Sa mission, le libre échange, la libre circulation des personnes et des biens, le renforcement de la compétitivité des activités économiques et financières des Etats membres… Bien que comptant un quart de siècle, les nations les composants ont, pour le grand ensemble, déjà bouclé un demi-siècle d’indépendance. L’UEMOA, à l’heure du bilan de ses 25 ans (réussites, faiblesses et défis), se révèle comme une nécessité, voire une obligation pour ses Etats membres.
Sylvestre TCHOMAKOU
Quoique de nombreux chantiers restent à réaliser, l’Uemoa a su imprimer sa marque dans le quotidien des Etats membres. Créée le 10 janvier 1994, si l’union a passé une partie de sa première décennie à asseoir un organigramme solide pour son rayonnement et à définir le cadre et les modalités des interventions dans tous les domaines de l’activité économique, pour la suite, d’ambitieux programmes et projets ont été réalisés dans chaque Etat membres, pour le bonheur des peuples. Avec respectivement soixante-trois (63)projets (2006-2010) et cent deux (102) autres (2012-2016), le Programme Economique Régional (PER I et II) adopté dans la deuxième décennie d’investissement de l’Union (2004-2014) a permis aux différents secteurs vitaux des huit Etats membres de connaître des bonds économiques et sociaux qualitatifs. Ainsi, du point de vue de la sécurité alimentaire et nutritionnelle, contrairement aux autres secteurs, l’agriculture a retenu, à elle seule, près de 20% des ressources financières propres de l’institution, pour divers projets concourant à éloigner les menaces récurrentes de famine dans l’Union. Dans ce sens, deux composantes principales ont été prises en compte, notamment la production agricole et la maîtrise de l’eau.
Une promotion diversifiée de la production agricole
S’agissant de la production agricole, l’union s’est investie dans : l’amélioration des conditions de production, le soutien à la production des semences céréalières, la conservation et le stockage de produits vivriers, la commercialisation des produits vivriers, la promotion de filières agricoles principales, la sécurité sanitaire des aliments et la protection des végétaux, ainsi que la lutte contre les ravageurs. Pour soulager les peines des agriculteurs en ce qui concerne le stockage des moissons, 393 magasins de 10 à 3 tonnes ont été construits à travers les huit Etats membres pour près de 30 milliards f cfa. Cette action, non seulement elle permet désormais à la région d’avoir une capacité de stockage de 273.100 tonnes de produits vivriers, mais aussi, créé de favorables conditions à la commercialisation des productions et à la constitution de réserves alimentaires pour les besoins d’interventions d’urgence alimentaire. Pour permettre une bonne structuration de ce secteur dans l’espace, il a été procédé à la création d’une Bourse régionale des produits vivriers (BRPV), ajouté au Projet d’appui à la recherche agricole, dont la mise en œuvre est confiée au Conseil Ouest et Centre Africain pour la Recherche et le Développement Agricole (CORAF/WECARD). Sans oublier le projet d’appui au contrepôle et à l’éradication des maladies et ravageurs des cultures dans l’espace Uemoa. De plus, en vue d’améliorer le niveau de couverture des besoins alimentaires et nutritionnels par les productions nationales, le Comité de Haut Niveau pour la Sécurité Alimentaire et Nutritionnelle (CHN-SAN), a adopté en 2016, le Programme Communautaire Décennal de Transformation de l’Agriculture pour la Sécurité Alimentaire (PCD-TASAN). Cet instrument est le cadre fédérateur des initiatives sous régionales en matière de sécurité alimentaire au cours de la 3ème décennie de l’Uemoa.
La maîtrise de l’eau pour une agriculture intensive
La minimisation de l’insécurité alimentaire, outre la production agricole, passe aussi par une bonne maîtrise de l’eau au profit de l’agriculture. Dans cet élan, l’Uemoa, dans le cadre de la Politique Agricole de l’Union (PAU) et de la Politique Commune d’Amélioration de l’Environnement (PCAE), a lancé le Programme régional d’aménagement des terres et de maîtrise de l’eau pour l’agriculture, avec pour objectif de valoriser le potentiel hydrique en milieu rural, à travers la protection des berges et des bas-fonds et l’amélioration de la gestion des eaux de surface. Résultat, trois grandes initiatives ont été mises en œuvre. Il s’agit, primo, du projet de mise en valeur de 11.288 hectares (ha) de terre (2.174 ha à Touraba et 9.114 ha à Kandiourou) de l’Office du Niger, au Mali, dans le but de faciliter l’accès de la zone du projet aux ressortissants des Etats membres, renforçant ainsi l’intégration économique de l’espace Uemoa. Secundo, on note le projet d’aménagement de 1.000 hectares de bas-fonds par pays à des fins agrosylvopastorales et halieutiques, dans le cadre du programme national d’adaptation aux changements climatiques, pour un montant de 25 milliards 166 millions 560 mille francs cfa pour les sept autres Etats membres. Tertio, il s’agit du Programme régional des aménagements hydrauliques multiusages dont l’objectif est le captage et la distribution des eaux souterraines pour la satisfaction des besoins en eau potable et l’amélioration de la capacité de production agricole des populations bénéficiaires. Un montant de 8 milliards 739 millions 239 mille 465 francs cfa a été investi dans différentes réalisations concernant ce volet, notamment la construction de magasins et d’annexes pour le stockage et la commercialisation d’aliments pour bétails et de produits vétérinaires, l’acquisition d’équipements et de doses de vaccins contre la maladie de Newcastle, etc.
Circuler et commercer en toute simplicité, désormais possible
En ce qui concerne la construction du marché commun, la libre circulation des biens, les réformes engagées, notamment la création de l’Union douanière effective depuis le 1er janvier 2000, a permis d’atteindre des résultats probants. Au dernier décompte, plus de sept mille (7.000) produits émanant de plus d’un millier d’entreprises ont bénéficié de l’agrément communautaire ;ce qui permet à ces marchandises de circuler librement sans droit de douane ou de toute taxe d’effet équivalent sur toute l’étendue du territoire communautaire. La conséquence directe : de 988 milliards de francs cfa en 2000, la valeur totale des échanges est passée à 3 259,4 milliards de francs cfa en 2015, soit une augmentation de près de 230% depuis la création de l’Union douanière. En ce qui concerne la libre circulation des personnes, conformément aux textes de la CEDEAO à laquelle tous les huit pays de l’UEMOA sont membres, tout ressortissant d’un Etat membre peut circuler librement dans l’espace, entrer et séjourner pendant 90 jours dans un autre Etat que celui dont il est originaire, sans visa d’entrée. S’agissant du droit d’établissement, une série de textes facilitant l’établissement et l’exercice libre d’une profession libérale dans tous les pays de l’Union ont été adoptés. Pour les personnes non ressortissant de l’Uemoa, grâce à l’acte additionnel portant politique commune de l’Union, il est envisagé, l’institution du visa unique dont l’objectif est de permettre, à terme, l’entrée et la circulation des ressortissants d’Etats tiers dans tous les Etats membres.
Des ouvrages routiers aux standards internationaux
Avec pour objectifs, la fluidité et la facilitation des transports, le respect des règles de circulation routière et la sécurisation des axes routiers, l’institution a concentré d’importants efforts dans le transport routier qui constitue d’ailleurs l’un des plus forts pourcentages des projets inscrits dans son Programme Economique Régional (PER). D’après les données de l’Union, les investissements pour la construction des infrastructures prévues dans le Programme d’Actions Communautaires des Infrastructures et du Transport Routier (PACITR 1), adopté en 2011, se sont élevés, en 2014, à la somme de 1.137,72 milliards de francs cfa, avec une importante intervention du Fonds d’Aide à l’intégration Régionale (FAIR). Le PACITR 2 a pris en compte vingt-sept (27) corridors dont treize prioritaires jusqu’en 2024, avec un linéaire de 7.123,7 kilomètres, pour un coût estimé à environ 1.434 milliards de francs cfa. Par ailleurs, environ 13,507 milliards de francs cfa ont été investis dans la réalisation de nombreuses études qui ont permis de mettre à la disposition des Etats, des dossiers techniques et financiers dans leur approche de recherche de financement. En dehors de ces opérations, toujours dans le cadre de la facilitation du transport et du transit routiers, les actions menées consistent entre autres à la construction des postes de contrôles juxtaposés (PCJ) aux frontières des Etats sur les principaux corridors routiers ; l’achèvement de trois stations de pesage dont Houègbo au Bénin, Allokoi en Côte d’Ivoire et Diamniadio au Sénégal ; avec bien d’autres réalisations.
Les entreprises dans les bonnes grâces
Au cours des 25 dernières années, le domaine de la production des biens et services, notamment la réduction des coûts de production et l’insertion au marché international ont été grandement investis au profit des entreprises par l’Uemoa. Objectif : « booster le tissu industriel afin de lui permettre de produire des biens en quantité et en qualité, à moindres coûts, en vue de répondre aux besoins de consommation intérieure au sein de l’espace et d’exporter sur le marché international, en valorisant les produits « made in UEMOA ». Suivant cet objectif, deux programmes phares ont été développés avec l’appui de l’Organisation des Nations Unies pour le Développement de l’industrie (ONUDI). Il s’agit du Programme de Restructuration et de Mise à Niveau de l’Industrie (PRMN) et du Programme Qualité. Le premier, axé sur la relance de la production industrielle, la promotion industrielle, la promotion de l’investissement, de l’emploi et l’amélioration de la compétitivité des économies aux niveaux régional et international, a permis la mise en place des Bureaux de Restructuration et de Mise à Niveau (BRMN) dans les Etats membres. Essentiellement, 12,7 milliards de FCFA ont été mobilisés pour la mise en œuvre du PRMN. Pour sa part, visant le renforcement de la compétitivité des entreprises et des capacités d’exportation des Etats membres de l’UEMOA, et ce, dans le respect des accords de l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC) sur les Obstacles Techniques au Commerce (OTC) et les mesures Sanitaires et Phytosanitaires (SPS), le programme Qualité de l’Uemoa, dans sa mise en œuvre, a permis de réaliser plusieurs actions. Il s’agit de l’accompagnement des entreprises et laboratoires à la démarche qualité, l’appui au développement des activités de normalisation, de métrologie, de certification et d’accréditation, etc. Par ailleurs, en vue de la promotion et du financement des Petites et Moyennes Entreprises (PME) de l’Union, une Charte Communautaire des PME a été élaborée et un Mécanisme d’Investissement, d’Accompagnement et de Garantie (IGA) mis en place. A la floraison d’actions concrétisées, on peut ajouter l’adoption du Programme Communautaire en matière d’Artisanat, avec la mise en œuvre du Code Communautaire de l’Artisanat de l’Uemoa et du Système d’Informations sous Régional sur l’Artisanat (SIRA). Autant d’innovations qui ouvrent de nouveaux horizons sur le secteur privé dans l’espace.
L’accès à « l’énergie pour tous à moindre coût », le crédo de l’Union
Comprenant que face à une faible quantité énergétique, aucune chance de réussite n’est possible au secteur industriel dans la Zone, l’Uemoa s’est ardemment investie dans le processus d’accès à moindre coût, à l’électricité, pour les opérateurs économiques et les populations. Ainsi donc, plusieurs réalisations ont été enregistrées. Au titre de celles-ci, on note le Fonds de Développement Energie (FDE), d’une dotation initiale de deux cent cinquante-sept milliards deux cents millions (257,2 milliards) de francs CFA ; le Projet de Développement des Energies Renouvelables et de l’Efficacité Energétique (PRODERE volet 1). Ce projet, financé à près de dix-huit milliards de francs cfa a permis l’installation dans les pays de l’Union de 4993 Kits scolaires, 8276 lampadaires solaires, 06 microcentrales solaires, 45 systèmes d’adduction d’eau avec énergie solaire et 1303 Lampes à Basse Consommation (LBC). A ce tableau s’ajoute l’identification de cinq sites devant accueillir la construction de centrales solaires de grande capacité avec une puissance totale de MWC. Même si en matière d’énergie, de plus grands efforts sont encore attendus pour garantir une certaine autonomie dans chacun des Etats, les actions jusqu’ici menées par l’Union auront été profitables à l’ensemble de ses Etats membres. Où en sont alors les autres secteurs d’activités, notamment : l’eau, la santé, l’éducation, la pêche, la coopération et les partenariats ? A suivre…