L’érosion côtière est une détérioration qui n’épargne pas le Bénin. En réponse à cette menace, de nombreux actions sont menées par le gouvernement et autres structures d’aide. A ce titre, la côte transfrontalière Bénin-Togo profite du projet WACA-Resip pour l’aménagement et la protection des constructions ou autres biens situés sur la côte.
Félicienne HOUESSOU
Des digues, jetées, épis ou autres structures en enrochements sont déployés sur les segments de la côte transfrontalière Bénin-Togo. Le WACA-Resip est l’un des projets financés par la Banque mondiale afin d’apporter une solution d’urgence pour protéger la population et les biens du segment de côte Togo-Bénin, directement menacés par l’avancée de la mer. Dans sa mission qui est de corriger l’érosion et de dimensionner les ouvrages afin que l’impact soit amoindri, ce projet met en œuvre des solutions douces de lutter contre l’avancée de la mer.
Pour le Docteur en Géomorphologie et expert en aménagement des espaces littoraux, Moussa Bio Djara, des études de faisabilité techniques ont été faites et ont permis d’avoir un rapport d’avant-projet sommaire (APS) et un rapport d’avant-projet détaillé (APD) qui donnent l’option possible et acceptable pour les deux parties à mettre en place pour protéger la côte sur le segment transfrontalier Bénin-Togo. « Pour en arriver à cette option, nous avons fait des croisements entre les options possibles avec les impacts et nous avions choisi une option qui présente moins d’impact sur l’environnement, la population et, qui est beaucoup plus durable. L’une des priorités dans nos choix est la durabilité des ouvrages. Des résultats de l’APD, il se dégage pour l’option à long terme, la mise en place de 50 épis courts avec rechargement de casiers (l’espace qui sépare deux épis) à l’intérieur et à une distance estimée à 500 mètres environs ». Ainsi, du côté du Bénin, 40 épis ont été mis en place avec des rechargements à l’intérieur des casiers. « En aval du dernier épi, c’est-à-dire au Pk 14 à la hauteur de la ville d’Agoué, il est prévu de mettre en place un moteur de sable de 6.4 millions de m3. Ce moteur consiste à mettre une grande quantité de sable. Nous allons gagner ainsi entre 150 et 200 mètres de côte, en mer. D’ici la fin de l’année 2021, si tous les indicateurs, le chronogramme des activités et aussi les aléas sont en notre faveur », rassure Moussa Bio Djara. Ces installations ont une durée de vie estimée à 15 ans environ, selon l’expert qui prévient qu’après 15 ans, il faut faire la maintenance.
Le risque de perdre le « Pied du Bénin » éloigné
Grâce à ces travaux, le Bénin a éloigné pour 15 ans encore le risque de perdre la langue de terre qui est la continuité du Bénin qu’on appelle le ‘’Pied du Bénin’’. « Si rien n’est fait d’ici 5 décennies, malheureusement, le Bénin va perdre cette façade maritime parce que l’Océan va rattraper le chenal Gbaga. Et si l’Océan rattrape le chenal Gbaga sur la distance de 23 km jusqu’au pont de Grand-Popo, cela veut dire que le Togo qui se retrouve sur la berge nord aura la façade maritime et suivant la convention de Montégobay, les eaux territoriales sur une longueur de 23 km vont appartenir au Togo », explique l’expert en aménagement des espaces littoraux.
En effet, de Grand-Popo à Hillacondji, le Bénin dispose d’une langue de terre qui est limitée au sud, par l’Océan et au nord par le chenal Gbaga qui est une frontière naturelle avec le Togo. Sur les 23 km, le Bénin a un pied à l’intérieur du Togo et, c’est pour cela que la façade maritime appartient au pays de Béhanzin. Suivant la convention de Montégobay, c’est le pays qui a la façade maritime, qui a les eaux. Mais sur ce secteur de côte, la vitesse d’érosion évolue et oscille entre 15 et 22 mètres par an, dans la zone source d’érosion ; c’est-à-dire sur la côte de Sanvee-Condji-Hillacondji. En termes de ressource, perdre ses 23 km revient à perdre une partie de la côte béninoise, la ligne de tracé des eaux territoriales va changer, la carte du Bénin va changer et plusieurs ressources naturelles vont certainement disparaitre.
Jonction des forces pour contrer l’érosion côtière
Les gouvernements du Bénin et du Togo ont mis en place un comité mixte qui intervient dans la gestion et le suivi de tous les investissements qui seront réalisés sur le segment de côte Bénin-Togo. Pour matérialiser cet arrangement, un mémorandum d’entente et un protocole d’accord ont été signés en septembre 2018 et en septembre 2020 pour la gestion durable du segment de côte transfrontalier et la gestion du chenal Gbaga. « A l’intérieur de ce comité, nous avons le segment ministériel, le groupe technique mixte et le secrétariat mixte. A travers ces organes techniques, ce comité approuve, valide et conduit le processus de mise en place progressive des activités communes aux deux pays. Pour être plus court, étant donné que les deux Etats ne peuvent pas faire de façon unilatérale les activités, nous nous sommes partagés les deux activités que nous avons ensemble », indique Moussa Bio Djara. C’est ainsi que le Bénin conduit le processus des études et de la réalisation des ouvrages de protection côtière depuis Agbodrafo (Togo) jusqu’à Grand-Popo (Bénin). Le Togo va assurer la gestion du chenal Gbaga qui est situé au nord de la langue de terre de 23 km, où nous allons faire du curage mécanique, la restauration et le reboisement des berges de ce plan d’eau et le rendre navigable toute l’année car dans le passé, ce plan d’eau était navigable et communiquait facilement avec l’Océan, via l’embouchure d’Aného.