LÉGISLATIVES 2019 AU BÉNIN
Vaincre la fatalite avec une sortie de crise apaisée
«Chaque génération, doit dans une relative opacité, découvrir sa mission, la remplir ou la trahir».
Les Damnés de la Terre
Frantz FANON
Le Bénin, notre pays traverse depuis quelques mois une grave crise préélectorale. Jai me semble t-il été le premier à dire sur nos antennes que la loi 2018-31 portant Code Electorale en République du Bénin et la nouvelle charte des partis étaient anxiogènes et crisogènes. Je constate que depuis plusieurs mois nous y sommes.
Jai longtemps cru en la capacité et en la sagesse des acteurs politiques, à trouver un consensus et nous éviter le pire. Jai cru, espéré que le génie béninois opérerait une fois de plus. Aussi, alors que tout semblait perdu, ai-je applaudi linitiative du chef de lEtat Patrice TALON le 06 mars 2019 daller vers des élections inclusives. Mais cet espoir sest vite dissipé et fait place à la crainte.
La tension est aujourdhui à son comble. Conscient avec Amadou Hampaté BÂ quil ny a pas de petite querelle, je viens ici, timidement mimmiscer dans le débat national avec une ultime proposition de solution de sortie de crise.
Nous sommes aujourdhui à quelques heures du lancement de la campagne électorale pour des élections législatives plus que jamais contestées.
Lobjet de cette tribune,alors même que la messe semble dite, est de proposer une solution, qui puisse concilier toutes les parties prenantes au conflit actuel, mais aussi le peuple béninois contrit, silencieux qui paiera le prix le plus fort en cas descalade de violence.
Ma proposition sinscrit dans la lignée de la solution inclusive préconisée par le chef de letat mais que la commission HOUNGBÉDJI na malheureusement pas pu concrétiser faute de consensus.
Il me semble évident que le chaudron bouillonne et quil explosera avant le 28 avril 2019 si rien nest fait.
Il me semble évident que nous faisons le lit à des interventions musclées des forces républicaines qui seront prises à partie si elles veulent maintenir lordre.
Il me semble évident que dans ce genre de confrontation, il pourra y avoir, des blessés des morts et des émeutes préjudiciables à notre democratie.
Il me semble enfin évident que nous nous exposons à la mise à mort de notre démocratie par larmée qui a un moment ou un autre voudra prendre ses responsabilités, mettant ainsi fin aux merveilleux acquis de la Conférence des Forces Vives de la Nation.
Notre pays na pas besoin de tout cela, doù cette ultime invite à une solution inclusive à quelques heures de louverture officielle de la campagne électorale pour les législatives de 2019.
Au-delà de lobjectif de nassurer quune participation des listes qui ont été déposées à la Commission Electorale Nationale Autonome, il mapparait urgent et impératif de considérer une solution conçue avec profondeur et sagesse, sappuyant sur une réflexion qui englobe lapaisement des populations, la souveraineté du peuple, la cohésion nationale tout en préservant les principes dun état de droit.
Je nous invite à nous poser deux questions essentielles :
quelles sont les conditions actuelles de succès des élections législatives, en termes de crédibilité organisationnelle, de résultats attendus et de représentativité des prochains députés?
quel pourrait être le rôle des différents acteurs nationaux (société civile, catégories socio professionnelles, organisations syndicales, sages, secteur privé, classe politique, médias et autres institutions) dans une union sacrée afin que ces élections ne soient pas un marqueur indélébile de recul de notre démocratie?
Nous observons actuellement une guerre de tranchées. Les uns font comme si de rien nétait et se préparent pour se faire élire avec le soutien du gouvernement. Les autres en silence, dépités, ne savouant pas vaincus se préparent à lultime combat pour sauver disent-ils les acquis de la démocratie.
Létat actuel de la situation montre que de part et dautre, les différentes parties concernées et engagées dans le processus électoral en cours naffichent plus un état desprit favorable à létablissement dune relation de confiance, gage dapaisement et de dialogue.
Faut-il rappeler avec le professeur Victor Prudent Topanou dans sa lettre ouverte intitulée «Tout devient possible»:
que la cause, la racine de cette crise pré-électorale est ladoption des lois considérées par lopposition (minoritaire) comme liberticides et facteurs dexclusion?
que les dispositions prises par la cour constitutionnelle en introduisant le certificat de conformité à obtenir du ministère de lintérieur ont été aussi sujet à controverses?
que lanalyse par la CENA, des dossiers reçus des différents partis, avec lintroduction dune notion controversée de fautes mineures a fini de vicier latmosphère préélectorale?
que toutes ces raisons ont jeté les bases dune défiance de plusieurs acteurs politiques créant le blocage du processus électoral?
Faut-il répéter avec Madame Célestine ZANOU que « ce serait se cacher derrière son petit doigt que de déclarer et de soutenir que les élections du 28 avril prochain augurent dune bonne santé de notre démocratie et ne mettent pas en perspective un désastre incommensurable pour notre pays ».
Faut-il enfin rappeler léchec de la mission de médiation du président de lassemblée nationale, maître adrien HOUNGBÉDJI, prouvant sil le fallait encore, au sein de lhémicycle, lexistence de positions figées définitivement inconciliables, qui demblée excluent toute solution de prolongation par ordonnance de la 7ème législature au-delà 15 mai 2019.
Ma proposition de solution:
Après une réflexion approfondie et plusieurs échanges avec des amies et amis de mes différents cercles de réflexion, des personnalités imminentes et averties, il me semble nécessaire de tenir compte de toutes ces données, notamment du risque insurrectionnel certain, dans lapproche dune solution réellement inclusive gage de paix et de stabilité.
Cette solution entièrement soutenue et guidée par lintérêt national, la légitimité et la souveraineté du peuple se déclinerait en plusieurs phases :
1- Prise dune ordonnance exceptionnelle par le Chef de lEtat en conseil des ministres au titre de larticle 68 de la loi N° 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin, pour surseoir immédiatement et sans délai au processus électoral en cours dans lintérêt supérieur de la nation.
2- Vote par lAssemblée Nationale avant le 15 mai 2019, au titre de larticle 102 de la loi N° 90-32 du 11 décembre 1990 portant Constitution de la République du Bénin, dune loi dhabilitation conférant au Chef de lEtat le pouvoir de légiférer par ordonnance, sur un périmètre identifié et défini notamment autour des problèmes urgents. Cette loi devra couvrir un délai donné, ne pouvant excéder les douze mois. La proposition de loi sera faite par une commission adhoc composée dune quinzaine de personnalités:
COMMISSION ADHOC:
Conformément à la proposition de solution de sortie de crise, il apparaît indispensable de constituer une commission adhoc composée de personnalités reconnues pour leur probité, leurs compétences et le rôle quils ont joué et quils continuent de jouer dans la vie publique de notre nation. Notamment:
– les anciens présidents de la Cour Constitutionnelle du Bénin
– le père de la constitution de 1990
– déminents enseignants de droit professeurs dans nos universités constitutionalistes ou non.
– des juristes constitutionnalistes et chercheurs
– quelques personnalités du monde politique connues pour leur sagesse et leur tempérance.
La mission que je propose à titre indicatif pour cette commission est dune part, détudier et de proposer une loi dhabilitation permettant au Président de la République de légiférer en lieu et place de lAssemblée Nationale. Le mandat de la présente mandature devant impérativement prendre fin le 15 mai 2019.
Le cahier des charges devant présider à la rédaction de cette loi confirmera le délai maximum pendant lequel le Président de la République disposera de cette prérogative, et en toute intelligence avec le Chef de lÉtat, et sans obligagtion aucune, la durée pendant laquelle cette commission pourrait personnellement laccompagner pour légiférer.
Dautre part cette commission devra concevoir, désigner et installer la mission «Paix et Réconciliation» dont les prérogatives sont décrites ci-dessous. Elle accompagnera cette mission par ses conseils selon un cahier de charges bien défini.
2- Mise en place dune mission «Paix et Réconciliation», dont la composition et les missions sont également précisées en encadré.
MISSION PAIX ET RECONCILIATION
La mission «Paix et Réconciliation» a pour objet de travailler au retour de la paix et de la concorde. Son but ultime est de réunir des délégués de différentes catégories socio professionnelles, reconnues pour leur tempérance, capables dobjectivité, dimpartialité, connues pour leur capacité à prendre de la hauteur et ayant des compétences ou une expérience avérée dans des domaines qui pourraient favoriser pleinement leur rôle au sein de cette mission.
Cette mission conçue, désignée et installée par la commission adhoc pour :
Ramener la concorde au sein de lensemble des acteurs politiques, travailler pour la paix et la réconciliation selon un cahier de charges bien défini.
Remettre à plat les lois controversées et trouver une reformulation et un contenu qui permette aux acteurs tous bords confondus de sy retrouver.
Conduire les discussions et le processus devant aboutir à la composition dune CENA, à caractère transitoire, la crédibilité des membres de lactuelle commission étant apparue récemment affaiblie compte tenu des options quelle a prises dans le traitement des dossiers qui lui sont parvenus en vue des élections législatives.
Jaurais enfin, envie de dire, ici en aparté, ou presque, à son Excellence Monsieur Patrice Athanase Guillaume TALON, Président de la République, Chef de lÉtat, que chaque béninoise et chaque béninois a conscience que les fonctions que lui attribue notre constitution sont des plus grandes mais aussi des plus nobles. Le Bénin notre pays est un très beau pays. Mes fonctions de médecin, ne me font pas craindre la vue du sang. Vos fonctions de Chef de lÉtat ne vous font pas craindre de voir couler le sang pour lintérêt supérieur de la nation.
Notre pays, disait le Président Mathieu KEREKOU est très difficile à gouverner. Mais aucune loi, aucune ambition personnelle, aucune défiance ne devrait nous amener à le déstabiliser à regarder couler le sang de ses enfants. Jen appelle à la sagesse et au sens très élevé du devoir de premier citoyen de la nation que vous êtes.
Jai entendu dire que vous teniez à la solution délections inclusives. Ma solution pour y aboutir nest certainement pas parfaite, mais elle aura le mérite de nous réconcilier autour dun seul idéal de justice renouvelée et de paix retrouvée.
Dr Nadin Ange KOKODE
Médecin urgentiste