Alors qu’elle reposait fondamentalement sur une agriculture d’exportation, l’économie béninoise depuis quelques années, intègre amplement l’industrie de transformation. Avec sa cité industrielle unique au monde, de par ses facilités : la Zone économique de Glo-Djigbé, le Bénin se positionne avec dextérité sur le toit de l’industrie africaine. A l’occasion de la Journée mondiale pour l’industrialisation de l’Afrique, L’économiste du Bénin, à travers ces lignes, vous fait (re)découvrir ce patrimoine industriel dont la métamorphose suscite admiration et attractivité.
Sylvestre TCHOMAKOU
Après plusieurs décennies passées à câliner le statut de spectateur joyeux et sans voix des marchés mondiaux en raison de sa forte dépendance de l’exportation tout azimut de ses matières premières agricoles à forte attractivité, le Bénin s’ingénie à creuser son sillon dans l’économie industrielle. Dans un contexte mondial de libéralisation des échanges, des investissements, et des flux de capitaux ainsi que des progrès technologiques, le pays, avec Arise Integrated Industrial Platforms (Arise IIP), développeur de plateformes industrielles intégrées, s’est engagé dans la création d’une cité industrielle plus cohérente et plus ambitieuse que les Zones franches industrielles enregistrées par le passé. Il s’agit de la Zone industrielle de Glo-Djigbé Zè (GDIZ). Installée sur 1640 hectares (ha), cette zone créée le 05 février 2020 et axée sur la création de florissantes chaînes de valeur, se veut de faire du Bénin un hub industriel et d’assurer la transformation des produits agricoles notamment le cajou, le coton, le karité, l’ananas. Un projet qui n’est que la suite conséquente de l’impressionnante croissance économique du Bénin depuis 2016 qui s’appuie sur l’agriculture.
En clair, il s’agit pour le Bénin respectivement 3ème producteur d’anacarde, 3ème producteur d’ananas, 6ème producteur de Karité et 1er producteur de coton en Afrique de l’Ouest, de traiter au niveau local, ces matières agricoles avant de les mettre sur le marché. Une politique qui répond aux recommandations des Nations Unies notamment la CNUCED (Conférence des Nations Unies sur le Commerce et le Développement) qui dans son « rapport 2022 sur le développement économique en Afrique » a noté que « la dépendance à l’égard des exportations de produits de base a laissé les économies africaines vulnérables aux chocs mondiaux et a entravé le développement inclusif pendant trop longtemps ».
Le Bénin, la plateforme textile de l’Afrique de l’Ouest en devenir
La contribution de cette zone aux exportations et au PIB du Bénin est annoncée significative. D’après l’APIEx et la SIPI-Bénin, avec ce projet, le Bénin connaîtra une augmentation de ses exportations de 5 à 10 Milliards de dollars US et une augmentation de son PIB de 4 à 7 Milliards de dollars US d’ici dix (10) ans. 6 unités industrielles de transformation de fibre de coton d’une capacité totale de 100.000 tonnes, 29 unités industrielles de confection de vêtements, 14 unités industrielles de transformation de noix de cajou d’une capacité totale de plus de 150.000 tonnes et 10 unités industrielles de tout type sont annoncées pour s’installer dans la Zone à l’horizon 2026. D’ailleurs, les investisseurs n’ont pas attendu la fin de la phase 1 du projet qui couvre 485 hectares pour marquer leur adhésion à la vision du Bénin. Le bal de la quarantaine d’investisseurs que connaît aujourd’hui la zone s’est ouvert avec l’entreprise « M Auto electric mobility » qui a signé en avril 2021, son protocole d’accord d’installation au sein de la GDIZ. En octobre de la même année, c’est le Groupe AIGLE, spécialisé dans la filature, le tricotage et la confection de vêtements qui a signé son contrat d’installation d’une unité de textile industrielle sur une superficie de 40.000 m², pour transformer le coton béninois en produits tricotés et tissés qui seront exportés vers l’Europe, le Moyen-Orient et la Turquie. Devant démarrer sa production d’ici fin 2022, ce leader du textile entend créer un total de 60 000 emplois directs et indirects à horizon 2027 au Bénin. Quant à M-AUTO, avec un investissement de plus de 20 millions de dollars US, soit plus de 12 milliards FCFA, elle entend créer une chaîne de production de 1 000 motos et 30 tricycles électriques par jour qui, à terme, emploiera plus de 1 500 Béninois et Béninoises.
Briser les liens du chômage
Quoique mobilisant de grosses cylindrées du monde des affaires, l’historique projet de la GDIZ se présente comme une opportunité pour les nombreux jeunes Béninois cuvant le chômage. En effet, grâce aux différentes activités à développer dans la zone, 300.000 à 350.000 emplois sont prévus d’ici 2030, notamment 100.000 emplois dans la transformation de noix de cajou et 200.000 à 250.000 emplois dans la filature/ tissage du coton et la fabrication de vêtements. Conscientes de l’importance de former des mains d’œuvre locales aptes à saisir ces opportunités, notamment dans l’industrie textile, les entreprises en charge de l’aménagement et de l’exploitation de la zone (APIEx et SIPI-Bénin) accueillent déjà plusieurs centaines de jeunes dans les ateliers de formation aux métiers du textile. Grâce à cette formation qui a débuté en 2022, il est loisible de constater que des chemises se confectionnent déjà par les jeunes en formation dans la filature, la couture et autres spécificités du textile.
Le projet de la GDIZ, au-delà de la kyrielle d’opportunités qu’il offre au plan national, à l’horizon 2025 devrait permettre au Bénin de se positionner de plus bel dans les échanges intra-communautaires. S’inscrivant dans la dynamique de faire s’estomper le rythme d’exportation de ses matières premières agricoles à l’état brut, le Bénin qui partage ses frontières avec le Togo, le Nigéria, le Niger et le Burkina Faso, se révèle au monde, à n’en point douter, comme un carrefour d’affaires.