En France comme dans l’Union européenne, certains produits phytopharmaceutiques dont l’atrazine sont interdits de commercialisation et d’utilisation depuis 2003. Mais cela n’a pas empêché la France d’autoriser des exportations de cette substance chimique dangereuse vers les pays en voie de développement.
Sylvestre TCHOMAKOU
En douceur, tout fonctionne pour décimer l’Afrique sous le regard impuissant de ses dirigeants. Le vieux continent aurait-t-il signé un pacte avec les puissances étrangères pour être le réceptacle des sauvages produits scientifiques, notamment phytopharmaceutiques dont la fabrication et l’usage sont interdits en territoire européen ? Répondre par la négation relèverait d’un absurde refus de reconnaître l’incapacité des dirigeants africains à pouvoir, d’une même voix, se raidir contre les géants de l’agrochimie française et même européenne qui tentent de décimer en douce la population africaine. En effet, alors qu’en Europe depuis plus de dix ans, les substances agrochimiques tels que l’Atrazine, le propisochlore, le perméthrine, le nonylphénol, l’éthoxylé et bien d’autres sont interdites, sous le regard complice du gouvernement Français, en France, certaines entreprises véreuses de l’agrochimie continuent de les produire et de les exporter vers l’Afrique. Selon une enquête réalisée par Stéphane Mandard, journaliste au journal « Le Monde », « en France, en 2020 on continue de produire des pesticides ultra dangereux, interdits en Europe pour les écouler dans les pays du Tiers-Monde ». Loin d’être de petits pesticides qu’on emploie de façon anodine dans tous les jardins, ces substances sont plus toxiques. L’atrazine, pesticide le plus utilisé dans les champs de maïs à en croire l’enquêteur, bien qu’interdit en France et dans l’Union européenne depuis 2003 en raison de ses conséquences sur le développement ultra-utérin, est actuellement fabriqué en France avec pour destination les pays pauvres. « Il y a 19 sites en France qui tous les jours, vont produire ces pesticides interdits dans des endroits secrets. », souligne-t-il dans une vidéo dans laquelle il déplore le silence plat des autorités françaises. Les fabricants, ils se réfugient derrière le secret des affaires. Ne pouvant donc pas livrer sur le marché européen les substances reconnues toxiques, ces firmes qui ne réfléchissent qu’en termes de la « libre entreprise », de « business » accourent leurs produits vers les pays à faible revenu. Il s’agit des pays africains tels que le Mali, le Bénin, le Togo, la Tanzanie, et aussi l’Amérique latine, l’ex bloc d’Union soviétique. « Parce que les réglementations ne sont pas les mêmes qu’au niveau de l’Union européenne. », détaille Stéphane Mandard.
Atteinte aux droits de l’Homme
Les conséquences directes, elles sont liées à la contamination des produits consommables. Ce qui n’est pas sans effets sur la santé des populations africaines dans le rang desquelles le cancer se développe depuis quelques années. D’ailleurs, selon le journal français « 20minutes », des recherches menées sur des grenouilles par le biologiste Tyrone Hayes, professeur à l’université de Berkeley (Californie), établissaient aussi un lien entre l’atrazine et la formation de cancers de la prostate et du sein. Des conclusions contestées par Syngenta, principal producteur de l’atrazine. L’Institut national de recherche et de la santé médical (Inserm), pour sa part, en 2011, pointait dans une étude les effets néfastes de l’atrazine sur le développement des fœtus et sur le système neurologique des enfants. De son côté, « il s’agit aussi d’un produit très toxique pour la vie aquatique avec des effets de longue durée », tempête l’Agence européenne des produits chimiques. L’ONU, dans un rapport sur l’alimentation à en croire « Le Monde », a noté que cette pratique est une violation des droits de l’Homme. Comme pour maintenir ses citoyens hors du danger que présentent les pesticides décriés, la France n’a pas daigné reculer face à la pression qu’ont tenté de faire sur elle, les fabricants des produits phytosanitaires à travers l’Union de l’industrie de la protection des plantes (UIPP). Bien que l’UIPP qui rassemble dix-neuf entreprises, dont certaines sont à la fois productrices de pesticides et de semences, agite le chiffon rouge de 2700 emplois menacés, les députés français ont voté une loi qui interdit la production de ces pesticides dangereux à partir de 2022 en France. Le Conseil constitutionnel français pour sa part, conclut que « pour protéger l’environnement, ou la santé humaine, on pouvait tolérer certaines atteintes à la sacro-sainte qui est la liberté d’entreprendre mise en avant par les lobbies ». Et pourtant, elle laisse libre court à ce qui se révèle être dangereux pour la santé, couler vers d’autres Etats. A cette allure, point de doute que l’Afrique est considérée comme un champ dépotoir.
Business clandestin
Au Bénin, la commercialisation de l’atrazine s’est révélée effective après des investigations menées auprès de certains acteurs de l’Union Communale des Producteurs dans l’Atlantique. Toutefois, la vente se fait en toute clandestinité. Car, le gouvernement du Président Patrice Talon, à travers le ministère de l’Agriculture, de l’élevage et de la pêche, s’est engagé à réprimer les contrevenants. A en croire une des sources approchées, au lieu de l’herbicide « atrazine » qui intervient surtout dans les champs de maïs et aussi de manioc, le « Nicomaïs 40 sc » est l’herbicide disponible sur le marché contre les graminées et dicotylédones en culture du maïs. Cependant, renseigne-t-elle, dans certains circuits frauduleux, l’atrazine dont le coût varie entre 4 mille et 6 mille Francs CFA, continue d’exister hors du regard sur le marché. Mais, c’est sans compter sur la volonté du gouvernement de ne laisser libre court aux produits prohibés.
L’Etat béninois en veille
Dans une note circulaire avec pour références n°0999 /MAEP/DC/SGM/DPV/SA du 09 mars 2020, le ministre de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche a exprimé qu’en dépit des nombreuses séances d’informations et de sensibilisations organisées par les structures compétentes du ministère, les produits phytopharmaceutiques non homologués sont commercialisés sur toute l’étendue du territoire national. Ce, par des individus et structures non autorisés. A noter que le 12 février 2020, il a été rendu disponible en République du Bénin, par le Comité National de Gestion des Pesticides (CNGP), la liste actualisée des pesticides et biopesticides sous Autorisation Provisoire de Vente (APV) et Agrément Homologation (AH). Une liste qui comprend 73 substances autorisées, parmi lesquels ne figurent points les produits actuellement controversés, notamment l’Atrazine, le propisochlore, le perméthrine, le nonylphénol, l’éthoxylé. Rappelant les dispositions en vigueur au Bénin, principalement le décret n°92-258 du 18 septembre 1992 fixant les modalités d’application de la loi n° 91-004 du 11 février 1991 portant règlementation phytosanitaire en République du Bénin, ainsi que le décret n°2018-172 du 16 mai 2018 relative aux modalités d’application des règlements communautaires sur l’homologation des pesticides en République du Bénin, le ministre a instruit les directions départementales de l’agriculture, de l’élevage et de la pêche (DDAEP) à faire respecter les dispositions légales. « En tout état de cause, tout individu qui enfreindrait désormais à la règlementation en vigueur sera tenu responsable des déconvenues et subira la rigueur de la loi », conclut le ministre Gaston Dossouhoui dans sa note circulaire. Des éléments qui, vraisemblablement, viennent donner du crédit à l’existence sur le marché africain, de produits rejetés en France. Pour le cas du Bénin, le gouvernement n’étant pas distributeur des pesticides et biopesticides, plutôt les structures privées agréées, à travers les mesures précédemment citées, il s’assure de règlementer l’usage des produits phytopharmaceutiques. Même si des efforts, le gouvernement en consent pour le bien-être des populations avec la réglementation de ce secteur, le Bénin ne pourrait-il pas envisager l’agriculture biologique qui sait se passer des pesticides tels que l’atrazine, le glyphosate… et rémunère mieux d’ailleurs ?