Le Bénin figure parmi les pays épinglés pour trafic de drogue en Afrique de l’Ouest. Ce business illicite nourrit à la chaine plusieurs acteurs connus ou insoupçonnés. Entre 2023-2024, d’importantes saisies de drogue ont été effectuées dans ce pays.
Belmondo ATIKPO
Selon le rapport (WENDU) publié en 2024, le Bénin est en tête des saisies de drogues en 2023 avec plus de 16 000 kg interceptés. Les forces de l’ordre béninoises ont saisi plus de 16 000 kg de drogues en 2023, principalement du cannabis, selon un rapport du Réseau ouest-africain d’épidémiologie sur la consommation de drogues (WENDU) publié le 11 septembre 2024. Avec un total de 16 454,63 kg de substances illégales, dont 13 704,06 kg de cannabis, le Bénin se classe en tête des pays ouest-africains pour les saisies de drogues. D’autres stupéfiants, comme la cocaïne, l’héroïne et la méthamphétamine, ont également été interceptés. En plus de ces saisies, 490 personnes ont été arrêtées, parmi lesquelles 69 femmes, la majorité étant de nationalité béninoise. Les saisies signalées ont été effectuées au Bénin, en Gambie, au Ghana, au Sénégal et au Togo. Le STA saisi en plus grande quantité en 2023 était la cathinone (Khat), une substance psychoactive d’origine végétale inscrite au titre de la Convention des Nations Unies de 1971 sur les substances psychotropes.
Les Zémidjans « accro » de la drogue
Le Bénin n’est pas qu’une plaque tournante. Il devient, de plus en plus, un lieu de forte consommation. La consommation de tramadol et de cannabis, entre autres substances psychoactives, a des conséquences sanitaires graves, même si leur vente illégale et leur consommation abusive ont été freinées par la traque menée ces dernières années. Plusieurs groupes sociaux sont concernés, surtout les adolescentes et adolescents mais aussi celles et ceux qui exercent des métiers pénibles ainsi que les conducteurs de taxis-motos. Parmi les facteurs qui fondent la consommation de substances psychoactives chez les conducteurs de taxis-motos, on citera : la pénibilité du travail ou la « nécessité de tenir la route à tout prix » ; les antécédents personnels ; la recherche de performance et/ou d’endurance au guidon et donc la lutte contre les fatigues ; la peur (liée à la crainte de ne pas atteindre ses propres objectifs et d’honorer les engagements envers les propriétaires de motos) et du stress constants (du fait du rythme du travail, des répressions policières réelles ou pressenties…) ; le soulagement des douleurs physiques et morales ; la recherche du plaisir et l’appartenance à des réseaux relationnels pratiquants ou addictifs ; la jeunesse des conducteurs de taxis-motos ; la méconnaissance des revers et retombées liés à la trop forte consommation des médicaments et surtout des SPA ; la recherche active, voire effrénée de gains au prix de tous les sacrifices pour répondre aux obligations, subvenir aux besoins, payer les tontines, « assurer » dans les groupes de pairs et faire face à d’autres contraintes existentielles ; l’échec de la répression. Il n’existe pas de données fiables sur la consommation de tramadol et des substances psychoactives par les conducteurs de motos-taxis au Bénin. Cependant, on constate une recrudescence de l’usage non médical de ces produits par ces acteurs. Cet usage est souvent observé chez les conducteurs de taxis qui travaillent de jour comme de nuit et qui se surnomment « Zò mă ci » (littéralement « sans éteindre le feu, sans arrêt »). Ceux qui sont sous contrat se voient confier des motos ou squattent des motos et sont soumis à des contraintes en termes de gains. Ils roulent, « sans couper le moteur », du matin au soir et même la nuit.
Les cartels de la drogue tapis dans l’ombre
Au plan économique, le commerce illicite du tabac entraîne des pertes de revenus considérables pour le gouvernement en raison de l’évasion fiscale. Cette perte de revenus entrave la capacité du gouvernement à financer les services publics, notamment les soins de santé, l’éducation et les infrastructures. Les cartels de la drogue sont des acteurs du crime puissants et bien organisés qui disposent de suffisamment de ressources pour ébranler les mécanismes de sécurité des États faibles. La volonté politique ne suffit pas, les gouvernements et leurs partenaires doivent fournir des ressources idoines à leurs institutions pour résister à la corruption et à l’infiltration. Depuis juillet 2021, 4,7 tonnes de drogue, dont 613 kg de cocaïne, ont été incinérées par des fonctionnaires béninois. Cependant, ces mesures ne semblent pas dissuader les trafiquants.
Le Burkina Faso tient le record au Sahel
Selon le rapport de juin 2023 de l’ONUDC sur le trafic de drogue, la plus grande saisie de cocaïne (488 kilos) dans le sahel est signalée par le Burkina Faso. En mai 2022, le service des douanes de Bobo-Dioulasso a annoncé avoir saisi 96 plaquettes de cocaïne d’un poids total 115 118 kilos dont la valeur est estimée à plus de 7 milliards de FCFA (11 millions de dollars). La drogue a été dissimulée dans des cavités spécialement aménagées dans un véhicule d’immatriculation étrangère, contenue dans 112 sacs de 100kg chacun. Les trafiquants, selon le service des douanes, ont voulu faire passer ces produits illicites pour des farines de manioc.
En août 2022 au Mali, 160 kilos de cocaïne dissimulés dans une cache dans un véhicule, saisis au poste de Kourémalé, à la frontière avec la Guinée. C’est « l’une des plus importantes saisies de drogues des douanes maliennes durant ces dernières années », comme l’a indiqué un responsable du bureau d’investigation douanière en août 2022 au Mali. 12,5 millions de dollars, soit 8 milliards de FCFA est la valeur estimée pour cette drogue saisie.
En septembre 2022, la National Drug Law Enforcement Agency (NDLEA) a saisi 1,8 tonne de cocaïne dans un entrepôt au sein d’une propriété à Lagos, d’une valeur de plus de 278 millions de dollars, soit près de 183 milliards de FCFA. C’est la « plus grande saisie » de l’histoire de la cocaïne au Nigeria selon les agents anti-stupéfiants de ce pays de l’Afrique de l’Ouest. Les drogues étaient stockées dans 10 sacs de voyage et dans 13 barils. Il s’agit de 2,5 kg de cocaïne saisis en octobre dernier dans un entrepôt à Ekpè, dans la commune de Sèmè-Podji, près de Cotonou. Le procureur de la Cour de répression des infractions économiques et du terrorisme (CRIET) a indiqué avoir mis la main sur 12 personnes appartenant à un réseau de cartel utilisant l’Afrique de l’Ouest comme transit.
Le phénomène a la peau dure en Afrique
Environ 3 tonnes de cocaïne ont été saisies sur un navire arraisonné au large du Sénégal avec 10 personnes dont un Sénégalais à bord. C’est une saisie record, selon la marine sénégalaise qui a effectué l’opération le 28 novembre dernier. 800 kilos de cocaïne avaient été saisis en janvier dernier au large des côtes sénégalaises sur un navire. Quelques mois plus tôt, en octobre 2022, 300 kilogrammes de cocaïne étaient saisis par la douane sénégalaise. 200 kilogrammes de cocaïne, c’est ce que la police d’Agadez (Niger) a retrouvé dans le véhicule du maire de la bourgade de Fachi en janvier 2022. Selon les autorités sécuritaires, c’est la première fois qu’une telle quantité de drogue a été saisie au Niger. Et c’est dans le véhicule d’une autorité administrative après une fouille minutieuse. Il s’agissait de 199 briquets de cocaïne d’une valeur estimée à près de 9 millions de dollars. Cette quantité de drogue retrouvée dans son véhicule laisse déduire les enquêteurs que le maire n’était pas à son premier coup d’essai. Lui et son chauffeur ont été arrêtés et la drogue saisie par l’Office central de répression du trafic illicite des stupéfiants (OCRTIS). Cela se passait le 4 novembre dernier dans le Golfe de Guinée sur un bateau de pêche en provenance de l’Amérique latine. 880 kilogrammes de cocaïne ont été interceptés par le Mistral, deuxième plus grand navire de la France après Charles-De-Gaulles, présent dans le Golfe de Guinée dans le cadre de la mission Corymbe. Et c’est au large de l’Afrique de l’Ouest que cette saisie a été effectuée. Un communiqué de la Préfecture maritime de l’Atlantique a précisé que c’est l’Office anti-stupéfiant (Ofast) qui a « sollicité l’intervention de la Marine nationale, à la lumière d’informations transmises par ses partenaires brésiliens, américains et britanniques ». La drogue a été transbordée sur Mistral pour y être détruite. Selon les informations, 4,6 tonnes de cocaïne ont été saisies en décembre 2022, 5 tonnes et 2,4 tonnes respectivement en avril et septembre 2023, soit un total de plus de 12 tonnes de cocaïne saisies au large de l’Afrique de l’Ouest depuis décembre 2022.