Ils sont désormais deux à prôner la suspension de la dette des pays à faible revenu. Dans un message publié le 04 avril 2020, le président du Groupe de la Banque Africaine de Développement (BAD), Akinwumi Adesina, met en garde contre la distanciation budgétaire et, soutient l’appel lancé par le Secrétaire général des Nations unies pour reporter les paiements des prêts.
Félicienne HOUESSOU
En réponse à la propagation de l’épidémie à virus corona, plusieurs annoncent des mesures d’allégement de trésorerie, de restructuration de la dette, de moratoire sur le remboursement des prêts, d’assouplissement des normes réglementaires et des initiatives. Aux États-Unis, une enveloppe de plus de 2 000 milliards de dollars a déjà été annoncée, ainsi qu’une réduction des taux d’intérêt débiteurs de la Réserve fédérale et un apport de liquidités pour maintenir les marchés en activité. En Europe, les économies les plus vastes ont annoncé des mesures de relance de plus de 1 000 milliards d’euros. Et des mesures encore plus importantes sont attendues.
Mais, les pays en développement et pays à faible revenu ne disposent pas d’une marge de manœuvre suffisante pour faire face à la crise. Ainsi, Akinwumi Adesina, le président de la BAD dit soutenir l’appel urgent lancé par le secrétaire général des Nations unies, Antonio Guterres, pour la mise à disposition de ressources spéciales aux pays en développement à travers le monde. «Il est donc temps de prendre des mesures audacieuses. Nous devons reporter temporairement le remboursement de la dette contractée auprès des banques multilatérales de développement et des institutions financières internationales. Une des solutions est le reprofilage des prêts qui permettrait d’offrir aux pays une marge de manœuvre budgétaire pour faire face à cette crise », a-t-il recommandé. Cela signifie à son avis que le monde devrait être tourné vers des solutions d’entraide et de solidarité, car, un risque pour l’un est un risque pour tous. « Les économies en développement sont à l’heure actuelle, les plus vulnérables. Les solutions que nous proposons doivent aller au-delà de la simple augmentation du volume de prêts. Nous devons aller plus loin et fournir aux pays une aide financière urgente et indispensable, y compris aux pays en développement qui font actuellement l’objet de sanctions. Il faut être en vie pour rembourser ses dettes », a-t-il martelé.
L’urgence de prendre des mesures audacieuses
Des circonstances aussi extraordinaires appellent des mesures extraordinaires. Dès lors, pour la BAD, il est hors de question de faire comme d’habitude. Chaque jour, la situation évolue et exige une révision constante des mesures et stratégies de précaution. « Dans ce contexte, nous devons nous préoccuper de la capacité de chaque nation à riposter à cette crise. Nous devons également veiller à ce que les pays en développement soient prêts à naviguer, sans danger, dans ces eaux inconnues », a indiqué le leader de l’institution financière. Selon les Perspectives économiques en Afrique 2020 du Groupe de la Banque africaine de développement, les économies des pays en développement ne sont tout simplement pas en mesure de répondre à leurs engagements budgétaires qui ont été établis sur la base des prix du pétrole en vigueur avant l’épidémie de coronavirus. L’effondrement des prix du pétrole a plongé les économies africaines dans la détresse. De plus, dans le contexte actuel, une pénurie aiguë d’acheteurs est fort probable. Car, beaucoup réaffecteront les ressources à la lutte contre la pandémie de Covid-19. « Nous sommes prêts à soutenir l’Afrique à court et à long termes. Nous sommes prêts à déployer jusqu’à 50 milliards de dollars sur cinq ans dans des projets visant à aider l’Afrique à faire face aux coûts d’ajustement qu’elle devra supporter, pour faire face aux répercussions de la Covid-19, bien après le passage de la tempête actuelle. Mais un soutien plus important sera nécessaire. Levons toutes les sanctions pour l’instant. Même en temps de guerre, les cessez-le-feu sont appliqués pour des raisons humanitaires. Dans de telles situations, il y a un temps d’arrêt pour permettre aux secours d’atteindre les populations touchées », a souligné Akinwumi Adesina. La seule issue des pays en développement reste la solidarité dans tous les sens car, à en croire la BAD, si la situation actuelle persiste, l’Afrique pourrait même tomber en récession cette année.