Se multipliant par cinq (05) sur les 20 dernières années, la dette des pays pauvres, en plus de mettre à mal les investissements, a fait des pauvres supplémentaires. Une situation que dénonce le Programme des Nations Unies pour le développement (PNUD) dans son nouveau rapport intitulé « The Human Cost of Inaction : Poverty, Social Protection and Debt Servicing, 2020–2023 » (Le coût humain de l’inaction : pauvreté, protection sociale et service de la dette, 2020-2023).Sylvestre TCHOMAKOUNon seulement il a supplanté les dépenses allouées à la protection sociale, à la santé et à l’éducation, le service de la dette des pays pauvres à fait basculer, entre 2020 et 2023, 165 millions de personnes dans la pauvreté. Face à ce tableau qui remet en cause les progrès dans la protection de l’humain, le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) appelle à mettre en pause la spirale de l’endettement et de la pauvreté jusqu’à ce que le système multilatéral se penche sur une restructuration de la dette rapide et de grande ampleur. Selon l’organisation qui a fait l’état des lieux dans sa nouvelle étude « Le coût humain de l’inaction : pauvreté, protection sociale et service de la dette, 2020-2023 », l’intégralité de ces pauvres supplémentaires vit dans des pays caractérisés par des économies à revenu faible et à revenu intermédiaire. En réponse à cette crise, le PNUD appelle à mettre en place une protection sociale adaptative et à « mettre en pause la spirale endettement-pauvreté », afin de réorienter les sommes consacrées au remboursement de la dette vers des dépenses sociales vitales. L’administrateur du PNUD, Achim Steiner, a, pour ce faire, déclaré : « Les pays qui ont pu investir dans des filets de sécurité au cours des trois dernières années ont évité à de nombreuses personnes de basculer dans la pauvreté. Dans les pays très endettés, on observe une corrélation entre le niveau d’endettement, l’insuffisance des dépenses sociales et l’augmentation alarmante du taux de pauvreté. Aujourd’hui, 46 pays consacrent plus de 10 % de leurs recettes publiques au paiement d’intérêts nets. À cause du service de la dette, il devient de plus en plus difficile pour certains pays d’investir dans la santé, l’éducation et la protection sociale au bénéfice de la population ». Pour l’administrateur du PNUD, il est plus que jamais important d’agir. C’est pourquoi il a indiqué : « L’inaction concernant la restructuration de la dette souveraine des pays en développement a un coût humain. Nous avons besoin de nouveaux mécanismes pour anticiper et absorber les chocs et pour faire en sorte que l’architecture financière internationale fonctionne pour les plus vulnérables ». Dans les pays en développement, les paiements effectués au titre du service de la dette ces dix dernières années ont absorbé une part sans cesse croissante des recettes et des dépenses publiques. À titre d’exemple, selon les dernières données disponibles, on estime qu’en moyenne, la part du paiement d’intérêts dans les recettes ou les dépenses d’un pays à faible revenu est deux à trois fois supérieure à celle d’un pays à revenu élevé. En moyenne, les fonds consacrés par les pays à faible revenu au paiement d’intérêts nets représentent plus du double de ceux alloués à l’aide sociale et sont supérieurs de 40 % aux financements alloués à la santé. Dans ces pays, le service de la dette équivaut à 60 % des dépenses pour l’éducation. La note, qui s’appuie sur les conclusions du rapport du Groupe de réponse aux crises des Nations Unies « A World of Debt, a growing burden to global prosperity » (Un monde de dette, un fardeau grandissant pour la prospérité mondiale) appelle à « mettre en pause la spirale endettement-pauvreté » de manière à pouvoir utiliser les sommes consacrées au remboursement de la dette pour financer des dépenses sociales et contrer les effets des chocs macroéconomiques. Pour George Molina, économiste en chef du PNUD, « Cet ajout systémique à l’architecture financière internationale devrait être déclenché automatiquement afin de rétablir des finances publiques en chute libre lorsque des chocs exogènes réduisent la marge de manœuvre budgétaire des pays en développement, font exploser la charge de la dette et plongent les ménages dans la pauvreté. C’est le début d’une nouvelle architecture de protection sociale adaptative qui permettra de se préparer pour les chocs à venir ». La solution n’est pas hors de portée pour le système multilatéral. Selon les calculs présentés dans la note d’orientation, il suffirait d’un peu plus de 14 milliards de dollars, soit environ 0,009 % du produit intérieur brut mondial en 2022, pour limiter la hausse actuelle de la pauvreté et sortir de la pauvreté les 165 millions de personnes qui vivent avec moins de 3,65 dollars par jour. Cela représente en moyenne un peu moins de 4 % des paiements effectués en 2022 par les pays à revenu faible ou intermédiaire au titre du service de la dette publique extérieure, des montants qui ont atteint 370 milliards de dollars.