En ces temps de crise alimentaire sur fond inflationniste et de remous géopolitiques, l’humanité assiste impuissamment à des restrictions d’exportation de céréales et d’engrais pour s’assurer que la production locale sert d’abord les consommateurs locaux. Cette tendance protectionniste, qui remet en cause la solidarité internationale, agace les experts et semble fragiliser l’économie mondiale.
Issa SIKITI DA SILVA
Le Fonds monétaire international (FMI), qui tire la sonnette d’alarme sur cette pratique, vient de révéler que près de 30 pays, généralement exportateurs de denrées alimentaires, ont opté pour le protectionnisme face à la crise alimentaire, en mettant en place des restrictions d’exportation d’aliments et d’engrais, afin de garantir la disponibilité alimentaire intérieure.
Parmi les pays qui ont imposé des restrictions figurent, entre autres, la Russie, le Ghana, la Turquie, le Koweït, l’Inde, l’Algérie, la Tunisie, la Biélorussie et l’Indonésie.
Les restrictions à l’exportation ont aggravé une mauvaise situation, contribuant à la pénurie alimentaire et à la hausse des prix des denrées alimentaires, déplore la Banque mondiale, qui ajoute que ces mesures ont entrainé la hausse des prix estimée, respectivement, à 12,3%, 9% et 8,9% des produits tels que le riz, le blé et les fruits.
Tendance inquiétante
La propagation des restrictions commerciales est inquiétante car elle affecte l’approvisionnement international en denrées alimentaires, a souligné le FMI dans un rapport rédigé par une quinzaine d’experts, et publié le 20 septembre 2022.
Le rapport, intitulé en anglais « Tackling the Global Food Crisis: Impact, Policy Response, and the Role of the IMF », affirme que de telles restrictions créent une plus grande incertitude et une volatilité du marché, et pourraient conduire à des mesures de rétorsion.
Lorsqu’on tient compte des perturbations des transports, on constate que les politiques commerciales restrictives ont contribué à une baisse importante du commerce mondial de biens en 2022, indique le FMI, précisant toutefois que l’expérience de 1973 et 2008 suggère clairement que les barrières commerciales sont généralement inefficaces pour stabiliser les prix intérieurs.
A en croire Alvaro Espitia, Nadia Rocha et Michele Ruta, trois experts de la Banque mondiale, continuer sur la voie de politiques commerciales non coopératives amplifierait le choc et aggraverait l’inflation mondiale des prix alimentaires.