Les croupions de dinde trouvent toujours les moyens de transiter le territoire béninois et se retrouvent dans les assiettes, malgré l’interdiction de son commerce. Une intoxication alimentaire qui perdure en raison de l’ignorance des consommateurs et de la légèreté des autorités.
Félicienne HOUESSOU
Interdit mais vendu au vu et au su de tous. Devant les restaurants et bars de la ville de Cotonou, dans les marchés et abords de vons, les bonnes dames installent confortablement et avec quiétude leurs étalages de piron et pâte rouge accompagnés de croupions de dinde fris ou braisés. Comme tous les soirs, dame Josée, vendeuse de piron et pâte rouge à Aïbatin vient juste de s’installer. Elle s’affaire pour tout apprêter afin de satisfaire les clients. Aussitôt descendu de sa voiture, Eric, le premier client, indique du doigt chaque mesure de croupions pour connaître les prix. Enfin, ‘’emballez moi 3 de 1000F’’, dit-il. Interrogé sur les risques sanitaires liés à cet aliment, ce dernier n’hésite pas à tout banaliser. « Mes parents ont consommé cette viande sans avoir de problème. Donc ce n’est pas pour moi que les croupions de dinde deviendront un souci sanitaire », affirme-t-il. Pour sa part, dame Josée confie que les clients préfèrent les croupions de dinde plus que l’aileron qu’elle vend aussi. « Non seulement les clients en raffolent mais c’est plus bénéfique pour moi », martèle-t-elle.
Conformément à l’arrêté Interministériel n°347/MCAT/MDRAC/MSP/CAB/DCE/DCI du 24 décembre 1990, le Bénin a interdit l’importation et la commercialisation des croupions de dinde sur le territoire national. Et pour cause, ce produit encore appelé ‘’Adôgouigbinou’’ serait un aliment très dangereux pour la santé humaine. Force est de constater que malgré cette réglementation, des centaines de tonnes de ce produit circulent toujours sur le marché béninois et sont consommées par les populations. Certains commerçants se livrent toujours aux importations de croupions de dinde. Le business ne se fait plus officiellement. Désormais, il est bien protéger par les vendeurs. Au marché Dantokpa, seuls les habitués peuvent se procurer de cette viande. On retrouve les croupions de dinde chez les distributeurs de viandes et de poissons mais sous le nom de ‘’nivaquine’’. « C’est interdit, on ne peut pas vendre à quelqu’un sans le mot de passe », indique une distributrice installée au marché Dantokpa. Là, en demandant le produit, si ces commerçants sentent que le client n’est pas un habitué, ils disent qu’il n’y en a pas. Le véritable problème, c’est que les consommateurs en raffolent, ignorant les risquent d’intoxication alimentaires encourus.
Un délice qui peut entrainer la mort
Le croupion de dinde en dehors de ses constituants calorifique, est un aliment hautement cancérigène. Il est composé de 80% de matière grasse et se trouve ainsi à l’origine de plusieurs maladies dont la tension artérielle. En effet, pour élever les dindes, les acteurs leur injectent des hormones de croissance. Les résidus de ces hormones s’accumulent dans les croupions qui sont coupés à l’abatage parce que les hormones ne se dégradent pas facilement. De plus, sur le plan hygiénique la position du croupion à côté de l’anus pourrait être source de pathogène. Si dans les pays exportateurs, ce produit est utilisé pour l’alimentation du bétail, il est clair que c’est parce que ses dérivés de dinde sont reconnus comme des produits impropres à la consommation. Conscientes et sûrement informées de tous ces risques, il est assez curieux de voir les autorités béninoises qui ne bougent pas le petit doigt face à ce phénomène.
Les autorités togolaises donnent l’exemple
Face au constat de la commercialisation des croupions de dinde malgré son interdiction, le gouvernement togolais, dans un communiqué rendu public le mardi 29 septembre 2020, a mis en garde contre l’importation de cette viande. « Le ministre met en garde tous les opérateurs indélicats et tient à leur rappeler que la loi sera appliquée dans toute sa rigueur,” et que “des instructions fermes ont été données aux services techniques pour redoubler de vigilance et sévir conformément aux dispositions légales », peut-on lire dans le communiqué. Dans sa note, le ministre togolais de l’agriculture, de l’élevage, de la promotion animale et halieutique rappelle aux populations que les croupions de dinde importés sont cancérigènes et donc impropres à la consommation humaine, avant d’inviter expressément tous les opérateurs économiques concernés à plus de civisme et de responsabilité en leur demandant de se conformer scrupuleusement aux textes en vigueur.
Un laissez-aller meurtrier pour les populations
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