Si le Bénin et le Togo sont cités comme exemples des pays dont les forces de sécurité ne tracassent pas les voyageurs étrangers, par contre les militaires maliens et burkinabés sont pointés du doigt comme les vrais obstacles à la libre circulation des biens et des personnes dans la sous-région.
Issa Sikita da Silva
« Il y au moins cinq barrières depuis Cinkassé jusqu’au poste frontalier de Koloko qui sépare le Burkina Faso du Mali, et tu dois payer 1000 francs Cfa à chacune de ces barrières même si tes titres de voyage sont en ordre », s’écrie Mariam Camara, une commerçante ivoirienne vivant au Bénin qui voyage souvent au Mali pour acheter des bazins.
« Même chose au Mali. Là-bas, avant il y avait aussi cinq checkpoints mais maintenant il n’en reste que trois jusqu’à Bamako, et tu paies aussi 1000 francs chaque fois que le bus est stoppé par les militaires », ajoute Camara.
« En plus de cela, on te fait payer 1000 francs par les services de l’immigration maliens et burkinabés avant qu’on te remette ta pièce ou avant de cacheter ton passeport. C’est absurde et injuste », s’indigne Marie Kiala, une commerçante congolaise, qui pour la première fois a voyagé à Bamako à partir de Cotonou via Lomé-Ouaga-Bobo.
Les cas de l’équipage des bus sommant les voyageurs à cotiser 1000 francs chacun pour « assouplir » les douaniers sont aussi devenus monnaie courante sur le tronçon Cotonou-Bamako. « Mon Dieu, c’est tout le monde qui nous exploite sur cette route. Même les gens du bus qui sont censés nous protéger. Trop c’est trop ! » s’exclame Kiala.
Les commerçants et les touristes qui se rendent au Sénégal à partir de Bamako se plaignent aussi du mauvais traitement infligé aux voyageurs par les militaires maliens qui extorquent 1000 francs pour chaque citoyen ouest-africain usant de ce tronçon, et 2000 francs pour les ghanéens et les nigérians.
« Je ne sais pas quel péché grave nous les nigérians avons commis pour que les militaires maliens nous fassent payer 2000 francs au lieu de 1000 francs comme tout le monde », s’insurge Mary Okoro, une commerçante nigériane qui se rend souvent à Dakar à partir de Lagos et Cotonou. Pour Okoro, le checkpoint le plus dangereux est celui de l’entrée ou sortie de Kayes.
« Aller et retour, il te faut au moins 30 000 francs de pourboire aux militaires maliens et burkinabé et à l’immigration sénégalaise opérant au poste frontalier de Kidira pour bien effectuer le voyage Cotonou-Bamako-Dakar. C’est une souffrance énorme que l’africain fait subir à ses frères et sœurs africains. Que disent les leaders de la CEDEAO sur cette forme d’escroquerie à ciel ouvert ? », se lamente Fernand Soton,
Les douanes sénégalaises ne sont pas aussi épargnées par ce cri d’alarme. Les commerçants transfrontaliers parlent de dix contrôles douaniers sur le tronçon Bamako-Dakar.
En 1979, plusieurs chefs d’Etats et de gouvernements de la CEDEAO, dont l’ancien président Mathieu Kérékou, avaient signé le protocole A/SP.1/5/79 de Dakar du 25 mai 1979 sur la libre circulation des personnes, le droit de résidence et d’établissement conformément au paragraphe 2 (d) de l’article 2 du Traité de la CEDEAO qui demande aux états membres de réaliser l’abolition des obstacles à la libre circulation des personnes, des services et des capitaux.
Mais 40 ans après, l’application de ces mesures, dont l’un des objectifs était d’augmenter les flux commerciaux, de sécuriser la mobilité des personnes et des biens et faciliter l’intégration des peuples peine à être effectivement implémentée à cause de la naïveté et l’hypocrisie des gouvernements et aussi de la corruption qui sévit dans les services de l’état.