En Afrique, la croissance et la misère sont « dépendantes, vassales, des inégalités ». Voici le cheminement à la fois technique et spirituel que l’auteur nous propose.
En économie, il existe une opposition traditionnelle entre « Croissance » et « Développement ». La croissance c’est surtout le Produit Intérieur Brut (PIB), le bien-être matériel, en certains aspects contestables. Alors que le développement concerne toute la société ou l’homme : « Tout l’homme et tous les hommes », selon François Perroux, Economiste français (1903-1987), étant donné que le développement ne se réduit pas à du quantitatif, il peut être mesuré par des indicateurs tel que l’Indice du Développement Humain (IDH) du Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD).

Le progrès c’est le changement positif, graduel, d’une situation, du niveau du développement qui permet l’amélioration effective de la condition humaine. Le Professeur Jean Fourastié appelle cette transformation sociale : « le progrès technique ». C’est-à-dire, « le progrès scientifique incarné dans les faits économiques » (cf. Jean Fourastié, Productivité et richesse des Nations, Tel Gallimard Paris).
Dans une approche empirique voisine, en certains points de la parole du citoyen lambda, la croissance est recherchée pour réduire la pauvreté. Or, à l’observation on découvre dans un modèle inédit de développement comme celui de l’Afrique, que ce sont plutôt les inégalités qui s’accroissent : une grande pauvreté s’installe dans toute la société et fait ressortir des poches de misère initialement peu visibles. La croissance et la misère sont en conséquence dépendantes, vassales, des inégalités. Ainsi, les inégalités deviennent un accélérateur de la misère. Dans son Rapport 2020, la Banque Africaine de Développement (BAD) constate que : « l’extrême pauvreté et les inégalités sont plus élevées en Afrique que dans d’autres régions du monde ».
Le refus du progrès pour tous
L’histoire sert très peu à l’Afrique. L’Union Européenne est née d’une idée simple : mettre en commun la gestion des deux branches industrielles sur lesquelles repose tout effort de guerre, le charbon et l’acier. Ainsi nait en 1951 la Communauté Européenne du Charbon et de l’Acier (CECA) ; six ans après (25 Mars 1957) le Traité de Rome institue le Marché commun et dans ses évolutions, l’Union Européenne qui pourtant demeure une référence d’intégration pour l’Afrique. L’histoire des tentatives d’intégration en Afrique remonte au 18 Octobre 1904 avec des initiatives européennes durant la longue période de la colonisation française à travers l’existence de l’Afrique Occidentale Française (AOF) et de l’Afrique Equatoriale Française (AEF), en ce qui concerne l’Afrique noire d’expression française. C’est plus tard, en 1980, que le Plan d’Action de Lagos a été adopté par l’organisation de l’Unité Africaine (OUA) et, qui sert désormais de cadre conceptuel pour l’intégration africaine. Selon les études de la Zone de Libre-Echange Continentale Africaine (ZLECAf), en construction, l’Afrique compte 1 milliard 200 millions d’habitants. En comparaison, les Autorités de la Chine Continentale, 1 milliard 400 millions d’habitants, ont affronté plusieurs difficultés dans la gouvernance publique dont la famine entre 1958-1962. Ce qui n’a guèreempêché l’Empire du milieu de mettre en œuvre diverses stratégies abouties dont la récente concerne la « Double Ouverture », consistant à promouvoir la consommation intérieure et à rechercher des marchés extérieurs dans le but de satisfaire un approvisionnement en matières premières et en produits alimentaires, en écoulant des surplus de productions non satisfaits par la consommation nationale. La plus grande innovation semble être la prochaine mise en œuvre stratégique, d’un yuan numérique. La volonté politique affichée des autorités chinoises de renforcer le rôle du yuan, la monnaie nationale, comme une monnaie de réserve et de facturation contribuera à réduire le rôle du dollar américain comme une monnaie de domination des Etats-Unis vis-à-vis du reste du monde. Et l’Afrique se contente, dans cette perspective, d’être face au dollar des Etats-Unis, du yen japonais, du yuan et de l’Euro sans aucune réponse monétaire.Cette perspective expose les économies africaines en raison de safaibleretombée sociale pour des impacts négatifs divers sur le développement du Continent. D’une manière générale, il semble que l’Afrique se contente des politiques nationales et/ou sous régionales du numérique, au lieu de promouvoir une politique africaine commune, face aux marchés unifiés de la Chine, des Etats-Unis, et l’Europe qui s’organise à travers ses 27 Etats. Selon Thierry Breton, Commissaire européen aux marchés intérieurs, deux Directives fortes ont été adoptées concernant le NEt : une pour la promotion des entreprises européennes du NEt et l’autre encadre les géants américains « GAFAM » et « interdit dans le virtuel tout ce qui est interdit dans le réel ».
Pays | Revenu national en dollar US par habitant 1966 | Observations |
Chine continentale | 85 | Une partie des pays africains sélectionnés ayant, en 1966, un revenu national en dollars par habitant supérieur à celui de la Chine. |
Afrique du Sud | 550 | |
Maroc | 170 | |
Algérie | 220 | |
Tunisie | 200 | |
Kenya | 90 | |
Libéria | 210 | |
Cameroun | 110 | |
Congo | 120 | |
Centrafrique | 110 | |
Gabon | 400 | |
Côte d’Ivoire | 220 | |
Sénégal | 210 | |
Togo | 100 | |
Mauritanie | 130 |
Il apparaît, à l’évidence, et par les statistiques, que l’Afrique, 54 pays souverains ayant des objectifs communs de développement, à travers l’Union Africaine, présente une faible volonté politique et unestratégie de développement peu cohérente par rapport à une Chine continentale, réaliste et vaillante depuis 1966. Le Revenu national, la valeur nette des biens économiques produits par la nation, pour la Chine et l’Afrique se présentait comme suit :
Chine/Pays africains sélectionnés
Source : Statistiques Banque mondiale, rapport 1966
Que signifie l’Intérêt général en Afrique ?
La Puissance publique, le législateur, par le principe de précaution réglemente les biens et services communs (la richesse nationale) comme des activités d’intérêt général. La qualité de cette gouvernance publique est appréciée selon plusieurs critères notamment par la répartition inclusive de cette richesse et par l’indice de liberté économique. Concernant l’Afrique, The Heritage FOUNDATION, Washington, dans son classement 2020, révèle que sur 51 paysafricains : 02 sont « globalement libre », 07 « modérément libre », 32 « peu de liberté » et 10 « répressif ».Voici le système économique africain.
Duguit Léon, juriste français (1859-1928), après son Traité de droit constitutionnel (1911) a marqué dans le monde la pensée juridique du XXe siècle. Qu’est-ce que l’intérêtgénéral ?
Selon Duguit, c’est « Toute activité dont l’accomplissement doit être assuré, réglé et contrôlé par les gouvernants, parce que l’accomplissement de cette activité est indispensable à la réalisation et au développement de l’interdépendance sociale (cohésion sociale), et qu’elle est de telle nature qu’elle ne peut être réalisée complètement que par l’intervention de la force gouvernante ».Ainsi, la doctrine élaborée par ce juriste accorde une place centrale à l’Etat, Puissance publique et Législateur.
La notion d’intérêt général fait donc l’objet d’un usage varié et changeant selon les époques. Le Droit public ne donne pas de définition précise de l’intérêt général. Il énonce principalement que l’intérêt général est l’objet même de l’action de l’Etat et qu’il revient à l’Etat, législateur, de le définir. L’imprécision juridique de la notion d’intérêt général présente un avantage évident, celui que le droit peut facilement s’adapter à la société, à l’évolution des techniques et des besoins.
Mais cette imprécision présente un grave inconvénient dans les sociétés africaines souvent soumises aux pouvoirs des intellectuels, Dirigeants politiques et autres décideurs, parce qu’elle, cette imprécision, conduit à une situation dans laquelle l’Etat (avec des groupes d’intérêt) se légitime par des activités de service public dont lui seul détermine la définition. C’est pourquoi également, chaque Etat africain, usant de sa souveraineté, à sa manière, banalise l’intégration africaine qui est nécessairement une activité d’intérêt général, de par les objectifs poursuivis par les Etats partenaires. La BAD a invité les Etats africains à accélérer l’industrialisation du continent, à l’occasion de la journée de l’industrialisation de l’Afrique dont le thème pour 2020 est : « l’industrialisation inclusive et durable à l’ère de la ZLECAf ». Cependant que 54 pays sur 55 ont signé l’Accord partie créant la Zone de Libre-échange continentale Africaine (ZLECAf), seulement 34 EtatsMembres de l’Union Africaine l’ont ratifié, a-t-on constaté lors du Sommet extraordinaire de l’U.A. du 05 Décembre 2020 sur l’entrée en vigueur de la ZLECAf. Par ailleurs, « Globalement le niveau d’engagement et la préparation à la mise en œuvre effective de cette zone de libre-échange par les gouvernements africains est 44,48% en moyenne en termes d’engagement, et le score moyen global pour la préparation à la mise en œuvre est de 49,15%. Aucune des trois plus grandes économies du Continent, l’Afrique du Sud, l’Egypte et le Nigéria ne figure dans les 10 meilleures performances globales de ce classement » (cf. l’Economiste du Bénin, n°1771, 22 Octobre 2020)
Enfin, la souveraineté nationale devient un remède souverain aux mains des Dirigeants politiques africains. C’est un véritable frein au développement et àl’intégration africaine. Sur le plan national, dans tous les pays africains, une pratique s’installe par le comportement particulier des intellectuels africains qui se sentent obligés de se réduire à un état de dépendance absolue à leurs parrains. A cet égard, plusieurs spécialistes parlent d’Institutions fortes, s’alignant sur la vraie fausse idée de l’ancien Président américain Barack OBAMA; oubliant qu’une Institution, c’est avant tout l’image d’un homme libre d’esprit et respectueux de la loi. Car Dieu Notre Créateur nous demande la pratique dela justice, du droit, de l’amour et la vérité, conduisant à la paix.
Le président HouphouëtBoigny, en 1976, à la Tribune des Nations-Unies avait pourtant prévenu : « La paix, ce n’est pas un vain mot, c’est un comportement ». Que les Dirigeants africains à tous les niveaux donnent l’exemple puisque les illusions et les fortunes actuelles disparaitront. Car, « le jour du Seigneur viendra comme un voleur. Alors les cieux disparaitront avec fracas, les éléments en feu seront détruits, la terre avec tout ce qu’on y a fait sera brûlée… Car ce que nous attendons, selon la promesse du Seigneur, c’est un ciel nouveau et une terre nouvelle où résidera la justice.En effet, « Dieu a le pouvoir de réaliser, en nous par sa puissance infiniment plus que nous ne pouvons demander ou même imaginer ». (Sainte Bible 2 Pierre 3,10-13 ; Ephésiens 3, 20)
Le refus déguisé de tout Etat africain de l’intégration africaine pour l’unique raison d’exercer sa souveraineté nationale est une illusion. Cette volonté politique non affichée des Etats Membres de l’Union Africaine par rapport au reste du monde si elle se perpétue, elle maintiendra l’Afrique dans une dépendance, une servitude volontaireplus grave que celle de la période de la colonisation. Il est à rappeler que les réformes dans l’histoire des hommes et des nations interviennent généralement pour prévenir ou pour faire face aux difficultés lors des crises naturelles et autres dysfonctionnementsdes structures des Etatsayant de forts impacts socio-économiques et politiques sur les hommes. La doctrine de la souveraineté monétaire est unique, celle du professeur Emile James, c’est la rigueur et la bonne gouvernance dans la justice. Car, dit-il : « Il existe (toujours) des monnaies dominantes et des monnaies dominées ».
Concernant la Zone Franc, cette servitudevolontaire est favorable aux élites africaines. Il n’est pas surprenant que Jean-François Mbaye, le député français rapporteur du projet de ratification ait constaté, dénoncé, qu’aucun Parlement africain concerné, n’ait évoqué ce dossier, jusqu’à la ratification par la France, le jeudi 10 décembre 2020, de l’Accord monétaire conclu en décembre 2019, avec les Etats membres de l’UEMOA. L’Afrique de l’ouest est cependantcitée comme une référence d’effort d’intégration africaine poussée. C’est pourquoi, la future monnaie Eco devient une pierre d’achoppement dans la création de la monnaie unique africainequi repose sur les monnaies uniques régionales à travers les 08 Communautés Economiques Régionales (CER) de l’Union Africaine (UA). D’ailleurs, « L’économiste du Bénin » annonçait dans sa parution du 27 janvier 2021, à sa « Une » : « La monnaie unique Eco repoussée à 2025 ».
Les Dirigeants africains devraient fonder toutes leurs actions sur la foi en notre Dieu créateur, un Père tout puissant qui veille sur nous. Apprenons à nous décharger sur lui de tout notre souci puisque notre Seigneur, Dieu, prend soin de nous. Nul n’est juste sans Dieu source de vie et Amour. En vérité, Croyant ou non, il existe « un seul Dieu et Père de tous qui règne au-dessus de tous par tous, et en tous ». Car, aucun dessein n’est trop difficile pour Dieu(Sainte Bible 1 Pierre 5,7 ; Ephésiens4, 6 et JOB 42,2).
Dr François Kouadio
Ancien Fonctionnaire International
COTONOU 03 Janvier 2021