Les économistes ont accumulé beaucoup d’éléments convaincants qui démontrent que les pays tirent d’énormes avantages de l’accroissement de la productivité de l’agriculture grâce à des investissements publics et privés dans la recherche et le développement (R&D), a révélé Julian M. Alston dans un rapport publié en 2010.
Issa SIKITI DA SILVA
Et pourtant en Afrique, un continent possédant un énorme potentiel agricole, la R&D a toujours été un secteur négligé et moins financé parce que, selon les gouvernements, elle coute trop chère. Cependant le rapport de Julian M. Alston, intitulé ‘’Les avantages de la recherche-développement, de l’innovation et de l’accroissement de la productivité dans le secteur agricole’’, semble balayer cet argument en précisant que les avantages de l’accroissement de la productivité attribués à la R&D en agriculture sont au moins dix fois plus importants que les coûts.
La négligence du secteur de la R&D agricole ou un autre domaine rend aussi difficile la tâche pour tracer les indicateurs de l’investissement dans la recherche (et les mesures équivalentes des stocks de connaissances scientifiques) dans les archives de plusieurs États.
« Ce désintérêt pourrait être relativement dommageable. Établir des indicateurs des investissements dans la recherche agricole demande beaucoup de travail. Dans la plupart des pays, aucun organisme officiel ne publie d’indicateurs appropriés des investissements publics dans la recherche agricole sous une forme adéquate et sur une période suffisamment longue », déplore le rapport précité.
« Pour mesurer correctement les dépenses publiques de recherche, il faut fouiller dans divers documents officiels et extraire des différentes lignes de dépenses les éléments qui concernent vraiment la recherche et qui s’appliquent vraiment à l’agriculture il faut faire des allers-retours d’un lieu à l’autre et dans le temps », ajoute le rapport.
Innovation
L’organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) semble soutenir la position de Julien M.
Alston. « Dans les pays en développement, l’innovation peut résoudre la plupart des problèmes liés à la gestion des ressources agricoles et naturelles. Les systèmes de recherche et de vulgarisation jouent un rôle crucial pour le développement agricole et rural et sont essentiels en vue de réaliser le potentiel de l’innovation agricole », indique la FAO.
Toutefois, la FAO regrette le fait que dans de nombreux pays en développement les activités des institutions de recherche agricole souffrent souvent d’un manque d’investissement et d’une mauvaise gestion financière, ainsi que de limitations en termes de stratégies de transfert des technologies », soutient l’agence onusienne. Pour preuve, les chercheurs et étudiants de l’Université d’Abomey-Calavi ont mené des travaux de recherche qui ont abouti à de découvertes majeures pouvant améliorer la productivité agricole au Bénin. Mais les paysans font toujours face aux difficultés.
Dépenses totales de R&D
En 1996, l’Afrique subsaharienne n’avait dépensé que 0,3% de son PIB dans la R&D et n’avait que 0,8% de chercheurs dans le monde, selon l’Institut de statistique de l’UNESCO. Ces dépenses ont atteint 0,4% du PIB en 2013 et le nombre de ses chercheurs dans le monde était de 1,1% pendant la même période.
Même l’Amérique du Nord et l’Europe occidentale n’ont pas fait mieux. De 2% de leur PIB de dépenses et 40,8% comme chercheurs en 1996, ces chiffres n’ont atteint que 2,4% et 39,7% en 2013, respectivement.
Toutefois, il est nécessaire de souligner que même dans les 15 pays qui dépensent le plus en R&D dans le monde, le secteur privé dépense plus que les gouvernements, indique l’UNESCO : Corée du Sud (78,2% privé), Israël (84,6% privé), Japon (77,8% privé), Finlande (67,7%), Suisse (71,5% privé), Autriche (71,3% privé), Suède (67% privé), Danemark (63,8% privé), Allemagne (67,7% privé), Etats-Unis (71,5% privé), Slovénie (77,3% privé), Belgique (69,9% privé), France (63,6% privé), Singapour (61,2% privé) et Australie (56,3% privé),
En 2008, seulement 3% des dépenses publiques allouées dans le monde à la R&D agricole provenaient de pays à faible revenu, selon la FAO. « De ce point de vue, les résultats montrent de façon cohérente que les pays individuels et le monde dans son ensemble ont sous-investi dans la R-D agricole, poursuit le rapport de Julian Alston cité ci-dessus.