La fiscalité est un aspect essentiel dans le fonctionnement et les charges d’une entreprise. Selon la catégorie, chaque entreprise est assujettie à des impôts donnés. Constant Bokini, Expert-comptable stagiaire, Directeur Général du cabinet FAGE-Conseil, spécialisé en audit et fiscalité ainsi qu’en gestion des entreprises et enseignant dans les universités publiques et privées du Bénin, explique les obligations fiscales auxquelles sont astreintes les entreprises individuelles. Entretien…
Question : Qu’est-ce qu’une entreprise individuelle ?
Constant Bokini : Il faut dire que quand on parle d’entreprise, c’est toute activité économique créée par un humain et qui lui procure un revenu. Une entreprise individuelle est une entreprise créée par une seule personne. C’est l’initiative d’une seule personne qui met en place un certain nombre d’éléments, comme des éléments matériels, l’élément humain qui est lui-même et des moyens financiers afin de créer l’activité économique pour en tirer un profit. Au sens de la fiscalité, au Bénin, on parle d’entreprise individuelle quand il s’agit d’un établissement ou d’une société unipersonnelle à responsabilité limitée. Je vous dirai la différence entre les deux. Quand il s’agit d’une entreprise individuelle ou établissement, c’est pour dire que cette activité, c’est comme si la personne qui l’a créée est lui-même son employeur. Il obtient donc des revenus à partir de ces activités pour financer son entreprise et sa maison. Ce qui fait que quand tu es une entreprise individuelle, tes biens sont confondus à ta personne. C’est-à-dire que quand l’entreprise doit de l’argent, tu peux aller prélever sur tes propres revenus pour payer. S’agissant d’entreprise individuelle établissement, vous avez droit à la carte de commerçant. Cela veut dire que vous ne pouvez pas importer des marchandises. Vous pouvez acheter et revendre sur le territoire national. Vous ne pouvez pas importer des marchandises tout simplement parce qu’il s’agit d’une entreprise individuelle attachée à votre personne. S’agissant d’une société unipersonnelle à responsabilité limitée (Sarl unipersonnelle), c’est une forme hybride de société par actions. On estime que la société a une personnalité morale et la personne physique qui l’a créée a une personnalité physique. Mais ici, quand c’est unipersonnel, ça fonctionne comme un établissement. La seule différence est que, c’est une société dans laquelle votre responsabilité est limitée au capital que vous avez pris pour créer. Ce qui veut dire qu’en cas de dette, de déficit ou de problème, c’est vos apports qui vont constituer ce qu’il faut pour faire face aux dettes et problèmes laissés par la société. De l’autre côté, vous avez droit à une carte d’importateur. Vous pouvez importer ou exporter des biens.
Quels sont les impôts auxquels ces entreprises sont-elles assujetties ?
Quand vous avez une entreprise individuelle (établissement), d’office, elle répond au régime de la Taxe professionnelle synthétique (TPS). Ce type d’impôt est calculé en fonction d’un taux affecté sur le chiffre d’affaires. Quand on parle de chiffre d’affaires, c’est tout ce qui a constitué les produits, tout ce que vous avez pu encaisser en menant vos activités. Ça peut être les ventes, les prestations de services. Si c’est une entreprise individuelle, c’est tout ce qui constitue les entrées de fonds au sens des activités que vous menez. Au Bénin actuellement, la TPS est tombée à 5%. Donc le chiffre d’affaires multiplié par 5% donne le montant de la TPS à payer. Donc une entreprise individuelle établissement est assujettie à la TPS. Mais il y a une nuance. Dès que le chiffre d’affaires dépasse les 50 millions, vous passez à un reclassement. Il y a des niveaux de chiffres d’affaires qui catégorisent les établissements. De 0 à 20 millions de FCFA, on parle par exemple de micro-entreprise. De 20 à 50 millions, on parle de petite entreprise. Et à partir de 50 millions, vous allez dans un système qu’on appelle le réel. En ce moment-là, vous répondez exactement au critère de fonctionnement des sociétés. Et le critère est simple. Quand c’est une entreprise individuelle qui se retrouve là-bas, c’est une entreprise au réel et elle est passible du bénéfice des affaires. Le bénéfice des affaires, c’est ce qu’on appelle l’impôt sur le revenu des personnes physiques. Puisqu’on a dit qu’un établissement est attaché à la personne physique. Mais en ce moment, comme c’est un établissement, vous allez payer ce qu’on appelle le bénéfice des affaires. Si vous n’êtes pas une société, vous ne pouvez pas payer l’impôt sur les sociétés. Il y a un taux qui frappe le bénéfice des affaires. Et l’impôt sur le revenu des personnes physiques (IRPP), c’est des barèmes.
Comment sont calculés ces impôts ?
En fonction du chiffre d’affaires que vous faites, vous enlevez tout ce que vous avez comme charges, et c’est le revenu que vous prenez. Beaucoup de gens confondent le revenu au chiffre d’affaires. Le revenu, c’est ce que vous obtenez en croisant vos produits et vos charges. C’est-à-dire, en faisant la différence entre tout ce qui est entrées et sorties en fonction de l’activité de l’entreprise. La confrontation entre les produits et les charges de l’entreprise vous donne un résultat. Et c’est à ce résultat que vous appliquez les barèmes de l’IRPP contenus dans le Code général des impôts. Quand vous l’appliquez à l’IRPP, vous avez ce qu’on appelle l’IRPP global. Et il y a des abattements en fonction de certaines charges familiales. C’est une entreprise individuelle. On estime que vous avez des charges. Dès que vous êtes une société unipersonnelle à responsabilité limitée, actuellement, vous êtes passible de l’Impôt sur les sociétés. Vous devez procéder à vos déclarations de TVA et de l’AIB sur vos prestataires, vous devez payer l’impôt sur le traitement des salaires aux fonctionnaires, vous devez payer la cotisation de la CCI-Bénin, vous devez payer le prélèvement pour enlèvement d’ordures. Vous devez payer la taxe radiophonique et la taxe télévisuelle. Si l’entreprise a de véhicule, vous devez payer la taxe sur les véhicules de société. Tous ces impôts sont à payer pour ce qui concerne les sociétés. En dehors de la TPS et du bénéfice des affaires, les entreprises individuelles paient aussi les cotisations à la CCI-Bénin, les taxes pour prélèvement et enlèvement d’ordures, les taxes radiophoniques et télévisuelles.
Quels sont donc les montants ?
Quand on veut parler des montants, il y a des impôts minimums. Je prends par exemple le cas d’une entreprise individuelle qui est à la TPS et qui demande des attestations fiscales. Cela veut dire que malgré le fait que c’est un établissement, donc rattaché à une personne physique, il va postuler à des marchés publics. Il doit alors prendre une attestation fiscale. Le minimum d’impôt qu’il peut payer, c’est 150.000 f par an. Mais s’il est micro-entreprise et ne postule pas aux marchés publics, le minimum c’est 10.000f d’impôt. Là aussi, il y a des barèmes de TPS qu’il faut voir en fonction du chiffre d’affaires. Quand on vient du côté des sociétés unipersonnelles, c’est-à-dire d’une entreprise individuelle qui a muté vers le régime du réel, 50 millions de chiffres d’affaires et plus, on considère cela déjà comme une entreprise moyenne. Alors, ça fonctionne avec les mêmes types d’impôts. Dans ce cas, il y a l’impôt sur le bénéfice des affaires et les autres impôts que j’ai cités en plus de la TVA. A partir de là, il faut commencer à déclarer la TVA normalement. Par contre, quand c’est une société unipersonnelle, d’office, elle est assujettie à l’impôt sur les sociétés, qui est la base. Et de 0 à 50 millions, elle n’est pas astreinte à faire des déclarations de TVA. Quand le chiffre d’affaires dépasse les 50 millions, il faut déclarer et payer la TVA. La différence entre les deux types d’entreprises, c’est que quand le chiffre d’affaires ne dépasse pas les 50 millions, la société unipersonnelle n’est pas dans l’obligation de déclarer et de payer la TVA. Elle peut faire l’option de déclarer, de collecter et de payer la TVA.
Quels sont les documents à fournir ?
Nous sommes dans un système déclaratif où les activités économiques relèvent du commerce. Le seul moyen de preuve admis c’est l’écrit. Toute entreprise est assujettie à tenir une comptabilité, qu’elle soit entreprise individuelle, société unipersonnelle ou autre. Lorsqu’une entreprise individuelle relève de la TPS, on lui demande de tenir des registres de dépenses et de recettes dans lesquels elle doit enregistrer au jour le jour les recettes et les dépenses. C’est une comptabilité de caisse. Elle doit pouvoir justifier de sa comptabilité au niveau de l’administration fiscale. En ce qui concerne les sociétés unipersonnelles à responsabilité limitée, elles sont assujetties à la tenue des livres légaux. Pourquoi dit-on livres légaux ? C’est des documents qu’on achète, qu’on envoie au tribunal pour que ce soit codé et paraphé par le greffier du tribunal afin de tenir une comptabilité probante et sécurisée. Il s’agit du livre-journal dans lequel il faut enregistrer les écritures au jour le jour, le livre d’inventaire qui tient compte du patrimoine de l’entreprise, le grand livre des comptes et le livre de paie pour les salariés. Vous choisissez de tenir une comptabilité informatisée ou manuelle. De toute façon, au jour d’aujourd’hui, la comptabilité manuelle n’est pas encore supprimée. Au-delà de tout cela, toutes les entreprises sont astreintes à des délais en matière de déclaration et de tenue des comptes.
En quoi consistent les délais ?
Il y a des déclarations annuelles et des déclarations périodiques. En ce qui concerne la TPS par exemple, il y a deux échéances. Ce que vous avez payé comme impôt l’année précédente, vous le payez comme acompte. C’est comme si vous faisiez des provisions dans les caisses de l’Etat, en prélude au paiement des impôts de l’exercice qui va finir. Qu’est-ce qu’il faut faire ? Le montant que vous avez payé à la TPS en fin d’année, devient le montant des acomptes que vous payez en deux fois. La première fois doit échoir au 10 février et la seconde fois le 10 mars au plus tard. En ce qui concerne les sociétés, elles sont astreintes à quatre échéances, à raison d’une échéance par trimestre jusqu’à la fin de l’année. Le minimum d’impôt à ce niveau est de 250.000 F. C’est-à-dire qu’une entreprise qui n’a rien fait, comme à la TPS c’est 75.000 deux fois, ici, c’est 250.000 divisés par 4 tous les trimestres jusqu’à la fin de l’année. C’est en fin d’année, après avoir fait le bilan, que vous déterminez réellement le bénéfice, c’est-à-dire le revenu et l’impôt afférent. Vous payez maintenant pour voir si dans vos acomptes vous avez payé en trop ou en moins. Si c’est en moins, vous augmentez. Si c’est en trop, vous obtenez un crédit d’impôt. Et tout cela doit être justifié. Les déclarations annuelles, ce sont les bilans qu’on fait en fin d’année et qu’on dépose aux Impôts au plus tard le 30 avril de l’année qui suit l’année qui vient d’être clôturée. Et pour pouvoir le faire, il faut faire le bilan. C’est le bilan qui retrace les activités que vous avez faites et détermine le revenu sur lequel sera calculé l’impôt que vous allez payer. Et toutes les entreprises y sont assujetties.
Quels conseils pouvez-vous donner aux entreprises ?
Ce que nous conseillons, c’est de se faire accompagner, se faire assister et se faire conseiller pour payer le juste impôt. L’optimisation fiscale consiste pour les entreprises comme pour les particuliers de payer le juste impôt pour ne pas payer par ignorance plus d’impôt. Et pour ne pas se trouver dans une situation délicate avec l’administration fiscale. Parce que quand vous ne faites pas vos déclarations à temps ces déclarations sont amendées et vous allez payer les pénalités qui tombent. La fiscalité est une matière très difficile parce qu’elle est très dynamique. Que ce soit une petite entreprise ou une grande, il faut pouvoir trouver quelqu’un qui vous assiste et lui payer même un montant forfaitaire. Cela vous évite d’aller en roue libre et d’aller après payer des pénalités.
Entretien réalisé par Olivier ALLOCHEME