Une délégation de la Direction Régionale de la Société Financière Internationale (IFC) était en mission à Cotonou du 6 au 9 Septembre afin d’introduire Josiane Kwenda et Vincent Arthur Floreani, respectivement nouvelle Représentante Régionale et nouveau Responsable pays de l’IFC. A l’occasion, ils se sont prêtés à nos questions sur la mission de l’IFC au Bénin notamment, son apport à l’économie, et ce qu’elle entend faire les prochaines années. Dans les échanges, ils sont revenus sur les leçons à tirer du dernier diagnostic pays du secteur privé au Bénin publié par l’IFC et ce qu’elle projette faire pour accompagner le Bénin et son secteur privé.
L’IFC est la principale institution de développement axée sur le secteur privé dans les marchés émergents. Que retenir de vos interventions en générale et particulièrement au Bénin ?
La Société financière internationale (IFC), entité de la Banque mondiale, est la principale institution de développement axée sur le secteur privé dans les marchés émergents.
Nous investissons dans des projets portés par des promoteurs privés et dans des entreprises afin de soutenir la croissance et la création d’emplois. En complément, nous proposons aussi des services-conseils au secteur privé et aux gouvernements, en phase avec leur agenda de développement économique et du secteur privé.
A ce jour, IFC a un portefeuille d’investissement actif au Bénin d’une vingtaine de millions de dollars US, axé principalement sur le financement des PME par le biais de banques locales telles que Banque Atlantique, Bank of Africa, Coris, et NSIA. Ces dernières ont à ce jour financé environ 400 PME aux Bénin. En parallèle, IFC dispose aussi d’un portefeuille de services-conseils de 1.5 millions de dollars US (notamment dans le domaine de l’agro-industrie).
Quels sont ces axes que vous envisagez impacter à court, moyen et long terme?
A court et moyen terme, IFC vise à élargir et accroitre ses interventions au Bénin en se focalisant notamment sur des investissements directs dans le domaine de l’industrialisation, l’énergie et de l’agriculture.
En termes d’engagements historiques, nous pouvons mentionner :
Notre rôle de conseiller dans l’accord de concession d’un partenariat public-privé visant à développer et à exploiter le port autonome de Cotonou, un projet qui a apporté plus de 250 millions de dollars d’investissements privés et créé plus de 450 emplois.
Tout au long de la pandémie, IFC a fourni des financements pour maintenir le flux des échanges commerciaux, assurer la disponibilité de l’approvisionnement énergétique et soutenir les petites et moyennes entreprises.
En collaboration avec la Banque mondiale, IFC a aidé à libérer le potentiel touristique du pays grâce au projet Tourisme et Compétitivité. Avec cette initiative, IFC a soutenu les PME tout au long de la chaîne de valeur du tourisme à accéder à des financements grâce à une facilité de 10 millions de dollars US en faveur de Bank of Africa.
Afin d’accroître sa présence au Bénin, IFC a ouvert son bureau à Cotonou en octobre 2019. Un responsable pays permanent a été nommé en novembre 2020 pour travailler en étroite collaboration avec le gouvernement et les partenaires et renforcer le soutien d’IFC au développement du secteur privé dans le pays. Cyndo Obre fut le premier responsable pays. Vincent Arthur Floreani est le second.
Comment comptez-vous accompagner l’Etat béninois à améliorer le climat des affaires et à capter davantage d’investissements ?
Au sujet du climat des affaires, beaucoup d’efforts ont été entrepris et les résultats sont désormais tangibles et visibles. En parallèle, le pays a enregistré des véritables succès de développement et a lancé de grands projets.
Il s’agit de voir désormais comment et sous quelles conditions des investisseurs privés soutenus par IFC pourraient prendre part à ces initiatives d’envergure bien souvent initiées par la puissance publique.
Pour ce faire, il s’agit de concevoir des modèleelés d’interventions adaptés tirant pleinement profit de ces potentialités nouvelles particulièrement dans les domaines de l’industrie, de l’agriculture, du tourisme, des infrastructures, des industries culturelles et créatives et du logement.
A ce titre, IFC a développé depuis quelques années un nouveau mode d’intervention pré-investissement (upstream). Prenant par exemple la forme d’études de faisabilité/de marché, cette approche aide à la préparation des projets et permet ainsi de les codévelopper en amont avec leurs sponsors privés et ce afin de les soutenir en aval financièrement.
C’est une approche qui est utilisée à ce jour au Bénin dans le domaine des infrastructures de télécommunication et qui pourrait être répliquée dans d’autres secteurs.
L’IFC consacre son capital, ses compétences et son influence à la création de marchés et de débouchés dans les pays en développement. Quels sont vos projets pour le Bénin dans ce sens ?
En plus des projets en cours d’instruction dans les domaines stratégiques de l’industrialisation, de l’énergie et de l’agriculture ainsi que nos activités avec les banques locales en faveur des PME, IFC explore un certain nombre d’opportunités dans les domaines du transport et de la logistique, des infrastructures de télécommunication, du logement et des industries culturelles et créatives.
Pour faire aboutir ces opportunités, IFC pourrait être amené à utiliser des services d’assistance technique et des activités dédiées de préinvestissement. En parallèle, ces projets potentiels pourraient être considérés en partenariat avec un certain nombre de structures locales stratégiques pour le développement économique du Bénin.
L’IFC a récemment réalisé le Diagnostic du secteur privé du Béenin (CPSD). Quels sont les grands enseignements de ce rapport?
Afin d’identifier les opportunités pour renforcer et élargir son engagement au Bénin, IFC a finalisé un diagnostic pays du secteur privé (Benin – Country Private Sector Diagnostic) qui identifie les trois secteurs porteurs qui boosteront l’économie du Béenin. Il s’agit de l’agrobusiness, du tourisme, et de l’intégration régionale.
En quelques mots :
Le Bénin peut créer des emplois de qualité, renforcer son économie et réduire son niveau de pauvreté en favorisant la participation du secteur privé dans les secteurs de l’agro-industrie et du tourisme et en saisissant les opportunités offertes par l’intégration régionale.
Dans l’agro-industrie, le rapport souligne qu’une plus grande participation du secteur privé à la production agricole (ananas et soja, notamment), un meilleur accès aux marchés et la mise en place de mécanismes permettant d’attirer des financements agricoles stimuleraient la croissance du secteur qui fournit 40 % des emplois dans le pays. La zone économique spéciale de Glo-Djigbé, créée en 2021, offre une plateforme idéale pour favoriser la transformation des produits agricoles et stimuler les exportations.
En ce qui concerne le tourisme, le rapport souligne que le Nigéria voisin — la plus grande économie africaine et le pays le plus peuplé du continent — représente une importante source de visiteurs qui est encore en grande partie inexploitée. Le Bénin abrite des paysages spectaculaires et des sites inscrits au Patrimoine mondial de l’UNESCO, dont la ville historique de Ouidah, mais la demande stagne depuis des années en raison de lacunes dans le développement du marché et la structuration de l’offre touristique.
Le rapport met également en lumière l’importance de la position stratégique du Bénin au croisement des corridors régionaux Abidjan-Lagos et Cotonou-Niamey. Cette position lui procure un avantage en tant que point de transit pour le commerce régional. Afin de créer plus d’opportunités économiques et d’emplois, le pays pourrait chercher à transformer ses corridors de transit en corridors économiques.
Afin de mieux exploiter le potentiel offert par le tourisme, le commerce régional et d’autres secteurs, le Bénin doit accélérer son programme de transformation numérique, notamment en simplifiant la réglementation et en autorisant une plus grande concurrence dans le secteur des télécommunications. Renforcer l’accès à l’énergie et accroitre la résilience du réseau électrique face aux chocs climatiques est également une priorité stratégique pour le Béenin.
Le secteur privé bénéficierait par ailleurs d’un meilleur accès au financement, notamment grâce aux solutions de financement numériques et au renforcement de l’infrastructure de crédit.
Quelles sont vos attentes par rapport au secteur privé?
Le secteur privé est le moteur de la croissance soutenable est inclusive. En favorisant son développement et son renforcement, IFC vise à réduire la pauvreté et à promouvoir une prospérité partagée en stimulant notamment la création d’emplois (souvent de meilleur qualité), en incitant l’investissement productif et en contribuant à l’émergence de services nouveaux et/ou de meilleure qualité.
Dans cette optique, nous visons à accroitre notre volume d’activité au Bénin en investissant directement dans des entreprises locales actives dans les secteurs de l’économie réelle en plus du soutien que nous avons pu apporter par le passé aux PME via les banques commerciales locales. En parallèle, nous envisageons de contribuer au développement des infrastructures du pays en encourageant des acteurs privés à investir dans des secteurs clés tels que les télécoms, l’énergie et la logistique/les transports.
Afin de renforcer nos liens avec le secteur privé béninois, nous organiserons prochainement des événements de sensibilisation avec les membres de ses structures représentatives.
Votre mot de la fin
Nous sommes pleinement mobilisés pour le développement du secteur privé au Bénin afin de soutenir le pays dans sa quête de l’émergence en ligne avec les priorités du Programme d’Action Gouvernementale (PAG). Nous espérons accroitre la taille et le champ de nos interventions dans le pays dans les mois qui arrivent tant en matière d’assistance technique que de financement.
En Encadré
Zoom sur la Nouvelle représentante régionale et le nouveau responsable pays IFC pour le Bénin
A propos de Josiane Kwenda, Représentante Régionale d’IFC pour le Bénin, la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Togo
Je suis Josiane Kwenda, Représentante Régionale d’IFC pour le Bénin, la Côte d’Ivoire, la Guinée et le Togo depuis le 1er juillet 2023 et basée à Abidjan. Dans ce nouveau rôle, je suis en charge de la stratégie et des opérations d’IFC visant à stimuler le développement du secteur privé et à favoriser une croissance économique durable et inclusive dans ces quatre pays.
J’occupais auparavant (et ce depuis 2020) des fonctions similaires à Dakar couvrant le Sénégal, le Cap-Vert, la Gambie, la Guinée-Bissau et la Mauritanie. J’évoluais précédemment au sein de l’unité Infrastructure d’IFC où j’ai structuré et dirigé des projets dans le secteur de l’énergie représentant un investissement total de plus de 800 millions de dollars pour des centrales thermiques et hydroélectriques en Afrique subsaharienne. En outre, j’ai dirigé les efforts d’identification et de développement de projets d’investissements dans les domaines de l’énergie et des transports en Afrique.
A propos de Vincent Arthur Floreani, nouveau responsable pays d’IFC au Bénin
Je suis Vincent Arthur Floreani, nouveau responsable pays d’IFC au Bénin depuis le 1er aout 2023. Dans ce rôle, je gère le bureau de IFCd’IFC à Cotonou et supervise le développement des projets de l’organisation en relation avec les industries d’IFC et les autres équipes responsables. J’aie rejoints IFC après 4 ½ ans au Fonds Européen d’Investissement (filiale de la Banque Européenne d’Investissement) où j’étais Business Development Manager en charge de la structuration et de la gestion d’instruments financiers axés sur les PME, l’innovation et l’agriculture en France et dans les Balkans occidentaux.
Avant de rejoindre le Fonds Européen d’investissement, je travaillais déjà à IFC, en tant qu’économiste, où j’étais en charge de l’analyse économique et de la stratégie pour la région Afrique, basé à Washington D.C. Plus tôt dans ma carrière, j’ai occupé divers postes au sein de la Banque mondiale, ainsi qu’à la Banque centrale européenne (BCE), au Fonds international de développement agricole (FIDA), à la Banque de France et au Trésor français. Je suis également professeur invité à SciencesPo Paris depuis 2021.
Réalisé par Bidossessi WANOU