unités dédiées au renseignement économique. Ce faisant, en l’état actuel, ces systèmes s’apparentent comme des appendices de la politique globale de l’Etat et non comme des dispositifs devant organiser tout le processus de performance des Entreprises et de l’Etat en matière de développement.
Par ailleurs, pour renforcer le processus du lobbying, les associations s’appuient sur des formations dédiées dans ce domaine. Au Bénin, l’EIDS est l’une des rares écoles à faire la promotion du renseignement économique.
Comment mettre les renseignements généraux au service de l’économie au Bénin et en Afrique ?
On retient que l’Afrique comme le Bénin doit aller résolument davantage vers le renseignement économique et s’appuyer pour cela sur le renseignement numérique au regard des atouts que cela présente. Le numérique permettant d’engranger plus d’informations avec peu de moyens humains, il est normal qu’une réflexion profonde soit faite dans ce sens par les Etats.
Industrialiser sainement des renseignements comme le font déjà certaines entreprises privées afin que tout le monde puisse en bénéficier serait déjà un pas pour corriger la perception qui est faite depuis mathusalem sur les services de renseignement.
Les autorités béninoises actuelles ont l’ambition de corriger les dysfonctionnements ou lacunes. Et c’est tout naturel qu’en tant qu’Expert dans le domaine, je propose les approches de solutions suivantes pour inverser la tendance en Afrique et au Bénin : les gouvernants africains et béninois doivent faire l’effort de redéfinir les buts des renseignements afin qu’ils ne se limitent plus seulement à la sécurité du pouvoir mais deviennent un cadre de réflexion et d’action globale au service de la sécurité économique et politique de toute la nation ; doter leur pays d’une politique nationale de renseignement économique avec un budget dédié et des infrastructures académiques dédiées ; instruire les ambassadeurs afin que leurs actions dans les pays où ils sont envoyés soient orientées vers le renseignement économique pour doper l’exportation ou la mise en place de filières pérennes.