Malgré de nombreux défis auxquels il est confronté, l’entrepreneuriat des jeunes et des femmes continue son bonhomme de chemin. Deux spécialistes du secteur déplorent l’indifférence des décideurs politiques face aux défis de ces entrepreneurs et laissent entendre qu’ils pouvaient faire plus si les États créaient des conditions favorables visant à les soutenir.
Issa DA SILVA SIKITI
« Avec la diminution des opportunités dans le secteur public et privé au cours des dernières décennies, la jeunesse africaine s’est de plus en plus tournée à l’entrepreneuriat pour créer ses propres revenus et ses opportunités d’emploi et l’entrepreneuriat féminin est également en hausse », ont écrit Zouera Youssoufou et Zakari Momodou, respectivement directrice générale et directeur des projets de la Fondation Aliko Dangote (ADF), dans un récent rapport intitulé « Foresight Africa 2024 ».
Cependant, ont-ils regretté, ces jeunes et ces femmes n’atteindront jamais leur plein potentiel si des investissements appropriés ne sont pas réalisés dans les éléments constitutifs des économies africaines. « Les conditions favorables, qui font cruellement défaut, comprennent des déficits importants en matière des infrastructures matérielles et immatérielles qui sous-tendent la croissance économique moderne et la prospérité.
A en croire ces experts ouest-africains de l’entreprenariat basés à Lagos, les femmes continuent d’être cantonnées à des secteurs de production à faible profit et à forte intensité de main-d’œuvre, avec une mobilité et un accès limité aux marchés, tandis que l’accès aux nouvelles technologies est également limité par l’énorme pénurie d’infrastructures d’ancrage, notamment l’électricité, les transports et les communications.
Coupures intempestives
Tumi, jeune entrepreneure nigériane, est désemparée par les coupures intempestives de courant au Nigeria qui terrassent les petites et moyennes entreprises (PME) lesquelles n’ont pas les grands moyens de s’équiper effectivement contre ces délestages macabres.
« Il faut investir massivement dans le domaine de l’électricité. Je crois que les infrastructures sont complètement détériorées, ce qui fait que le réseau électrique s’effondre de temps en temps. Entreprendre au Nigeria est devenu synonyme de se jeter dans la gueule du loup », s’offusque-t-elle.
Le Nigeria ne produit en moyenne que 4 000 mégawatts pour une population de plus de 210 millions d’habitants, alors que le pays a besoin de 30 000 mégawatts pour satisfaire la demande générale. Avec un taux d’accès de 80%, le Sénégal est le mieux électrifié en Afrique de l’Ouest, alors que près de 600 millions de personnes en Afrique subsaharienne n’ont pas toujours accès à l’électricité.
Zouera Youssoufou et Zakari Momodou soulignent dans ce rapport publié par la Brookings Institution qu’une électricité abordable est un élément fondamental de toute économie, et est essentielle à toutes les activités productives et à l’innovation, et plus encore pour le climat, la santé environnementale et les progrès technologiques.
En outre, pour booster l’essor de cet entrepreneuriat, ces intervenants lancent un appel solennel aux gouvernements africains d’investir dans l’éducation et les routes. « L’éducation accroît le pouvoir d’action des femmes, retarde les mariages prématurés et la procréation et constitue un outil de prévention des maladies », renchérissent-ils. Quant aux routes, elles sont les artères de l’économie qui facilitent l’innovation, la spécialisation et la compétitivité à travers le continent.